La Traque
De Vaanne, Grendelor, Exodus(...),
De Vaanne a dit :
- Une idée ? Mais de quoi parles tu ? demanda De Vaanne en regardant fixement son collègue.
- Je te dis qu'on ne peut pas arriver chez Grendelor sans une bonne excuse. Cherche donc, boîte de conserve rouillée !
Et Exodus de se mettre visiblement à réfléchir, se pinçant tout d'abord le nez en prenant l'air pénétré, puis mettant son poing sous son menton à la façon du Penseur. il en était à essayer une nouvelle position de yoga (au grand dam des coutures de son habit de cuir) formellement déconseillée à toute personne sensée que l'Illumination lui vint, au grand soulagement de De Vaanne qui regardait avec une exaspération croissante les contorsions exotiques et hystériques de son collègue.
- J'ai trouvé ! Grendelor voulait discuter avec Rumulus, n'est-ce pas ?
- Certes, répondit l'enarmuré d'un ton polaire.
- Eh bien, il suffit de l'embarquer avec nous et de dire à la Dame que nous lui ramenons de la compagnie !
De Vaanne se massa les yeux un instant et leva ensuite un regard immensément las.
- Il y a un problème de taille à ton plan. Rumulus a disparu, espèce d'incapable ! hurla-t-il devant l'air d'incompréhension de son interlocuteur.
Celui-ci tourna la tête de tous côtés et s'élança vers la dernière position connue du président en criant qu'il fallait absolument le rattraper. Sa chevauchée fantastique fut malheureusement promptement écourtée par une lourde chute dans un laurier, chute causée par De Vaanne qui avait adroitement lancé un heaume dans les pieds d'Exodus. Ramassant tranquillement la pièce d'armure, il l'épousseta avant de relever le répurgateur d'un geste.
- Tu m'écoutes, maintenant, ou faut-il que je m'énerve sérieusement ?
Exodus, suffoqué d'indignation, se préparait à émettre une série de doléances et de récriminations d'un ton de mégère mal embouchée quand il croisa le regard de De Vaanne. Et changea instantanément son fusil d'épaule.
- Oui ?
- Depuis quand a-t-on besoin de se casser la tête ? Ceci a plus de pouvoir que toutes les excuses du monde. Surtout les tiennes, d'ailleurs.
- La dernière phrase était basse, mesquine et totalement superflue, dit Exodus en reconnaissant l'objet que son compère venait de sortir de sa poche.
Une rosette de l'Inquisition.
Le petit sceau qui donnait à son juste détenteur le droit de vie et de mort sur toute personne croisant son chemin. La dernière chose que voyait un hérétique transformé en être pitoyable et hurlant juste avant son exécution. La dernière chose qu'oublierait un membre de l'Inqusition. Exodus préféra rougir quand De Vaanne lui demanda où était la sienne.
- Ayant atteint les tréfonds de l'inutilité, tu ne peux que remonter. Et si tu ne le fais pas, je te sors la tête de l'eau pour mieux te noyer ensuite. Tu es arrivé avant moi : tu dois donc avoir commencé à emmagasiner des renseignements sur ce coin perdu. Où habite Grendelor ?
- Quelque part dans Sûl-nar, répondit Exodus. je n'en sais pas plus, mais il suffira de demander notre chemin à un tavernier ou à quelqu'un d'a priori bien renseigné. Mais auparavant, j'aurais besoin de retourner à Belthil. Pour récupérer mes armes.
Quelque temps plus tard, un poing armuré s'abattait rudement sur la porte d'une maison discrète de Sûl-Nar
Grendelor
Le coup résonna lourdement dans l’atmosphère avant de retomber dans un silence pesant. Au bout de quelques minutes sans autre bruit que celui de la respiration des deux inquisiteurs, le poing cogna à nouveau, plus fortement. Un sentiment d’incompréhension envahit un instant les deux hommes avant de refluer. Un mouvement se fit entendre à l’étage avant de se rapprocher. La porte s’ouvrit, largement.
Exodus, DeVaanne, que se passe-t-il ?
La voix de Grendelor n’exprimait aucune surprise mais une fatigue intense. Ses longs cheveux étaient défaits, l’enserrant dans un voile turquoise. Ses yeux bleu étaient cernés de noir et recélaient une douleur qui n’était pas présente quelques jours auparavant. Elle semblait avoir déjà perdu toutes les formes de sa grossesse et bien plus encore. Sa silhouette d’ordinaire pleine et vivante paraissait menue et fragile. Son visage marqué racontait les nuits d’insomnie.
Le sentiment d’incompréhension qu’ils avaient senti quelques minutes avant apparu tout à coup aux inquisiteurs comme la marque d’un réveil en sursaut.
Rien de grave j’espère. Mais entrez, ne restez pas sous le soleil ou vous allez cuire.
Le fantôme d’un sourire s’esquissa mais n’atteignit pas les yeux de la guérisseuse qui s’effaçait pour laisser passer les deux hommes.
Exodus
Les deux hommes, surpris de retrouver la Dame turquoise dans un tel état d'épuisement et d'abattement, la remercièrent avant de la suivre dans le salon qui se présentait juste après l'entré. Enlevant son chapeau, Exodus accepta avec politesse la chaise qui lui avait été offerte tendis que DeVaanne préféra rester debout, son casque sous le bras. Tout deux regardaient tout autour d'un air plus ou moins intéressé, faignant de s'arrêter sur tel ou tel détail de la décoration. Mais leur regards revenaient régulièrement sur Grendelor qui semblait ne pas savoir où aller ni quoi faire, s'affairant à une tache avant de l'interrompre immédiatement, passant un bref instant devant le miroir pour se contempler d'un regard vide avant de repartir vagabonder dans la pièce.
Elle s'arrêta brusquement avant de se retourner vers ses deux invités.
- Je suis désolé, je fais honte à mon devoir d'hôtesse. Voulez-vous boire quelque chose, un rafraichissement?
DeVaanne se contenta de secouer la tête d'un air absent, et Exodus de répondre:
- Ce ne sera pas la peine, merci.
- Bien, bien... Si cela ne vous dérange pas, je vais me servir quelque chose de mon côté, je crois que j'en ai besoin. Je vous demande juste de patienter quelques instants...
Elle s'éloigna vers l'autre côté de l'habitation, laissant les deux hommes seuls.
- Son état a empiré depuis la dernière fois, commença DeVaanne. Elle semblait déjà fatigué au parc mais là il y a quelque chose d'autre.
- Hum... Et tu as vu son ventre? Elle semblait prête à accoucher il y a quelques jours et aujourd'hui, c'est.. comme si elle n'avait jamais attendue d'enfant. Ça peut être un effet d'Aspharoth, ou tout du moins de son contact.- C'est tout a fait possible, et pour tout dire ce serait même favorable pour nous. Si le possédé a en effet eu un effet néfaste sur le terme de sa grossesse, elle devrait être plus encline à nous aider.
Exodus jeta un regard de biais à son camarade, soupirant légèrement.
- Je sais que tu dis ça par pur soucis technique, mais tache d'être plus délicat dans les instant à suivre ou son aide risque de durer le temps d'un soupir. Et essaye de...
Il n'eut pas le temps de finir car Grendelor venait de reparaître, tenant un grand verre entre ses mains. Son visage semblait avoir retrouvé une certaine contenance tandis qu'elle venait s'installer en face des deux inquisiteurs. Elle tenta d'esquisser un sourire plutôt réussi avant de prendre la parole.
- Alors messieurs,que me vaut le plaisir de votre visite? A voir vos tête sérieuses, je doute que vous veniez ici pour m'amener quelques lychees que j'aurais oublié lors de notre dernière rencontre, non?
Sa voix avait en partis retrouvé le ton espiègle qu'ils lui connaissaient, mais ses yeux restaient en revanche aussi terne que lorsqu'elle leur avait ouvert la porte.
- Et bien pour tout vous dire, nous ne venons effectivement pas pour vous parler de fruits et autre, et croyez bien que j'en suis le premier navré, répondit Exodus en tentant un sourire à son tout, sourire qui ne tint qu'un bref instant. Non, pour être honnête, notre visite a des raisons beaucoup plus officielles, si vous voyez où je veux en venir.
Il laissa passer un moment, croisant les mains l'une dans l'autre, avant de rependre. Grendelor les regardait l'un après l'autre, attendant que l'un développe. Elle n'avait toujours pas toucher à son verre.
- En fait, nous venons vous poser des questions à propos d'une de vos connaissance. Si on ne trompe pas, il s'agit d'Aspharoth, le...- Le monstre que vous avez secouru dans l'oasis de Sûl-Nar.
Un son sec retentit dans la pièce lorsque la main de Grendelor gifla violemment le visage de DeVaane, presque trop rapidement pour être perçu à l'œil nu. Elle s'était levée en un bond pour se retrouver face à lui et malgré la taille de l'inquisiteur, se tenait en posture de défis, les yeux animés d'une froide colère.
- Je vous interdis de l'appeler ainsi. Ni lui, ni aucun de mes amis.
DeVaanne, dont le visage était encore figé de stupeur, posa son regard enflammé droit dans les yeux de la Dame turquoise.
- Porter la main sur un représentant de l'inquisition, c'est porter offense à l'Unique en personne. Je vous excuserais votre ignorance pour aujourd'hui, mais ne refaite plus jamais ça.
Exodus intervint pour tenter de calmer la situation, reconnaissant dans les yeux de son collègue un feu qu'il valait mieux éteindre au plus vite. Grendelor aussi l'avait surprit: en temps normale il était sûr qu'elle n'aurait jamais réagis aussi violemment mais la phrase de l'inquisiteur semblait lui avoir fait perdre le contrôle. Il jeta un bref regard d'avertissement à DeVaanne avant de s'approcher de Grendelor.
- Calmez vous, je vous en pris, lui dit-il doucement, posant un bras sur son épaule et l'invitant à se rasseoir. Ce que mon collègue a essayé de dire, avec un manque évident de tact, c'est que nous avons de très bonne raison de croire qu'Aspharoth représente un danger non-négligeable pour ce pays et pour ceux qui le côtoient en particulier...
Grendelor
Grendelor tenta de calmer l'agitation qui la parcourait. Sous l'effet de la colère, elle avait crié et elle écoutait avec une angoisse grandissante les bruits de la maison et particulièrement ceux de l'étage. Alors qu'elle prenait enfin une gorgée de son verre, le liquide qu'il contenait dégageant une forte odeur de plantes, les paroles d'Exodus parvinrent jusqu'à son esprit. Son regard douloureux passa sur DeVaanne avant de revenir sur le gardien d'Adelarin.
Insulter ma famille n'est pas vraiment la meilleure chose à faire quand on vient frapper à ma porte. Aspharoth n'est pas un monstre, c'est un Gold. Et quand bien même j'ai entendu des histoires affreuses sur l'Inquisition, je ne vous crois pas encore assez atteint de folie pour brûler les gens parce qu'ils ne sont pas de la même race. Ou alors vous pouvez brûler tout Ter Aelis, en commençant par Ramrod et Dounette. Reprenant son souffle en même temps qu'une gorgée de sa décoction, l'éclat de colère qui brillait dans ses yeux s'adoucit quand elle reprit. De plus, il n'est plus un danger, je m'en suis occupée.
Des pleurs éclatèrent au dessus de leurs têtes. Utilisant son empathie, une onde de réconfort se propagea dans la maison, calmant la voix criarde.
Excusez-moi, avec tout ça, il s'est réveillé. Je dois le nourrir, je reviens.
Dans sa voix, tout l'amour qu'une mère porte à son enfant, toute la douleur aussi face à son destin. D'un pas où perçait l'épuisement, Grendelor monta l'escalier. Des murmures de réconfort parvinrent jusqu'au salon, accompagnés d'un babille joyeux, puis le silence.
De Vaanne
- Elle n’est pas en forme, cela se voit. Mais l’enfant a l’air sain et en bonne santé à en juger par ses cris, fit remarquer Exodus.
- C’est un soulagement, mais cela ne me suffit pas. Je suis prêt à laisser passer beaucoup de choses, mais pas un cas de corruption aussi tristement évident.
De Vaanne se tut au retour de Grendelor, qui arborait un sourire certes fatigué, mais heureux d’avoir passé un instant avec son fils. Sans un mot, l’inquisiteur lui tendit son verre qu’elle accepta sans rien laisser paraître. Il attendit dans un silence pesant, qu’elle en boive quelques gorgées. Exodus, mal à l’aise devant la tension devant la tension qui régnait dans la pièce, ouvrit plusieurs fois la bouche pour ajouter un de ses réparties spirituelles, mais un regard assassin de De Vaanne le coupait immédiatement dans son élan. Celui-ci reprit la parole, d’une voix plus douce qu’au départ.
- Je me doute bien que vous avez entendu des histoires terribles sur l’Inquisition et ses modes d’action. Cependant, je crois que vous n’avez pas compris la nécessité de notre mission.
Ter Aelis a la chance d’être une terre protégée par on ne sait quel pouvoir supérieur des tumultes qui agitent et mettent à bas les empires du dehors. Ter Aelis a la chance de ne pas avoir à lutter pour sa survie, ce qui fait logiquement de ses habitants des êtres plus doux qu’ailleurs.
Dans les terres de la juridiction de l’Inquisition, notre travail est nécessaire, indispensable ! Ne venez donc pas émettre de jugement de valeur, car il n’a pas lieu d’être.
- Mais vous n’avez pas de « juridiction » ici, fit remarquer Grendelor.
- C’est exact, sourit froidement l’inquisiteur. C’est heureux d’ailleurs car il me répugnerait d’y appliquer l’absolue rigidité des règles du Credo : « Prenez garde à l'hérétique, haïssez le xenos, craignez le démon. »
En substance, ces règles ont été données par l’Unique aux Hommes pour les protéger des dangers de la magie et de la déviation. Un homme possédant des pouvoirs magiques devra passer par un entraînement éprouvant et souvent mortel pour prouver qu’il n’est pas un danger pour lui ou pour les autres… Qu’il a le droit de vivre.
- Et qu’est-ce que cela a à voir avec Aspha ? Vous n’avez pas le droit de l’opprimer. Vous n’avez aucun pouvoir sur lui !- Faux, en partie. Je ne me serais pas lancé de moi-même dans une entreprise zélote ici, en partie devant l’ampleur de la tâche et parce que je n’ai rien à y faire. Vous possédez d’ailleurs, vous-même, des pouvoirs magiques, dit De Vaanne en fronçant légèrement les sourcils.
Le problème principal vient de la possession. On pourrait accepter la présence d’un sorcier non assermenté si le problème des autres plans d’existence et de leurs habitants ne se posait pas dès qu’un sorcier lance un sort. Un formule lancée de travers et c’est un habitant d’un plan qui, au mieux, considère une pince hypertrophiée pour membre comme une marque de beauté, et au pire une ce sera entité maligne qui va prendre possession et contrôler le corps du sorcier pour l'Unique sait quel but infâme !
Cela seul est une raison d’agir, pour la menace et la danger qu’il pose pour l’ensemble des communautés vivant sur cette terre. Nous savons comment intervenir : nous le devons.
- Mais j’ai guéri Aspharoth ! Il n’y aura plus de problème, intervint Grendelor d’une voix blanche de colère. Il n’y a plus de danger.
- En êtes-vous si sûre ? Avez-vous extirpé de sa chair toute atteinte de la possession, et ce même s’il a fallu le priver d’un de ses membres ? Le démon possesseur s’est-il évanoui dans l’air en hurlant, en jurant de se venger ? L’avez-vous réellement exorcisé ? Pouvez-vous réellement me certifier qu’Aspharoth, puisque c’est ainsi qu’il s’appelle, est complètement vierge de toute infestation ? Est-il vraiment sans aucun danger pour vos amis ? Enfin, ajouta De Vaanne en se penchant vers Grendelor, lui confieriez-vous votre enfant sans hésitation ? Lui confieriez-vous sa vie ?
De Vaanne alla se placer à côté d’Exodus, laissant planer ainsi ses question dans l’air.
- En vérité, nous doutons que vous puissiez répondre par l’affirmative à toute ces questions. C’est notre rôle de le savoir, et si la réponse est négative, de prendre les mesures qui s’imposent. En vérité, dame Grendelor, pour le bien de tous ceux qui vivent tant en Ter Aelis qu’à Rhéan ou ailleurs… où est Aspharoth ?
Grendelor
Bien que troublée, ce qui était bien évidemment le but recherché elle en avait conscience, Grendelor ne se laissa pas démonter. Sargas s'était rendormi et, bien qu'elle apprécia les 2 hommes, elle avait hâte qu'ils s'en aillent. Ces derniers jours avaient été très difficiles et la suite de sa vie n'annonçait rien de simple non plus. Elle avait déjà bien à gérer sans qu'en plus une chasse aux sorcières soit lancée contre sa famille. Elle dut se mordre la langue pour ne pas leur jeter tout cela à la figure. Sa fatigue, tant physique que morale, lui faisait perdre le contrôle de ses émotions et même si la guérisseuse ne dit rien, une vague de colère vive gifla les inquisiteurs avant de s'évaporer.
Le silence sembla s'éterniser pendant que la jeune femme finissait lentement son verre, son effet énergisant commençant à se faire sentir. Elle en était réduite à ça, se droguer de décoctions afin de tenir. Accueillir un enfant est déjà une lourde charge à deux, alors seule et dans les circonstances qui étaient les siennes c'était une gageure. S'étant enfin quelque peu calmée, Grendelor reprit la parole d'un ton plus posé, même si sa voix restait lasse.
Bien évidemment, je ne peux répondre à l'affirmative à toutes vos questions. Cependant, je le peux pour les plus importantes. Oui, je l'affirme sans danger pour ses amis. Oui je lui confierais ma vie et celle de mon fils, ce que j'ai déjà fait d'ailleurs. Ce qui est, tout de suite, bien plus que je ne pourrais affirmer pour vous deux.
Elle était réellement heureuse que les chambres soient à l'étage. Ils n'approcheraient pas de Sargas, surtout pas en ce moment.
Quant à savoir où est mon beau-frère, je n'en ai strictement aucune idée. Il est libre d'aller où bon lui semble et de part ses fonctions de Gardien il est très occupé.
Ce qui était totalement vrai. Mais incomplet. Elle était capable, si elle le souhaitait, de savoir exactement où se trouvait chacun des membres de sa famille ainsi que ses amis. En cherchant bien, elle pouvait le faire de chaque aelissien qu'elle avait croisé.
Exodus
Exodus sentait la patience de la Dame s'effilocher rapidement, sa colère de plus en plus difficilement maitrisée. C'est tout juste s'il ne sentait pas son aura qui le repoussait lentement, sensation désagréable qui lui intimait de quitter l'endroit au plus vite. Mais la mission avant tout, songea-t-il. Les nombreux regards que Grendelor portait en direction de l'étage trahissaient son appréhension et sans doute redoutait-elle que l'un des inquisiteur décide de monter, saisi par quelque doute.
Toutefois, cette inquiétude pouvaient jouer en leur faveur.
-Je crois ne pas me tromper en affirmant que vous refusez de nous aider pour l'instant, dit-il de but en blanc. Mais, encore une fois, comprenez bien ceci: vous êtes la seule personne ici que nous connaissons assez et qui a les moyens de nous aider, aussi nous n'hésiterons pas à vous harceler pour obtenir nos réponses, s'il faut en arriver là. Ce n'est pas que par médisance que l'on nous considère comme les "chiens" de notre Église.
Rien qu'à l'évocation de ce surnom détestable, on pouvait sentir la fureur de DeVaanne monter en flèche. Toutefois, il fallait reconnaitre sa justesse sur un point: une fois la proie identifiée, l'Inquisition ne la lâchait plus. L'air indigné de Grendelor ne l'empêcha pas de continuer.
-Mais je ne désire pour ma part pas en arriver à ces extrémités. Aussi vais-je me contenter de souligner un détail: vous nous avez affirmé avoir "soigner" Aspharoth. Mais la possession n'est pas une maladie, je pense ne rien vous apprendre. L'entité parasite son hôte, de manière plus ou moins prononcée, affermissant son contrôle sur son corps et amenuisant sa propre perception par l'esprit de l'hôte.
Grendelor lui lança un regard d'impatience et de lassitude mêlée.
-Je suis déjà au courant de tout cela. Comme l'a si gentiment souligné votre collègue, je suis moi-même pratiquante de magie et par conséquent suis consciente des dangers que représente ce genre de chose. Et c'est justement en connaissance de cause que je puis vous affirmer qu'il n'y a plus de danger.-Sur ce dernier point je suis obligé de vous contredire. L'Inquisition seule peut affirmer si oui ou non le danger est écarté. D'après ce que vous dite, Aspharoth serait libéré. Donc soit l'entité a été définitivement chassé de ce monde, soit il a juste changé de "domicile". L'affaire devient alors plus compliqué dans le sens où un démon quitte son hôte, en dehors du décès de ce dernier, uniquement lorsqu'il en trouve un plus à même de satisfaire ses désires. Et je doute que, dans l'état où vous étiez lors de votre intervention, vous eussiez été en mesure de chasser définitivement un être capable de posséder une puissance comme celle de votre beau-frère. Aussi il y a deux possibilité: soit il est encore présent dans le corps d'Aspharoth, et dans ce cas je suis attristé que vous refusiez de nous aider à le localiser et encore plus que vous estimiez la chose sans danger, soit il s'est implanté dans un hôte différent, auquel cas Aspharoth ne serait plus la seule personne à qui nous nous intéresserions.
DeVaanne, jusque là adossé à un mur, se redressa et prit la parole à son tour, tout en fixant Grendelor qui commençait à comprendre où les deux hommes voulaient en venir et ce avec une pointe d'inquiétude.
-Étiez vous seule lorsque vous avez prodigué les soins à Aspharoth? L'être qui était en son corps a-t-il eu une occasion de passer dans un autre hôte que vous lors de l'intervention? Nous pouvons penser, à la vue de votre état, que vous ne portez pas vous-même le démon , car ce genre de créature tient en général à ce que son hôte reste en bonne forme. Mais à part vous, qui d'autre se trouvait aux côtés d'Aspharoth?
Grendelor reprit constance devant l'agressivité à peine contrôlé de DeVaanne.
-Personne. J'étais seule durant toute la durée des soins. Personne à part moi n'a eu de contact avec lui avant que je ne libère de l'emprise.
-Si, il y avait au moins une personne...
Le regard des deux inquisiteurs se porta alors doucement en direction de l'étage, tandis qu'un pic de frayeur assaillit Grendelor lorsqu'elle comprit celui auquel ils faisaient allusion.
-Non. NON! Je vous interdis d'insinuer telle chose, je vous interdis ne serait-ce que d'y penser! Elle s'était levée en direction des deux hommes, rempart entre son trésor et eux. Il n'a pas pu s'en prendre à lui, il...-Réfléchissez-y un instant: quoi de mieux qu'un enfant sur le point de naître, une enveloppe prête à porter, sans aucune capacité de défense face à l'intrusion? Le ton de sa voix se fit plus dur au fil des paroles. Cessez de vous mentir, il est impossible que vous n'ayez pas songé que cela puisse arriver, que vous n'ayez imaginé la menace pour votre enfant!
-Aspharoth vous fait tout aussi peur que son potentiel de destruction nous effraie! Et peut-être est-ce même trop tard, peut être l'entité est-elle déjà installé dans le petit corps qui somnole à l'étage en cet instant même!
-TAISEZ-VOUS!
La vague de colère et de rage ne fut contenu qu'à grande difficulté, les deux hommes la recevant de plein fouet, ce qui les força à reculer de quelques pas. Grendelor s'était laissé retomber sur son siège, la tête entre les mains, dans l'attitude de celle qui ne savait plus en quoi croire.
-Le... l'entité... Elle est toujours en lui. Nous l'avons enfermé dans le sceau, j'en suis certaine.
-On ne peut être sûr. Il est capable de cacher en partie sa présence, surtout à vous. Vous êtes la mère, il est plus facile de vous inciter à croire dans le cas échéant, que l'enfant est sain.
-Si, il reste un moyen d'être sûr, dit Exodus sur un ton plus doux, en se rapprochant de Grendelor jusqu'à pouvoir poser sa main sur son épaule secouée de soubresauts. Si vous avez en effet contré l'entité, vous devriez pouvoir reconnaître sa trace, celle de son énergie. Utilisez vos pouvoir, comme nous étions venu vous le demander, mais sans chercher Aspharoth: il suffit maintenant de chercher le parasite lui-même. Et alors vous saurez.
Grendelor
C'était avec une fureur grandissante que Grendelor avait écouté les 2 inquisiteurs. A grand peine, elle s'était retenue de les attaquer, comme une lionne défendant sa famille. Seulement, elle n'avait plus le choix. Évidemment qu'elle savait que l'entité du roi-démon était toujours dans le corps d'Aspharoth, comme elle savait qu'il n'aurait pu atteindre le corps de son fils, déjà promis à un autre destin, peut être plus sombre encore. Mais elle détestait devoir leur répondre, rien qu'à cause de la manière dont ils présentaient les choses. Un danger. Aspha. C'était eux le danger, oui.
La guérisseuse étudia quelques instants les deux hommes en face d'elle avant de pousser un long soupir. Elle n'aurait pas la force de les combattre et elle n'avait aucun moyen de les convaincre. C'était le genre à ne croire que ce qu'ils voyaient. Et détruisaient.
Puisqu'il le faut... Sa voix était un murmure imperceptible et pourtant toute l'amertume qu'elle contenait se distilla dans le cœur des inquisiteurs.
Son regard bleu se fit lointain sans pour autant quitter celui d'Exodus, ni se départir de la froideur déterminée qui l'avait envahi.
Il est quelque part dans les monts d'Echoriath. Je ne saurais vous expliquer où. Maintenant partez avant que je perde totalement patience.
Elle ne leur offrirait pas plus d'aide. Ils pouvaient bien se perdre dans les monts enneigés et y tourner des années. Elle avait d'autres choses à faire que de s'occuper du sort de ces deux hommes. Et quand bien même ils la menaceraient pour qu'elle les emmène, la jeune mère ne quitterait pas son fils un instant et elle n'était même pas sûre d'avoir l'énergie nécessaire à leur transport jusque là-bas.
Ses yeux glacés ne les lâchaient pas.
De Vaanne
- A Echoriath ? murmura Exodus. On n’est pas rendus s’il nous faut retourner le coin pierre par pierre. N’y a-t-il vraiment aucun moyen d’être un peu plus… précis, dame Grendelor ?
Le regard en réponse fut tellement froid, méprisant et dépourvu d’humanité que le deux hommes firent un pas en arrière.
- Euuh, on va se débrouiller autrement. Viens, De Vaanne, je crois que nous commençons à la déranger.
- Ce n’était pas difficile de le deviner, répondit celui-ci d’un air absent, comme profondément absorbé dans ses pensées.
Il ne fit d’ailleurs aucun mouvement vers la porte et il revint à Exodus de le tirer dehors par son gantelet armuré. Grendelor, toujours aussi terrifiante de mépris, claqua la porte derrière eux sans ménagement. Le répurgateur rajusta son chapeau sur sa tête pour échapper aux mordants rayons du soleil et jeta un coup d’œil aux alentours.
- Tu sais, collègue, je crois que nous voilà persona non grata pour un moment, ici… Bon, qu’est-ce…
Il ne termina pas sa phrase lorsqu’il se rendit compte qu’un heaume doré le regardait fixement, laissant seulement filtrer deux yeux brûlants d’une rage telle que le soleil de Sûl-Nar sembla perdre instantanément toute sa force. Une rigole de sueur glaça traça son chemin en suivant la ligne de son échine.
- On se calme ! dit-il en rassemblant tout son courage. Qu’est-ce que j’ai fait encore ?
- Tu prononces encore ce qualificatif immonde devant moi, ne fût-ce que pour appuyer ton propos, et je te fais passer d’allié à ennemi. Avec tous les désagréments que cela comporte.
- Tu n’es pas drôle, tu le sais au moins ?
- Bien sûr que je suis drôle, tu ne sais juste pas quand. Sur ce, je t’annonce que j’ai une idée pour la suite.
- Demander aux hérétiques de rang terminal emprisonnés au Château de conjurer une légion titanique ? D’accord, d’accord, elle était nulle, ajouta-t-il rapidement devant un regard meurtrier accompagné d’un geste vers la zweihänder. Je t’écoute. Religieusement.
- Quels sont les éléments que nous a donnés explicitement Grendelor ?Exodus réfléchit un instant.
- Aspharoth est à Echoriath, quelque part dans ces montagnes pelées et couvertes de neige. Mais elle a du dire autre chose, puisque tu me le demandes… Ah oui ! s’exclama-t-il. Il est de la race des Gold. Mais où ça nous mène ?
- Les cours de possession non chaotique, tu t’en rappelles ?
- Et pourquoi ce ne serait pas chaotique pour toi ?
- Parce qu’Aspharoth est apparemment encore vivant… et pas seulement son corps.
- Pas faux. Alors, le cours disait… pfff, je l’ai bachoté tellement il était barbant… que les possessions suivaient le plus souvent un but ?
- En gros oui. Et même, les possessions étaient souvent réalisées par les esprits des ancêtres qui cherchaient à réaliser quelque chose. Souvent quelque chose de mal, bien évidemment… D’où nous n’avons plus qu’à trouver un ancêtre d’Aspharoth répondant à ces critères, et à partir de là, je sais manœuvrer.
- Cela ne signifie-t-il pas de se noyer sous des piles de livres poussiéreux durant des semaines ? Et dire que j’étais rentré chez les répurgateurs pour ne pas avoir ce genre de problèmes…
- Pas grave, ça va te changer de ton quotidien de porte-flingues à gros muscles. Où est la bibliothèque de Sûl-Nar ?
- Suis-moi… Mais attends, il y a un problème dans ton raisonnement : qui est Aspharoth ? La bibliothèque ne garde pas trace de la généalogie du moindre pékin d’un pays voisin.
- Ça c’est certain, mais des lignées magiques, par contre… et une puissante, au vu des effets de la possession qu’on a rencontrés et du fait que dame Grendelor, qui n’est pas une petite magicienne, s’est apparemment vidée de ses forces pour la guérison. Donc…- Une lignée noble.
Partant de là, ils écumèrent impitoyablement la bibliothèque locale. Leurs premiers efforts furent rapidement couronnés de succès puisqu’ils trouvèrent rapidement mention d’Aspharoth dans un livre de politique qui détaillait les membres existants des lignées royales. Il était listé sous le nom d’Emelius de la lignée Thor, fils de Karhas, roi des Gold, parfois aussi appelé Aspharoth. Cette rapidité avait conduit Exodus à prononcer quelques vantardises sur ses capacités de recherche en empoignant un livre de généalogie Gold. Il avait cruellement déchanté pendant que De Vaanne riait sous cape. La lignée Thor avait en effet plus de points communs avec le roncier qu’avec le noble chêne, et remontait à des temps immémoriaux. Il commençait à geindre quand De Vaanne le fit taire.
- Regarde rapidement les biographies. Trouve ceux qui n’ont apparemment pas réussi à remplir le rôle qu’ils s’étaient fixés avant de mourir ou qui ont été tués et qui auraient une bonne raison de se venger. Trouve les prophéties qui parlent d’un destin hors du commun pour un quelconque Thor. Ensuite tu me les transmets et je vois.
- Tu as le beau rôle !
- J’ai plus d’expérience pour collationner les informations.
Trois jours de recherches ininterrompues plus tard, la liste, au départ pléthorique, s’était réduite à un seul nom.
- Nepheroth, roi des Gold et premier Gardien d’Osphalte ? Marié à une déesse ? Tu es sûr ? demanda Exodus.
- Certain. Il se serait réincarné dans une épée, mais a été maudit par le Conseil des Cinq et l’épée en question a été brisée. Il a donc la meilleure des raisons de venir détruire la vie des Gold actuels et de leurs descendants jusqu’à la énième génération, et pour ça quoi de mieux que de posséder un rejeton royal ?
Grendelor
La porte fermée, Grendelor s'y appuya, glissant au sol. Des larmes débordèrent de ses yeux grands ouverts et des sanglots secouèrent ses épaules. Trop de choses en trop peu de temps. Elle avait beau être forte, elle avait ses limites et celles-ci avaient été dépassées il y avait de cela plusieurs jours. Laissant s'écouler la fatigue et le chagrin avec les flots salés qui sillonnaient ses joues, la magicienne fit le vide dans son esprit. Sargas s'était rendormi et elle irait le rejoindre dans quelques minutes. Entre temps, elle devait décider que faire suite à cette visite, pour le moins désagréable et fortement décevante. La guérisseuse se promit de surveiller régulièrement son beau-frère. Mais surtout, elle devait le prévenir.
En temps normal, ça ne lui aurait demandé aucun effort malgré la distance. Aujourd'hui, épuisée et fragilisée, elle aurait besoin d'aide. Essuyant les larmes qui coulaient encore sur son visage, Grendelor se releva avec difficulté. D'un pas las, elle se dirigea vers une petite pièce, fraîche et sans fenêtre, emplie de fioles diverses. Sans hésitation, elle en choisit une, petite, contenant un liquide violacé. La débouchant prudemment, la jeune femme y trempa le petit doigt qu'elle suça ensuite avec une grimace. La potion avait pour effet d'aiguiser les sens et de permettre de tirer de l'énergie plus facilement de la nature. Grendelor n'aimait pas l'utiliser car les plantes dans lesquelles elle allait se servir se flétriraient à cause du manque. Traversant à nouveau la maison, la dame turquoise sortit dans la cours intérieure, au milieu de laquelle une petite fontaine laissait s'écouler un filet d'eau en murmurant. Ce qui frappait, mais qui n'étonnait pas ceux qui connaissaient la propriétaire des lieux, était l'abondance de verdure dans la trentaine de mètres carrés qui formaient cet espace ouvert. Le spectacle était étonnant et charmeur, dégageant une atmosphère paisible. La magicienne n'y prêta pas attention et se dirigea vers l'olivier qui trônait dans le coin nord-ouest. Elle pourrait y puiser sans le vider. Avec de l'attention, il s'en remettrait sans trop de difficultés.
Une main sur l'écorce, elle ferma les yeux, absorbant l'énergie vitale de l'arbre, dosant subtilement son effort mental. Le message était simple et parvint sans problème à son destinataire.
*Méfie-toi, tu es surveillé par l'Inquisition. Ils arrivent.*
Exodus
- Dans ce cas, voilà l'affaire résolue, déclara Exodus avec joie. On connait le nom de l'entité, la localisation d'Aspharoth: il ne nous reste plus qu'à voler jusqu'à lui et... Mais non! s'exclama-t-il soudain. L'affaire n'est en rien résolue, on ignore toujours l'emplacement exacte d'Aspharoth et ce même après 3 jours de recherches intenses et ô combien rébarbatives! Il se laissa choir sur sa chaise, d'un air fatigué. On a juste un nom...
-Allons, ressaisis-toi, ça ne te ressemble pas de déprimer de la sorte. On en viendrait presque à regretter le caractère insupportable dont tu t'affubles le reste du temps. De plus le nom était la seule chose dont j'avais besoin pour localiser précisément le possédé.
-Alors qu'attends-tu donc? Procède le plus vite possible, qu'on puisse enfin quitter ce lieu fermé et étriqué. Je ne supporte plus de rester enfermer à lire arbres généalogiques et biographies à n'en plus finir, j'ai besoin d'air frais!
DeVaanne soupira, méditant brièvement sur le rapport entre la création de l'ordre des Répurgateurs et la canalisation des éléments les plus atteins des rangs des l'Inquisition.
- Je ne peux pas procéder à une telle distance de la cible, il faut au moins que l'on se trouve dans les environs proches pour que ma méthode soit efficace. Il se leva, rangeant rapidement les nombreuses notes issues de leur recherches. Aussi nous devons partir en direction d'Echoriath, ce qui je pense n'est pas pour te déplaire?
Réajustant son chapeau, Exodus se leva à son tour, affichant une mine ravie. Il ne dit mot et se contenta de prendre la direction de la sortie la plus proche, décidé à mettre le plus de distance entre lui et cette étude. DeVaanne remit son casque, tout en soupirant, vaguement amusé.
-Je suppose que cela veut dire "oui".* * *Les deux hommes se dirigèrent d'abord vers Adalerin, car d'après Exodus "c'était le meilleur moyen pour rejoindre les Mont d'Echoriath, qu'ils pourraient loger au chaud une dernière fois avant d'affronter le blizzard du sommet, qu'en plus il avait la-bas des choses à récupérer qui leur seraient utile et que de toute façon ils y allaient, un point c'est tout". Devant ces arguments, DeVaanne n'avait pu que suivre son collègue et c'est ainsi qu'ils firent halte dans le Village sous les cimes.
Exodus les mena directement à ses quartiers, désireux de s'équiper en prévision du grand froid qui les attendait. Il avait demandé à son collègue de l'attendre dans l'antichambre, après lui avoir servi un verre. Ce dernier s'impatientait, assis sur l'un des fauteuil, jouant avec le contenu de son verre sans y toucher. Il parla en direction de la pièce dans laquelle le répurgateur préparait son barda:
- Il nous faudrait une base d'opération plus proche que ce village pour organiser nos recherche dans les monts. Atteindre les sommets nous prendrait au moins une journée ou deux à partir d'ici et c'est bien trop long, il aurait largement le temps de filer. Une idée?
Une voix distante lui répondit, accompagné d'un fatras métallique:
- Hum... Le seul lieu qui pourrait correspondre ce nomme Alkhazzar. C'est la Cité des concours et des épreuves, placée sur le plus haut sommet des Monts d'Echoriath. A partir de là, il nous serait facile de couvrir les cimes. De plus, malgré la taille des édifices, l'endroit reste en grande partie désert à l'exception de quelques gladiateur armés de plumes et de pinceaux. Et où est-ce que j'ai bien pu foutre ce truc...
- Très bien, va pour Alkhazzar. Puis, avec un ton plus mesquin: Et on y mourra sans doute pas de faim, car il y aura surement un restaurant la-bas, sans quoi je ne vois pas comment tu pourrais en avoir entendu parlé et retenir ne serait-ce que le nom.
La seule réponse qu'il reçu fut une main qui passa la porte, suivit d'un geste obscène, ce qui amusa le paladin plus qu'autre chose. Il retourna à son verre, contemplant son contenu rubis, sans pour autant y succomber. Il commençait à s'impatienter.
-...
- Ah! je l'ai trouvé!- Ne pourrais-tu pas te dépêcher un brin? Tu es plus lent qu'un cultiste devant une collection de fouet. Et puis quel besoin as-tu de te prémunir contre le grand froid lorsque chacun sait à quel point tu te vante de ton héréditaire résistance aux basses températures?
- Je ne crains pas le froid de ma région mais le blizzard mêlé à la glace des Haut-monts, je ne suis pas encore assez crétin pour l'ignorer. De plus...
Exodus sortit enfin de ses quartiers, portant sur lui un manteau plus sombre et plus épais que le précédant, le col fourré et rigide montant jusqu'aux oreille. Les manches et le bas de l'habit présentait les mêmes caractéristiques, le manteau descendant jusqu'aux chevilles. Sur ses bottes étaient sanglées deux courtes lames et sur ses bras plusieurs couteaux. Le buste était couvert par un plastron léger, sur lequel siégeaient deux paires de pistolets ainsi que divers fioles de la taille d'un doigt. Seul le chapeau restait inchangé, éternellement vissé sur le crâne de son propriétaire. Un sac de voyage énorme trônait enfin sur son épaule, rebondis par son contenu.
-... j'avais deux-trois affaires en plus à récupérer.
- J'hésite quand à l'interprétation d'un tel harnachement : soit tu pars en pique-nique, soit tu pars carrément en exil.
- Je pars à la chasse au possédé en compagnie d'un Paladin à la langue plus tranchante que sa lame et qu'il est possible d'entendre arriver à 100m tant les spallières grincent au moindre de ses mouvements si tu veux tout savoir. Puis sans même laisser le temps à son collègue de répondre: Allons-y maintenant, on a encore une longue marche pour atteindre la Citadelle d'Alkhazzar.* * *Bien plus tard, montant le long d'un escalier taillé à même la roche, Exodus appréciait la brise glacé qui lui courait sur le visage. L'air avait beau lui agresser la peau et la gorge, il ne pouvait s'empêcher de le savourer. Un soleil d'hiver reflétait ses rayons sur les pentes enneigées et escarpées des Monts d'Echoriath, à la foi supplice et merveille pour les yeux. Cette chasse le ravivait. il s'était laissé flotter trop longtemps, oubliant l'un des plaisir qu'il avait toujours éprouvé lors des traque: le sentiment d'excitation. Il n'en sentait plus la fatigue tant ce sentiment l'envahissait et gravissait les marches deux par deux.
-Rappelle moi encore une fois pourquoi on a choisi de passer par ces maudit escalier? On aurait voulu atteindre le sommet de la Grande Cathédrale à genou qu'on y serait arrivé plus vite qu'avec ces maudites marches.
Exodus s'arrêta et tourna la tête pour regarder DeVaanne qui montait à un rythme régulier les marches de l'interminable escalier. Il fatiguait sans doute plus de la monté, en raison du poids de son armure complète et de la température mais si jamais c'était le cas, jamais il ne le montrerait. Le répurgateur sourit et lui répondit encore une fois par le même réponse:
-La Citadelle n'est accessible par les airs que par période de concours ou bien si l'on dispose d'un moyen de transport personnel capable de supporter les températures. Or comme nous faisons partis tout deux de ces rare personnes à n'avoir ni dragon de compagnie ni pouvoir de téléportation, nous sommes condamné à gravir cet interminable escalier, seul moyen pour nous de rejoindre la citadelle en moins d'une journée, pour peu que l'on ne s'arrête pas trop longtemps. D'ailleurs en parlant de s'arrêter... Il consulta sa montre. il est déjà 13h15, aussi vais-je te suggérer une brève halte pour nous restaurer. Qu'en penses-tu?
- J'en pense que cela nous ferait du bien mais que je ne vois que bien peu de gibier dans les environs, bougonna l'inquisiteur.
- Tu me vexe en pensant que j'ai pu partir sans un repas digne de ce nom! Attend de voir ce que j'ai pris dans mon sac en plus de mon petit matériel.
Sur ces mots il sortit de son sac un grand emballage, lequel contenait une terrine, un pain noir et quelques fruits. Suivirent deux bouteilles au contenu transparent.
- Je... A l'origine je plaisantais en parlant de pique-nique... Mais là j'avoue que mes dons de voyance m'étonnent moi-même! Tu pars avec ce genre de menu à chacune de tes missions? Tu invite l'hérétique à déjeuner pour le capturer, c'est ça?- Cesse de médire et à la place admire! Foi gras cuit en terrine en provenance de Bethil et pain noir venu de Wilwarin: un délice pour le nez et les papilles. J'ai préféré éviter les conserves, de peur que tu te vexe. Et tiens, j'ai pensé à toi en partant, dit-il en lui lançant l'une des bouteilles.
En l'absence d'étiquette, DeVaanne ouvrit la bouteille, renifla avec précaution d'un nez bouché par le froid, puis se risqua à une rasade. Le fort alcool des Marches de Rhéan lui glissa dans le gosier et lui réchauffa l'estomac.
- Où as-tu bien pu trouver cette merveille dans ce pays? A ce que j'en sais, l'exportation en est extrêmement limité...
- Chacun ses secrets. En attendant, moi, je mange! Il mordit à pleine dent sa tartine avant de reprendre la bouche pleine, catapultant à chaque mot. Comme je le dis, mieux vaut prendre chaque repas comme le dernier pour éviter, en cas d'incident, d'arriver devant l'Unique avec la peau sur les os.
- Cesse donc de créer tes propres canons et de t'en servir pour me bombarder de miette! Et fais donc plutôt tourner une assiette.* * *Au alentour de 23h00, ils atteignirent enfin les lumières de la Citadelle. Le trajet avait été fort long et les deux hommes n'avaient pris qu'une brève pause dans l'après midi, avant de finir le chemin dans une dangereuse obscurité.
- Nous y voilà! Bienvenue à Alkhazzar: vents glacés, chauffages absents et cheminées sans bois à tous les étages. Pour ce qui est des repas, la cantine locale vous garantie, à condition que le chef soit présent, des plats exécrables à toute heure du jours comme de la nuit, pour garder les compétiteurs dans un même état. En bref, l'endroit rêvé pour nous servir de base de replis.
DeVaanne contemplait les tours serties de fenêtres éclairés, pour peu nombreuses qu'elles étaient, avec un petit air de victoire sur le visage.
- Je le savais... Tu y est déjà allé pour goûter leur restaurant...
- Tu aura beau te moquer, il n'en reste pas moins que j'ai réussis à nous y mener en moins d'une journée.
- Hooo, mais pour ça, ne t'en fais pas, répondis DeVaanne en lui posant une main de métal sur l'épaule, je n'ai pas douté à un seul instant de tes talents de boy-scout.
- Tais-toi et grimpe.
Une fois installé dans l'une des nombreuse chambre inoccupé de la Citadelle, ils prirent un repas, suivit d'un court repos avant de se concentrer de nouveau sur leur principal problème.
-Bien, maintenant que nous somme ici, vas-tu enfin me dire comment tu compte t'y prendre pour localiser Aspharoth et son démoniaque aïeul au milieu de cet empire blanc?
De Vaanne
- Enfer blanc, plutôt, grogna l’inquisiteur. En fait, je préfère te laisser la surprise plutôt que tout raconter maintenant. Sache juste que je vais invoquer de l’aide.
- De la nécromancie ? s’écria Exodus. Tu es fou ?
De Vaanne soupira.
- Bien sûr. Et je vais donc sacrifier un jeune hermaphrodite d’apparence masculine après lui avoir fait avaler de force treize plumes de corbeau albinos sur un autel de marbre rouge tout en respirant profondément un mélange de champignons aux effets particuliers.
- Tu vas manquer de matière première, dans ce trou perdu…
- Exactement. C’est pourquoi ta proposition ne vaut pas la peine qu’on s’y arrête.
- Je me disais aussi. Tu es l’un des plus coincés dans une organisation de coincés. Aucune chance qu’on te voie un jour sniffer des champignons hallucinogènes.
- Ah ? Parce que c’est commun dans les pyjama-parties des répurgateurs ? Maintenant, tais-toi donc et contiens ta curiosité jusqu’à demain.
Exodus se contenta de grommeler un bon coup et s’enroula dans ses couvertures. L’atmosphère était, il est vrai, proprement glaciale et les murs bloquaient aussi bien le vent qui mugissait le couloir que des passoires.
- Ah, au fait !
- Quoi ?
- Tu avais raison. Le repas était infect.
- J’ai toujours raison, quand il s’agit de nourriture. Bonne nuit, inquisiteur.
Le lendemain matin, le répurgateur était attablé dans la grande salle du bâtiment, regardant d’un air soupçonneux la tasse posée devant lui, remplie d’un liquide mal défini à l’odeur peu engageante. Il se préparait à la porter prudemment à ses lèvres quand une voix derrière
la lui fit promptement reposer sur la table.- Mes spalières grincent peut-être au moindre mouvement, mais tes ronflements réveilleraient un mort.
- Je ronfle, moi ? demanda innocemment Exodus.
- Oui, toi.
De Vaanne s’empara de la tasse sur la table et la but d’un trait. Une grimace d’horreur se peignit sur ses traits.
- Je n’arrive pas à y croire, dit-il. C’est encore pire que le repas d’hier soir. C’était censé être quoi ?
- Tisane de fleur des montagnes… Mais ! Au fait, où est passée ton armure ? demanda Exodus, interloqué. C’est incroyable, tu es bien humain, en fin de compte !
- Je l’ai enlevée pour éviter de geler sur place une fois dehors. Pour te seconde phrase, un échantillon de mon immense mépris envers ton absence d’humour suffira. Allez, direction le sommet, je veux avoir une vue d’ensemble sur la situation.
Quelques heures plus tard, les deux hommes arrivaient au sommet proprement dit. Le temps avait été exécrable pendant la quasi-totalité de la montée et ne s’était découvert qu’à l’approche de l’arrivée. Pour résultat, les fourrures qui les recouvraient étaient blanches de neige : seuls deux visages en dépassant semblaient apporter un peu de couleur et de chaleur dans ce règne glacé.
- Pour la vue d’ensemble, c’est raté, fit remarquer Exodus. On trône au dessus d’une mer de nuages…- Pas grave, le trône me suffit, répondit De Vaanne en étendant une couverture sur la neige. Je vois pouvoir commencer. Et je vais avoir besoin de prier. Dans le calme.
- Ah…
- Donc fais-en autant. Ça te changera.
- Navré, seulement le dimanche. Je vais me contenter de regarder, dit Exodus en extrayant un brin d’herbe d’un de ses sacs et se le coinçant dans la bouche.
Malheureusement pour lui, Exodus ne vit pas grand-chose au départ. De Vaanne semblait s’être changé en bloc de glace, à l’exception d’une main gantée qui tournait régulièrement els pages d’un petit missel posé devant lui. Ses lèvres semblaient prononcer des mots, mais aucun son n’en sortait. Plus le temps passait, et plus le débit de paroles silencieuses s’accentuait : les lèvres de l’inquisiteur bougeaient désormais sans s’arrêter.
Sa main empoigna alors le missel et tourna plusieurs pages. Une douce lueur en irradia. De Vaanne parla enfin à voix haute.
- Il est dit généralement que seule la mort met fin au devoir. Mais pour nous, membres de l’Inquisition, même ce repos nous est refusé. Notre mission est trop importante pour que le passage nous exempte de la remplir. Aujourd’hui, Seigneurs Inquisiteurs des temps anciens,
entendez ma prière. Un de vos frères actuels demande votre aide : il a besoin de conseils, de quelque chose que vous seuls pouvez lui fournir. Répondrez-vous à son appel ? Seigneur Coteaz ? Seigneur Marchand ? Seigneur Rorken ?
A l’appel de chacun des noms, une forme spectrale se matérialisait devant les deux hommes. La première était bardée d’acier et supportait un aigle sur son poignet gauche tandis que la droit étreignait un immense marteau de guerre. De la seconde on aurait pu croire qu’un simple souffle de vent aurait suffi à la faire s’évanouir. Une robe de laine simple entourait un corps faible et souffreteux : seuls deux yeux d’une intensité brûlante montraient la détermination d’acier de son possesseur. La troisième, un homme aux traits altiers revêtus de vêtement d’une très grande finesse, respirait la noblesse et les responsabilités.
- Nous t’avons entendu, inquisiteur, dirent-elles en chœur. Énonce tes demandes, pour la plus grande gloire de la Foi.- Mais auparavant, jeune homme, ajouta la petite silhouette d’un ton grinçant, explique nous pourquoi tu as besoin de notre concours à tous trois, Seigneurs Inquisiteurs. Nous n’acceptons pas d’être dérangés si cavalièrement. Et à titre personnel, je ne goûte guère la présence de mon collègue Coteaz.
- Seigneurs… commença De Vaanne.
- Laisse donc, le coupa le premier spectre. Le Seigneur Marchand s’est toujours cru plus important qu’il n’a jamais été du fait de son auto-exorcisme et de ce qu’il pense avoir vu alors. Le vieux corbeau de malheur…
- C’est pas faux, murmura De Vaanne, mais…
- Que doit-on dire de toi alors, jeune Coteaz, arriviste sans scrupule qui ne pensait qu’à monter les échelons de l’Inquisition ?
Exodus, sentant que la situation allait dégénérer si les spectres commençaient à s’enguirlander, décida de venir en aide à un De Vaanne complètement dépassé.
- Allons, messieurs, vous n’avez pas été invoqués ici pour régler les affaires pas claires de la famille ! Nous avons une mission à vous confier, et…
- Comment oses-tu, répurgateur ?
La voix de Marchand sembla cracher le mot.
- Nous n’avons pas été convoqués ! L’inquisiteur ici présent a respectueusement demandé notre présence, et s’il est muet devant ses supérieurs, tu devrais en faire autant, voire plus encore car tu es rien et moins que rien !
Les oreilles d’Exodus devinrent d’un beau rouge flamboyant et il se préparait à répliquer quand le troisième spectre prit enfin la parole.
- Il suffit, dit Rorken d’une voix douce. Le répurgateur n’aurait pas du parler mais il a raison. Quelle est ta demande, jeune inquisiteur ? demanda-t-il à De Vaanne sans attendre la réponse de ses collègues.- Merci, Seigneur. Nous suspectons un cas de possession non démoniaque assez grave. On nous a assuré que la possession avait été traitée, sans pour autant que le possesseur soit entièrement retiré du corps de l’hôte. Nous en doutons fortement, mais celui-ci s’est enfui par un sortilège impie de téléportation dans les montagnes qui nous entourent. La recherche matérielle étant inefficace, nous vous demandons de mener la vôtre sur le possesseur et de trouver sa localisation. Le répurgateur et moi-même nous chargerons ensuite des mesures… temporelles.
- Je vois. Tu as le nom du possesseur, je suppose.
- Oui, Seigneur. Un roi de la race Gold. Nepheroth, premier gardien d’Osphalte. Marié à une déesse. Il ne devrait pas être difficile de retrouver sa trace.
- De cela nous sommes seuls juges, répondit Rorken d’une voix froide. Nous partons immédiatement à sa recherche.
A peine ces mots étaient-ils prononcés que les trois spectres se dissolvaient dans l’air, ne laissant rien subsister sur le sommet qui aurait pu trahir leur présence. De Vaane se releva, l’air profondément las.
- On peut rentrer maintenant, et attendre.
- Ils ne semblaient pas m’apprécier particulièrement, dit Exodus, toujours choqué du mépris qu'on lui avait témoigné.
- Il faut les comprendre. Ils viennent d’une période où les répurgateurs étaient réellement la voie de garage pour les inquisiteurs les plus excités…
-... Tu es sûr d'avoir bien choisi ?
- Certain. Coteaz était assoiffé de pouvoir, mais uniquement parce qu'il pensait qu'avec plus de moyens, il remplirait mieux sa mission. Marchand était un vieux chnoque pessimiste, mais il en connait un rayon sur la possession. Et Rorken... c'était un enquêteur d'exception, et un
des rares qui puisse faire travailler les deux autres ensemble.
- On est pas rendus...
18:41 - 7 nov. 2015
Exodus
De Vaanne
Exodus
De Vaanne
Exodus