Le recod', c'est la vie !
[Secteur économique]Mike, Aillas
Ç'avait été une longue journée. Trop longue.
La Fête de la Survie avait bien démarré. L'ambiance de jeu et de célébrations faisait toujours son effet. L'alcool avait beau couler à flots, on enregistrait moins de délits et crimes que l'on aurait pu s'attendre en temps normal. Les Wilmarites profitaient, avec un positivisme peu coutumier.
Millésimé avait évidemment perdu quelques centaines de crédits en paris et autant en boisson, mais il en était ainsi de la Fête de la Survie.
Pourtant, il advint une chose imprévue : une explosion.
L'acier du vaisseau conduisit le bruit et la force de l'explosion sur des kilomètres de coursives. Millésimé se trouvait à deux-cents mètres de la déflagration, ce qui ne l'empêcha pas de finir sur les fesses en compagnie des autres fêtards qui l'entouraient. Le gobelet d'alcool distillé à 70° quelle tenait imbiba son pantalon et son blazer en des taches odorantes.
Les lumières rouges d'alerte prirent le pas sur l'éclairage général. Des voix retentissaient, les hauts-parleurs crachaient, les Wilmarites gueulaient.
La Fonction Générale ne déclarait pas l'état d'urgence pour rien, surtout pas lors du premier jour de la Fête de la Survie. En effet, quelques minutes plus tard, Millésimé découvrit sa première victime. Blessé, l'homme hagard hurlait à qui voulait l'entendre l'étendue des atrocités. Les dizaines de morts. Les membres arrachés. Les cloisons éventrées. Les enfants qui appelaient leurs parents.
Elle parvint à s'approcher des lieux de l'explosion où le nombre de blessés augmentait considérablement. Elle ne tarda pas à aider des inconnus en leur prodiguant les premiers soins qu'elle connaissait. Après un moment qui lui parut être une éternité, mais qui en réalité fut plus bref que sa perception, la Sécurité Intérieure débarqua. Tantôt en combinaisons de pompier, tantôt en armure de combat, les hommes et les femmes de la SI firent grande impression.
Les enfants solitaires disparurent en un tour de main, les victimes furent prises en charge. Le cordon de sécurité installé par la SI s'agrandit progressivement. Millésimé fut écartée sans ménagement. Les armures noires faisaient reculer tout le monde, sans distinction. Des personnes essayaient de communiquer avec elles et d'obtenir des informations, en vain. Lorsque quelques individus s'échauffèrent et devinrent agressives, des juges de terrain sortirent de derrière les rangs. Leur présence apporta un nouveau froid.
Millésimé ne resta pas. Le Clan Enox rappelait en urgence l'entièreté de ses membres. Il lui fallut des heures pour rejoindre le point de rendez-vous le plus proche, tant les ascenseurs et les lignes de train à sustentation magnétique étaient bondés.
Une fois arrivée, on lui assigna un fourgon et une destination : les abords de la proue. La Sécurité Intérieure avait des corps pour le Clan Enox. Un tas de corps.
Elle tira sur son bandana pour frotter un coin de sa pommette. Son visage était sale et tiré. Heureusement, c'était la dernière livraison. Maintenant, tout reposait sur les gens de la recod'. Ah, du repos. Si seulement.
15:48 - 3 déc. 2016
Mais on commençait à voir la queue de la débandade mortuaire. Elle se faufila entre les housses contenant les corps ; cette pièce servait d'entrepôt sec pour les macchabées en surplus et les tas avaient suffisamment baissés pour que l'on voit le fond de la salle, côté cuves. Hellen, quant à elle, allait rejoindre la coursive de chargement pour la réception de la dernière cargaison "spéciale fête de la Survie". Ironie quand tu nous tiens...
Elle fit biper son pass à la porte en sortant, vidant son verre en rejetant la tête en arrière une fois sur le seuil. Hellen se frotta un oeil machinalement, fatiguée, et avisa le fourgon et sa conductrice, brune et brune, de peau et de cheveux, de crasse et de naturel. Elle lui adressa un sourire las de ceux qui partagent la peine de réparer les conneries d'un autre.
-Pas trop tôt, hein.
16:54 - 3 déc. 2016
20:16 - 3 déc. 2016
Hellen esquissa un léger sourire à la pointe d'humour de son interlocutrice avant de répondre à sa question. Une question qui en disait généralement aussi long que la réponse. L'aile bâbord était la mauvaise aile, celle où on en chiait pour tout. Bien sûr, certains s'en sortaient très bien et parvenaient même à rejoindre des Syndicats, mais pour la majorité, c'était la merde. Hellen avait la chance que sa famille soit sortie d'affaire.
- Bâbord. Elle lui lança un regard éloquent, un "Toi aussi ?" muet.
Elle jeta son verre et fit quelques mouvements d'épaules pour en chasser la lassitude, puis elle s'approcha de Millesimé pour qu'elle lui donne l'authentification de livraison.
01:24 - 11 déc. 2016
15:48 - 6 mars 2017
Répondant à la présentation d'un hochement de tête, elle ajouta.
- Hellen. Ouais, je m'occupe du recod' directement... et j'ai pas trop de monde aussi dessus de moi pour me dire ce que je dois faire. Elle tendit la main-prothèse pour prendre le bon. Un peu débordée ces derniers jours, c'était du grand n'importe quoi, à un moment je ne pouvais même plus sortir de la salle de cuve tellement on avait de macchabées en stock. Mais on arrive au bout.
Elle avisa Millésimé.
- T'étais avec qui à bâbord ?
La rivalité des gangs était réelle dans les ailes et ce n'était donc pas étonnant qu'on se retrouve davantage à parler de ses anciens compagnons de route comme de frères ou soeurs d'arme plutôt que d'un simple groupe. On disait plus facile qu'on était "avec" que "chez" untel. Le genre de détails qu'un clanique ou un syndiqué passait à côté.
14:41 - 16 mars 2017