Egratignures
Texte terminé, relu, corrigé, rerelu.
Egratignures
Marion s’écrasa dans le canapé à mes côtés. Je lâchais un soupir épuisé en retirant mes chaussures et en les balançant sur le tapis d’un mouvement adroit des chevilles.
- C’était un beau vernissage non ? me dit-elle, les yeux pétillants de malice. Tu as totalement tapé dans l’œil de la manager de Pedro.
- Tu l’appelles déjà par son prénom ? Tu ne perds pas de temps à ce que je vois, rétorquai-je. Elle ne m’intéresse pas, trop superficielle. Et c’est une fausse blonde !
- Tu pourrais faire un effort franchement. Moi je l’ai trouvée très sympa, et très chic aussi.
Je haussai vaguement des épaules pour marquer mon désintérêt. Parler de mon célibat, trop long au goût de Marion, ne m’intéressait pas. Pas plus que les deux cents autres fois où elle avait abordé le sujet. Je devais réorienter la conversation sur un autre sujet et si possible couper court à la conversation, j’étais fatigué et j’avais la tête pleine de mon inconnue aux yeux verts.
- Et donc, Pedro ? tentai-je assez peu subtilement.
- N’essaie pas de m’embobiner. Tu penses encore à cette fille, c’est ça ? La mystérieuse brune ?
- Oui, avouai-je un peu malgré moi. Elle était là ce soir.
- Encore ? Mais comment c’est possible ? Elle te suit ? C’est vraiment flippant ton histoire tu sais.
Je rougis en détournant la tête. Marion avait raison, je le savais. Oui, c’était totalement flippant. Et très excitant aussi. Jamais, au court de ma courte vie, je n’avais été autant attiré par une femme, elle perturbait tous mes repères, et ne rien savoir d’elle me rendait fou. Son apparition dans ma vie avait envoyé valser ma petite routine bien huilée, mes « métro-boulot-dodo » essaimés de sorties et de fêtes. Tout cela me paraissait bien fade à coté du mystère qu’elle incarnait, de l’envie qu’elle m’inspirait. J’avais cette impression un peu étrange d’avoir été choisi, je voulais savoir pourquoi. Je la regardais se lever et se préparer pour la nuit, impatient d’être seul. J’avais pris ma décision, cette nuit j’allais retrouver mon inconnue ! Je me levai à mon tour et me dirigeai vers la cuisine pour donner le change. Le frigo contenait quelques restes de poulet de la veille. J’en engloutis un morceau et allai déposer ce qui restait sur le rebord de la fenêtre du salon.
- Tu nourris encore ce chat de gouttière ? demanda Marion qui s’était arrêtée pour me regarder faire, un coton plein de démaquillant à la main.
- Oui, le pauvre, il commence à faire froid. En plus, je ne suis pas sûr que ce soit un chat errant, il est vraiment magnifique.
- Hum, maugréa-t-elle. Mais ne le laisse pas entrer, il est surement plein de puces.
- Oui, ne t’inquiète pas.
- Non mais je te dis ça parce qu’il n’arrête pas de revenir. Il se met devant la fenêtre et il me regarde. Il a un air bizarre ce chat, quelque chose de pas normal.
- Ce que tu es superstitieuse !
Je lui lançai cette petite pique tout en refermant la fenêtre, lui souhaitai bonne nuit d’un signe de la main et allai me réfugier dans ma chambre. J’attendis patiemment qu’elle rejoigne la sienne, guettant ses allées et venues par ma porte entrebâillée. Lorsque je fus sur qu’elle ne ressortirait plus, j’enfilai la veste que j’avais jetée sur ma chaise de bureau, attrapai une paire de baskets qui trainaient et les enfilai rapidement. Puis, sans un bruit, je quittai l’appartement.
Lorsque je me retrouvai à l’extérieur, j’inspirai une grande bouffée d’air en m’étirant de tout mon long, les bras tendus vers le ciel. Il faisait frais et humide. Je pouvais sentir l’hiver arriver. Inexorablement, il laissait des traces annonçant sa venue. Les dernières feuilles se détachaient des arbres faméliques et Paris sombrait doucement dans une gangue ouatée de froidure. Tout d’un coup, je me trouvais bête. Où allais-je bien pouvoir trouver ma belle inconnue, seul dans Paris, sans nom ni le moindre indice à son sujet ? C’était ridicule. C’est alors que je le vis. Mon chat errant, qui s’avançait lentement vers moi, avec sa nonchalance habituelle. Je m’accroupis et il vint se frotter contre ma jambe, levant ses yeux anis vers moi et ronronnant de plaisir sous mes caresses.
- Alors toi, comment ça va ? Tu n’aurais pas vu une sublime jeune femme brune ? Ses yeux ressemblent un peu aux tiens, et j’aimerais beaucoup la retrouver.
Je me sentis à nouveau stupide, de parler ainsi à un animal mais ce dernier agita langoureusement la queue, l’enroulant autour de mon poignet avant de s’élancer dans la rue. Il bondit sur quelques mètres et s’immobilisa, sa tête triangulaire tournée vers moi. Au point où j’en étais, je décidai de le suivre. En silence, nous nous enfonçâmes jusque dans le Marais, bien loin de ma zone de confort habituelle. La nuit blanchissait autour de nous sans jamais vraiment se lever entièrement. Les premières heures du matin pointèrent timidement le bout de leur nez, levant avec elle une chape de brume grisâtre et vaporeuse que je soulevais à chaque pas. Nous zigzaguions dans les ruelles pavées. J’étais totalement perdu. Je ne reconnaissais plus rien et aucune plaque de rue ne vint à mon secours. Je suivais, inlassablement, l’ondulation du chat devant moi, son pelage blanc moucheté de noir qui luisait dans la nuit. Il tourna une énième fois à l’angle d’une ruelle tortueuse dont je n’aurais jamais soupçonné l’existence et disparu dans les ombres. Je bifurquai à mon tour et me retrouvai dans une arrière-cour jonchée de cartons vides et de containers douteux, illuminés par la lumière chiche provenant de la rue que je venais de quitter. Une porte en acier barrait l’un des murs aveugles. Aucune trace de mon ami le chat. Je m’apprêtais à faire demi-tour quand la porte s’ouvrit en grinçant. Un rat détala entre les poubelles, me faisant sursauter. Je scrutais le sol pour tenter de l’apercevoir, dégouté à l’idée que la bestiole ne me grimpe dessus, mais la chape de brouillard était plus dense ici qu’ailleurs et je ne voyais rien en dessous de mes chevilles. La nuit semblait avoir volé le jour tant il faisait sombre. Un nuage de buée s’échappa de mes lèvres tandis que je resserrais mon manteau autour de mes épaules. Des talons aiguilles claquèrent sur le bitume. Je relevais la tête. Elle était là. Ses yeux d’émeraude verrouillés aux miens. Sa main tendue vers la mienne. J’entendis un chat miauler près de moi alors qu’elle s’avançait un peu plus.
J’avais chaud. Et mal à la tête, terriblement mal. Des images se pressaient sous mes paupières fermées. Le sang pulsait contre mes tempes. Je tentai maladroitement d’ouvrir les yeux et les refermai aussitôt, une vive douleur me transperçant le crâne. Il me fallut un moment pour réussir à y voir clair. Autour de moi tout était blanc. J’essayai de me relever mais chacun de mes membres était douloureux. Lorsque je réussis à y voir à peu près clair, je réalisai que j’étais allongé dans un lit d’hôpital, les bras et la poitrine recouverts de bandages. Des transfusions étaient plantées un peu partout dans les replis de ma peau et j’eu un haut-le-cœur en pensant aux aiguilles. Je ne comprenais rien, j’avais mal, je sentis la panique monter en moi comme un torrent furieux. Je gigotai entre les draps pour me redresser en position assise malgré la douleur. C’est alors que je remarquai Marion qui dormait sur un fauteuil dans un coin de la pièce, le corps compacté dans une position des plus inconfortables. Cette vision amie me calma, je n’étais pas seul, Marion était là. Je tentai de l’appeler d’une voix rauque et fatiguée que je ne me reconnus pas. Elle remua assez pour que son coude glisse de l’accoudoir, la réveillant en sursaut.
- Thomas, tu es réveillé ! Comment tu te sens ?
- Mal. Qu’est-ce que je fais ici ? Qu’est ce qui s’est passé ? marmonnai-je en désignant les pansements du menton.
- Tu as été agressé, on t’a retrouvé en sang, tu as été transféré d’urgence à l’hôpital.
- Agressé ? Mais où ? Quand ?
- Il y a deux jours… Quelque part entre le Père Lachaise et Porte de Bagnolet. J’ai appelé tes parents, ils sont à l’hôtel, tu veux que je les prévienne ?
- Non, croassai-je, la gorge sèche comme du parchemin.
- Tu ne te souviens de rien ?
- Non rien du tout. C’était quand ?
- Le soir du vernissage. Tu aurais dû me prévenir que tu ressortais, j’étais morte d’inquiétude !
- Je suis désolé, m’excusais-je, incapable de trouver mieux.
- Tu as un sacré œil au beurre noir, me dit Marion dans une tentative pour détendre un peu l’atmosphère. Ça gâche ton joli regard bleu si tu veux mon avis, mais ça plait beaucoup à l’infirmière…
Je regardais Marion en essayant de sourire à sa blague. Elle semblait épuisée, ses yeux rougis et gonflés me serrèrent le cœur. Comme toujours elle avait raison. Je me rappelais être sorti mais impossible de me souvenir pourquoi. Et j’aurais dû la prévenir. Je me sentais coupable, j’avais honte. Un flash douloureux s’imprima sur mes rétines. Le chat moucheté. Oui, j’avais suivi le chat, je voulais retrouver la fille aux cheveux noirs. L’avais-je trouvée ? Je n’en avais aucune idée. Je me laissai retomber contre l’oreiller, épuisé par ces quelques instants de réveil. Les paupières lourdes et le corps endolori, je retombais dans le sommeil.
Je quittai l’hôpital le lendemain soir. Mes parents m’accompagnèrent jusqu’à l’appartement et Marion prit le relais, une vraie petite infirmière. Elle était adorable. Mais j’avais envie de me retrouver seul, de me reposer et de faire le point sur cette agression dont je n’avais aucun souvenir. Sur cette soirée qui avait disparu dans le néant. Installé sur mon lit, je passais en revue mes blessures, parcourant du bout des doigts les longues estafilades qui me recouvraient les avant-bras et le torse. Des marques de couteau selon les policiers qui m’avaient interrogé à la clinique. Cependant, à force de les observer, je les trouvais beaucoup trop fines et symétriques pour des blessures reçues lors d’une agression de rue. J’en avais des dizaines, le haut de mon corps en était recouvert. Elles tiraient sur ma peau au moindre geste et semblaient former un dessin connu de leur seul responsable. Je me frottais les yeux et essayais de faire défiler le fil de cette fameuse nuit. Le vernissage avec Marion, ma mystérieuse inconnue sur le trottoir d’en face, un certain nombre de verres, le retour à l’appart, et une envie soudaine de ressortir. Je me rappelais du chat qui était venu se frotter à moi dans la rue, surement pour me remercier de le nourrir. Après, blackout total. Je m’échinais pendant ce qui me parut des heures, puis terrassé par la fatigue et les médicaments, je sombrai dans les bras de Morphée.
J’étais debout dans la brume. Celle-ci voletait en écharpes autour de moi, montant jusqu’à ma taille de ses tentacules translucides. Je frissonnais. J’étais déjà venu ici. Je sentais le vent humide frôler mes bras nus et pourtant je brulais. Un silence pesant m’entourait, rompu de temps à autres par la cavalcade précipitée des rongeurs. Je frémis de dégout. Et ce simple son donna vie à la scène, comme un souvenir qui ressurgit du fin fond de la mémoire. La petite cour crasseuse où j’avais suivi le chat ! Et comme par magie celui-ci apparut à mes pieds. Son pelage ondula dans l’ombre et il se frotta contre mon pantalon. Je me sentais mal à l’aise, piégé, inquiet. Une porte grinça et des talons aiguilles cliquetèrent dans le noir. J’avais de plus en plus chaud. J’étais persuadé d’avoir déjà vécu cette scène. La brume était de plus en plus dense, enveloppant la ruelle d’un éclat terne et inquiétant. Les chaussures frappaient le sol de plus en plus fort. Et soudain elle émergea des volutes blanches. Ses longs cheveux d’ébène la drapaient comme une robe, épousant chacune des courbes de son corps et je réalisais qu’elle ne portait effectivement rien d’autre, en dehors de ses chaussures. Elle plongea ses yeux verts dans les miens et j’y vis comme un écho à ceux du chat qui se frottait toujours contre moi. J’essayais de reculer, malgré mon envie dévorante de la toucher, mais j’étais cloué au sol. Le félin ronronna de plus belle. Elle s’avança jusqu’à plaquer sa poitrine contre la mienne et je sentis son souffle chaud dans mon cou. Elle saisit mes poignets et posa mes mains sur la cambrure de son dos. Je sentis ma raison vaciller. Ses cheveux me chatouillaient le visage tandis que mes doigts remontaient le long de sa peau jusqu’à la courbe de sa nuque. Ses cheveux avaient une texture étrange, un peu rêche et étrangement douce selon le sens où je les caressais. Et à l’endroit précis où ils rejoignaient son crâne, ils étaient plus épais, formant une crinière couleur de nuit. Elle releva la tête vers mon visage, caressant mon menton de ses pommettes hautes et bien dessinées, se frottant à moi avec volupté. Une boule de désir gonflait dans mon ventre. Elle se pressa contre moi. Et était chaude et douce, je la laissais faire. Ses yeux trouvèrent les miens. C’est fou ce qu’ils étaient verts, pensai-je. Elle me sourit, dardant une petite langue rose entre ses dents blanches. Elle se tendit vers moi et posa ses lèvres sur les miennes. Ensuite, tout s’accéléra. Nous glissâmes à terre et sans trop savoir comment je me retrouvais nu contre le macadam glacé, empêtré dans le brouillard. A califourchon sur mes hanches, elle ondulait au-dessus de moi. Sagement assis près de nous, l’étrange chat moucheté nous regardait avec intérêt, et plus que jamais je me dis qu’il avait le même regard que ma mystérieuse amante. La cadence de ses coups de reins augmenta, me faisant gémir de plaisir. Elle s’abandonna entre mes mains qui serraient ses cuisses. C’est là que tout bascula à nouveau. Ses cheveux, qui l’instant d’avant habillaient son corps, semblèrent fusionner avec sa peau qui devint sombre et piquante. Je les regardais avec une horreur grandissante plonger leurs pointes dans son épiderme, le fouiller, le gondoler avant d’y disparaître entièrement et y imprimer leur inquiétante couleur. Petit à petit je sentis ses muscles se développer sous mes doigts, plus forts, plus déliés, ils roulaient en rythme avec sa danse. Un frisson de terreur me parcourut. Elle resserra sa prise sur mon bas ventre, m’empêchant de fuir. Je détachais mon regard de la fourrure sombre qui parcourait ses flancs et sa poitrine. Quelque chose de doux vint fouetter mes tibias. Je réprimais un hoquet de terreur lorsque la longue queue noire et blanche vint caresser sa cuisse tachetée. L’envie s’était muée en angoisse sourde, totale, un serpent de peur qui se répandait dans tout mon corps. J’essayais de me dégager mais elle raffermit sa prise, bascula en avant et cloua mes poignets au sol de ses doigts courts et puissants. Je sentis la morsure de ses griffes pénétrer ma chair. Sa langue rose pourléchait ses lèvres qui s’affinaient à l’extrême. Ses dents se mirent à pointer par sa bouche entrouverte. Tout à son plaisir, la tête renversée en arrière, elle continuait à se mouvoir sur moi. Lorsqu’elle abaissa le visage, ses yeux tout éblouis d’une jouissance bestiale, je retins un cri.
Je me réveillai en sursaut, le corps trempé de transpiration, le cœur battant la chamade. Mais lorsque je voulu bouger, je sentis le poids étranger qui me clouait à mon lit. Elle était là, au-dessus de moi, ses cuisses enserrant mon bassin. Elle me souriait à travers ses crocs, ses pupilles fendues illuminées d’une lueur taquine dans la demi pénombre. Ses oreilles pointues frémissaient au moindre son. Elle pressa plus fort ses mains autour de mes poignets et je sentis à nouveau ses griffes rétractables jaillir et se planter dans ma peau. Incapable de me dégager, je m’immobilisai et elle parut satisfaite. Elle se pencha vers moi et entreprit de lécher doucement mon cou, depuis la clavicule jusqu’à l’oreille. Je frissonnais sous ses caresses expertes, perdu entre la peur, le dégout et le désir. Elle reprit son mouvement de va-et-vient, ses yeux émeraudes cloués aux miens et je la laissai me perdre dans son corps.
Marion avança une main hésitante vers la porte de la chambre de Thomas. Elle avait entendu des bruits cette nuit à travers la cloison, mais quand elle était venue vérifier, il dormait paisiblement, enfoui sous ses couvertures. Peut-être qu’elle s’inquiétait trop pour lui. Elle avait été tellement inquiète en constatant sa disparition et après l’appel inattendu de l’hôpital. Elle retira sa main en se morigénant. Thomas n’était plus un enfant et il avait besoin de repos. Si elle n’avait pas de nouvelles d’ici ce soir elle aviserait. Elle quitta le couloir pour la cuisine où elle prépara son petit déjeuner. Par habitude, elle s’assit près de la fenêtre qui donnait sur la rue. Elle tournait les évènements en boucle dans sa tête lorsqu’elle aperçut la splendide jeune femme aux longs cheveux aile-de-corbeaux qui observait l’immeuble depuis le trottoir d’en face. Pendant un instant, leurs regards se croisèrent et la jeune fille se sentit mal à l’aise. Un courant glacé lui hérissa les poils le long des bras et elle se leva brusquement pour aller toquer à la porte de son colocataire.
- Thomas ? Tu es réveillé, tout va bien ?
Devant l’absence de réponse, Marion sentit son cœur accélérer dans sa poitrine, un mauvais pressentiment l’étreignit. Elle ouvrit la porte à la volée et pénétra dans la petite pièce. La chambre était vide. Le lit était fait et tout semblait en ordre. La fenêtre était ouverte et la silhouette d’un chat attira son attention.
- Encore toi ? s’étonna-t-elle. Thomas n’est pas là, il a dû sortir prendre l’air. Ne compte pas sur moi pour te nourrir ou te laisser entrer!
L’animal miaula plaintivement. La jeune fille s’approcha et caressa la tête du félin qui sembla apprécier l’attention. C’est vrai qu’il était beau ce chat, se dit-elle, avec son pelage blanc piqueté de noir et ses grands yeux bleus qui la suivaient partout. D’un geste, elle repoussa l’animal pour l’empêcher d’entrer dans la chambre et referma la fenêtre. Un joli regard bleu. Étrange, j’étais persuadé que ce chat avait les yeux verts, dit-elle tout haut en refermant la porte derrière elle.
11:49 - 15 déc. 2015
Le terme me gêne, "parsemés" me parait plus adapté
Rétractiles
J'ai bien aimé l'histoire, même si les indices sont peut-être un peu trop faciles (l'insistance sur le parallèle des couleurs).
Bientôt tous des chats? ;)
20:52 - 16 déc. 2015
Hey Lilith !
Texte sympathique, bien écrit comme toujours, c'est gentil d'avoir partagé.
Je suis d'accord avec la remarque de Grendelor. Ta nouvelle est de type "révélation" ; pendant tout le long il règne un certain mystère sur ce qui se passe, mystère censé tenir le lecteur en haleine jusqu'à la fin où tout lui sera révélé pour son plus grand plaisir. Le hic, c'est que dès le début on devine un peu trop précisément la révélation. À peine décris-tu le chat qu'on devine beaucoup trop bien qu'il a un rapport avec la femme brune. On le devine à cause de l'importance que tu lui donnes dès son apparition :
Déjà, c'est louche de parler d'un chat à ce moment, quand rien dans la nouvelle ne le justifie. Ensuite, lui donner 5 répliques entières le gorge de tout autant d'importance ; une vraie star. Enfin, des mots comme "magnifique", "bizarre" ou "pas normal" s'associent déjà tellement bien à la brune que la vérité nous bondit aux yeux toutes griffes dehors. Or, puisqu'on devine par avance ce qui se trame on ne se demande pas : "Quelle est donc le secret de cette femme mystérieuse ???", mais plutôt : "Bon, quand est-ce que l'auteur va enfin cracher le morceau et nous donner les détails de cette affaire ?".
Mmmh... que dire de plus... Le coup du mec qui sort dans les rues de Paris "pour retrouver son inconnue !" sans la moindre idée de sa position, c'est un peu gros. Ça donne une impression de facilité scénaristique. À la limite, il pourrait se balader mélancoliquement dans les rues en pensant à elle, en espérant secrètement le hasard d'une rencontre romantique, ou alors qu'elle se dévoile à lui comme elle l'a déjà fait.
Ce que j'ai préféré :
- la relation entre Thomas et Marion,
- la toute fin est vraiment surprenante et agréable (bien qu'à mon avis il faudrait être un peu plus clair sur qui est un chat et qui ne l'est pas. Car la mystérieuse brune, finalement, n'en est pas vraiment un si j'ai bien compris.)
- "J’étais debout dans la brume. Celle-ci voletait en écharpes autour de moi [...]" <3
J'aurais fait la même faute, merci Grendelor :)
Rétractile : qui peut se rétracter. Rétractable : que l'on peut rétracter. Fourbe !
Pour finir, j'offre à ce texte terminé, relu, corrigé et rerelu, une rererelecture toute personnelle, qui j'espère te ravira :
*
Marion s’écrasa dans le canapé à mes côtés. Je lâchais (lâchai) un soupir épuisé en retirant mes chaussures et en les balançant sur le tapis d’un mouvement adroit des chevilles.
- C’était un beau vernissage non ? me dit-elle, les yeux pétillants de malice. Tu as totalement tapé dans l’œil de la manager de Pedro.
- Tu l’appelles déjà par son prénom ? Tu ne perds pas de temps à ce que je vois, rétorquai-je. Elle ne m’intéresse pas, trop superficielle. Et c’est une fausse blonde !
- Tu pourrais faire un effort franchement. Moi je l’ai trouvée très sympa, et très chic aussi.
Je haussai vaguement des épaules pour marquer mon désintérêt. Parler de mon célibat, trop long au goût de Marion, ne m’intéressait pas. Pas plus que les deux cents autres fois où elle avait abordé le sujet. Je devais réorienter la conversation sur un autre sujet et si possible couper court à la conversation, j’étais fatigué et j’avais la tête pleine de mon inconnue aux yeux verts.
- Et donc, Pedro ? tentai-je assez peu subtilement.
- N’essaie pas de m’embobiner. Tu penses encore à cette fille, c’est ça ? La mystérieuse brune ?
- Oui, avouai-je un peu malgré moi. Elle était là ce soir.
- Encore ? Mais comment c’est possible ? Elle te suit ? C’est vraiment flippant ton histoire tu sais.
Je rougis en détournant la tête. Marion avait raison, je le savais. Oui, c’était totalement flippant. Et très excitant aussi. Jamais, au court de ma courte vie, je n’avais été autant attiré par une femme, elle perturbait tous mes repères, et ne rien savoir d’elle me rendait fou. Son apparition dans ma vie avait envoyé valser ma petite routine bien huilée, mes « métro-boulot-dodo » essaimés de sorties et de fêtes. Tout cela me paraissait bien fade à coté du mystère qu’elle incarnait, de l’envie qu’elle m’inspirait. J’avais cette impression un peu étrange d’avoir été choisi, je voulais savoir pourquoi. Je la (il faudrait préciser qu'il parle de Marion et plus de la brune) regardais se lever et se préparer pour la nuit, impatient d’être seul. J’avais pris ma décision, cette nuit j’allais retrouver mon inconnue ! Je me levai à mon tour et me dirigeai vers la cuisine pour donner le change. Le frigo contenait quelques restes de poulet de la veille. J’en engloutis un morceau et allai déposer ce qui restait sur le rebord de la fenêtre du salon.
- Tu nourris encore ce chat de gouttière ? demanda Marion qui s’était arrêtée pour me regarder faire, un coton plein de démaquillant à la main.
- Oui, le pauvre, il commence à faire froid. En plus, je ne suis pas sûr que ce soit un chat errant, il est vraiment magnifique.
- Hum, maugréa-t-elle. Mais ne le laisse pas entrer, il est surement plein de puces.
- Oui, ne t’inquiète pas.
- Non mais je te dis ça parce qu’il n’arrête pas de revenir. Il se met devant la fenêtre et il me regarde. Il a un air bizarre ce chat, quelque chose de pas normal.
- Ce que tu es superstitieuse !
Je lui lançai cette petite pique tout en refermant la fenêtre, lui souhaitai bonne nuit d’un signe de la main et allai me réfugier dans ma chambre. J’attendis patiemment qu’elle rejoigne la sienne, guettant ses allées et venues par ma porte entrebâillée. Lorsque je fus sur (c'est pas très beau ça. J'aurais simplement mis : "Une fois certain". En plus ça évite la répétition du "lorsque" au paragraphe suivant) qu’elle ne ressortirait plus, j’enfilai la veste que j’avais jetée sur ma chaise de bureau, attrapai une paire de baskets qui trainaient et les enfilai rapidement. Puis, sans un bruit, je quittai l’appartement.
Lorsque je me retrouvai à l’extérieur, j’inspirai une grande bouffée d’air en m’étirant de tout mon long, les bras tendus vers le ciel. Il faisait frais et humide. Je pouvais sentir l’hiver arriver. Inexorablement, il laissait des traces annonçant sa venue. Les dernières feuilles se détachaient des arbres faméliques et Paris sombrait doucement dans une gangue ouatée de froidure. Tout d’un coup, je me trouvais bête. Où allais-je bien pouvoir trouver ma belle inconnue, seul dans Paris, sans nom ni le moindre indice à son sujet ? C’était ridicule. C’est alors que je le vis. Mon chat errant, qui s’avançait lentement vers moi, avec sa nonchalance habituelle. Je m’accroupis et il vint se frotter contre ma jambe, levant ses yeux anis vers moi et ronronnant de plaisir sous mes caresses.
- Alors toi, comment ça va ? Tu n’aurais pas vu une sublime jeune femme brune ? Ses yeux ressemblent un peu aux tiens, et j’aimerais beaucoup la retrouver.
Je me sentis à nouveau stupide, de parler ainsi à un animal mais ce dernier agita langoureusement la queue, l’enroulant autour de mon poignet avant de s’élancer dans la rue. Il bondit sur quelques mètres et s’immobilisa, sa tête triangulaire tournée vers moi. Au point où j’en étais, je décidai de le suivre. En silence, nous nous enfonçâmes jusque dans le Marais, bien loin de ma zone de confort habituelle. La nuit blanchissait autour de nous sans jamais vraiment se lever entièrement. Les premières heures du matin pointèrent timidement le bout de leur nez, levant avec elle (elles) une chape de brume grisâtre et vaporeuse que je soulevais à chaque pas. Nous zigzaguions dans les ruelles pavées. J’étais totalement perdu. Je ne reconnaissais plus rien et aucune plaque de rue ne vint à mon secours. Je suivais, inlassablement, l’ondulation du chat devant moi, son pelage blanc moucheté de noir qui luisait dans la nuit. Il tourna une énième fois à l’angle d’une ruelle tortueuse dont je n’aurais jamais soupçonné l’existence et disparu (disparut) dans les ombres. Je bifurquai à mon tour et me retrouvai dans une arrière-cour jonchée de cartons vides et de containers douteux, illuminés par la lumière chiche provenant de la rue que je venais de quitter. Une porte en acier barrait l’un des murs aveugles. Aucune trace de mon ami le chat. Je m’apprêtais à faire demi-tour quand la porte s’ouvrit en grinçant. Un rat détala entre les poubelles, me faisant sursauter. Je scrutais le sol pour tenter de l’apercevoir, dégouté à l’idée que la bestiole
neme grimpe dessus, mais la chape de brouillard était plus dense ici qu’ailleurs et je ne voyais rien en dessous de mes chevilles. La nuit semblait avoir volé le jour tant il faisait sombre. Un nuage de buée s’échappa de mes lèvres tandis que je resserrais mon manteau autour de mes épaules. Des talons aiguilles claquèrent sur le bitume. Je relevais (relevai) la tête. Elle était là. Ses yeux d’émeraude verrouillés aux miens. Sa main tendue vers la mienne. J’entendis un chat miauler près de moi alors qu’elle s’avançait un peu plus.*
J’avais chaud. Et mal à la tête, terriblement mal. Des images se pressaient sous mes paupières fermées. Le sang pulsait contre mes tempes. Je tentai maladroitement d’ouvrir les yeux et les refermai aussitôt, une vive douleur me transperçant le crâne. Il me fallut un moment pour réussir à y voir clair. Autour de moi tout était blanc. J’essayai de me relever mais chacun de mes membres était douloureux. Lorsque je réussis à y voir à peu près clair, je réalisai que j’étais allongé dans un lit d’hôpital, les bras et la poitrine recouverts de bandages. Des transfusions étaient plantées un peu partout dans les replis de ma peau et j’eu (j'eus) un haut-le-cœur en pensant aux aiguilles. Je ne comprenais rien, j’avais mal, je sentis la panique monter en moi comme un torrent furieux. Je gigotai entre les draps pour me redresser en position assise malgré la douleur. C’est alors que je remarquai Marion qui dormait sur un fauteuil dans un coin de la pièce, le corps compacté dans une position des plus inconfortables. Cette vision amie me calma, je n’étais pas seul, Marion était là. Je tentai de l’appeler d’une voix rauque et fatiguée que je ne me reconnus pas. Elle remua assez pour que son coude glisse de l’accoudoir, la réveillant en sursaut.
- Thomas, tu es réveillé ! Comment tu te sens ?
- Mal. Qu’est-ce que je fais ici ? Qu’est ce qui s’est passé ? marmonnai-je en désignant les pansements du menton.
- Tu as été agressé, on t’a retrouvé en sang, tu as été transféré d’urgence à l’hôpital.
- Agressé ? Mais où ? Quand ?
- Il y a deux jours… Quelque part entre le Père Lachaise et Porte de Bagnolet. J’ai appelé tes parents, ils sont à l’hôtel, tu veux que je les prévienne ?
- Non, croassai-je, la gorge sèche comme du parchemin.
- Tu ne te souviens de rien ?
- Non rien du tout. C’était quand ?
- Le soir du vernissage. Tu aurais dû me prévenir que tu ressortais, j’étais morte d’inquiétude !
- Je suis désolé, m’excusais-je, incapable de trouver mieux.
- Tu as un sacré œil au beurre noir, me dit Marion dans une tentative pour détendre un peu l’atmosphère. Ça gâche ton joli regard bleu si tu veux mon avis, mais ça plait beaucoup à l’infirmière…
Je regardais Marion en essayant de sourire à sa blague. Elle semblait épuisée, ses yeux rougis et gonflés me serrèrent le cœur. Comme toujours elle avait raison. Je me rappelais être sorti mais impossible de me souvenir pourquoi. Et j’aurais dû la prévenir. Je me sentais coupable, j’avais honte. Un flash douloureux s’imprima sur mes rétines. Le chat moucheté. Oui, j’avais suivi le chat, je voulais retrouver la fille aux cheveux noirs. L’avais-je trouvée ? Je n’en avais aucune idée. Je me laissai retomber contre l’oreiller, épuisé par ces quelques instants de réveil. Les paupières lourdes et le corps endolori, je retombais (retombai) dans le sommeil.
Je quittai l’hôpital le lendemain soir. Mes parents m’accompagnèrent jusqu’à l’appartement et Marion prit le relais, une vraie petite infirmière. Elle était adorable. Mais j’avais envie de me retrouver seul, de me reposer et de faire le point sur cette agression dont je n’avais aucun souvenir. Sur cette soirée qui avait disparu dans le néant. Installé sur mon lit, je passais en revue mes blessures, parcourant du bout des doigts les longues estafilades qui me recouvraient les avant-bras et le torse. Des marques de couteau selon les policiers qui m’avaient interrogé à la clinique. Cependant, à force de les observer, je les trouvais beaucoup trop fines et symétriques pour des blessures reçues lors d’une agression de rue. J’en avais des dizaines, le haut de mon corps en était recouvert. Elles tiraient sur ma peau au moindre geste et semblaient former un dessin connu de leur seul responsable. Je me frottais (frottai) les yeux et essayais (essayai) de faire défiler le fil de cette fameuse nuit. Le vernissage avec Marion, ma mystérieuse inconnue sur le trottoir d’en face, un certain nombre de verres, le retour à l’appart, et une envie soudaine de ressortir. Je me rappelais du chat qui était venu se frotter à moi dans la rue, surement pour me remercier de le nourrir. Après, blackout total. Je m’échinais (échinai) pendant ce qui me parut des heures, puis terrassé par la fatigue et les médicaments, je sombrai dans les bras de Morphée.
*
J’étais debout dans la brume. Celle-ci voletait en écharpes autour de moi, montant jusqu’à ma taille de ses tentacules translucides. Je frissonnais (frissonnai). J’étais déjà venu ici. Je sentais le vent humide frôler mes bras nus et pourtant je brulais. Un silence pesant m’entourait, rompu de temps à autres par la cavalcade précipitée des rongeurs. Je frémis de dégout. Et (inutile, et répété un peu plus loin) ce simple son donna vie à la scène, comme un souvenir qui ressurgit du fin fond de la mémoire. La petite cour crasseuse où j’avais suivi le chat ! Et comme par magie celui-ci apparut à mes pieds. Son pelage ondula dans l’ombre et il se frotta contre mon pantalon. Je me sentais mal à l’aise, piégé, inquiet. Une porte grinça et des talons aiguilles cliquetèrent dans le noir. J’avais de plus en plus chaud. J’étais persuadé d’avoir déjà vécu cette scène. La brume était de plus en plus dense, enveloppant la ruelle d’un éclat terne et inquiétant. Les chaussures frappaient le sol de plus en plus fort. Et soudain elle émergea des volutes blanches. Ses longs cheveux d’ébène la drapaient comme une robe, épousant chacune des courbes de son corps et je réalisais qu’elle ne portait effectivement rien d’autre, en dehors de ses chaussures. Elle plongea ses yeux verts dans les miens et j’y vis comme un écho à ceux du chat qui se frottait toujours contre moi. J’essayais de reculer, malgré mon envie dévorante de la toucher, mais j’étais cloué au sol. Le félin ronronna de plus belle. Elle s’avança jusqu’à plaquer sa poitrine contre la mienne et je sentis son souffle chaud dans mon cou. Elle saisit mes poignets et posa mes mains sur la cambrure de son dos. Je sentis ma raison vaciller. Ses cheveux me chatouillaient le visage tandis que mes doigts remontaient le long de sa peau jusqu’à la courbe de sa nuque. Ses cheveuxavaient une texture étrange, un peu rêche et étrangement douce selon le sens où je les caressais. Et à l’endroit précis où ils rejoignaient son crâne, ils étaient plus épais, formant une crinière couleur de nuit. Elle releva la tête vers mon visage, caressant mon menton de ses pommettes hautes et bien dessinées, se frottant à moi avec volupté. Une boule de désir gonflait dans mon ventre. Elle se pressa contre moi. Et (celui-là est vraiment bizarre, non ? Tu voulais peut-être mettre "elle") était chaude et douce, je la laissais faire. Ses yeux trouvèrent les miens. C’est fou ce qu’ils étaient verts, pensai-je. Elle me sourit, dardant une petite langue rose entre ses dents blanches. Elle se tendit vers moi et posa ses lèvres sur les miennes. Ensuite, tout s’accéléra. Nous glissâmes à terre et sans trop savoir comment je me retrouvais (retrouvai) nu contre le macadam glacé, empêtré dans le brouillard. A califourchon sur mes hanches, elle ondulait au-dessus de moi. Sagement assis près de nous, l’étrange chat moucheté nous regardait avec intérêt, et plus que jamais je me dis qu’il avait le même regard que ma mystérieuse amante. La cadence de ses coups de reins augmenta, me faisant gémir de plaisir. Elle s’abandonna entre mes mains qui serraient ses cuisses. C’est là que tout bascula à nouveau. Ses cheveux, qui l’instant d’avant habillaient son corps, semblèrent fusionner avec sa peau qui devint sombre et piquante. Je les regardais avec une horreur grandissante plonger leurs pointes dans son épiderme, le fouiller, le gondoler avant d’y disparaître entièrement et y imprimer leur inquiétante couleur. Petit à petit je sentis ses muscles se développer sous mes doigts, plus forts, plus déliés, ils roulaient en rythme avec sa danse. Un frisson de terreur me parcourut. Elle resserra sa prise sur mon bas ventre, m’empêchant de fuir. Je détachais (détachai) mon regard de la fourrure sombre qui parcourait ses flancs et sa poitrine. Quelque chose de doux vint fouetter mes tibias. Je réprimais (réprimai) un hoquet de terreur lorsque la longue queue noire et blanche vint caresser sa cuisse tachetée. L’envie s’était muée en angoisse sourde, totale, un serpent de peur qui se répandait dans tout mon corps. J’essayais de me dégager mais elle raffermit sa prise, bascula en avant et cloua mes poignets au sol de ses doigts courts et puissants. Je sentis la morsure de ses griffes pénétrer ma chair. Sa langue rose pourléchait ses lèvres qui s’affinaient à l’extrême. Ses dents se mirent à pointer par sa bouche entrouverte. Tout à son plaisir, la tête renversée en arrière, elle continuait à se mouvoir sur moi. Lorsqu’elle abaissa le visage, ses yeux tout éblouis d’une jouissance bestiale, je retins un cri.
Je me réveillai en sursaut, le corps trempé de transpiration, le cœur battant la chamade. Mais lorsque je voulu bouger, je sentis le poids étranger qui me clouait à mon lit. Elle était là, au-dessus de moi, ses cuisses enserrant mon bassin. Elle me souriait à travers ses crocs, ses pupilles fendues illuminées d’une lueur taquine dans la demi pénombre. Ses oreilles pointues frémissaient au moindre son. Elle pressa plus fort ses mains autour de mes poignets et je sentis à nouveau ses griffes rétractables jaillir et se planter dans ma peau. Incapable de me dégager, je m’immobilisai et elle parut satisfaite. Elle se pencha vers moi et entreprit de lécher doucement mon cou, depuis la clavicule jusqu’à l’oreille. Je frissonnais (frissonnai) sous ses caresses expertes, perdu entre la peur, le dégout et le désir. Elle reprit son mouvement de va-et-vient, ses yeux émeraudes cloués aux miens et je la laissai me perdre dans son corps.
*
Marion avança une main hésitante vers la porte de la chambre de Thomas. Elle avait entendu des bruits cette nuit à travers la cloison, mais quand elle était venue vérifier, il dormait paisiblement, enfoui sous ses couvertures. Peut-être qu’elle s’inquiétait trop pour lui. Elle avait été tellement inquiète en constatant sa disparition et après l’appel inattendu de l’hôpital. Elle retira sa main en se morigénant. Thomas n’était plus un enfant et il avait besoin de repos. Si elle n’avait pas de nouvelles d’ici ce soir elle aviserait. Elle quitta le couloir pour la cuisine où elle prépara son petit déjeuner. Par habitude, elle s’assit près de la fenêtre qui donnait sur la rue. Elle tournait les évènements en boucle dans sa tête lorsqu’elle aperçut la splendide jeune femme aux longs cheveux aile-de-corbeaux qui observait l’immeuble depuis le trottoir d’en face. Pendant un instant, leurs regards se croisèrent et la jeune fille se sentit mal à l’aise. Un courant glacé lui hérissa les poils le long des bras et elle se leva brusquement pour aller toquer à la porte de son colocataire.
- Thomas ? Tu es réveillé, tout va bien ?
Devant l’absence de réponse, Marion sentit son cœur accélérer dans sa poitrine, un mauvais pressentiment l’étreignit. Elle ouvrit la porte à la volée et pénétra dans la petite pièce. La chambre était vide. Le lit était fait et tout semblait en ordre. La fenêtre était ouverte et la silhouette d’un chat attira son attention.
- Encore toi ? s’étonna-t-elle. Thomas n’est pas là, il a dû sortir prendre l’air. Ne compte pas sur moi pour te nourrir ou te laisser entrer!
L’animal miaula plaintivement. La jeune fille s’approcha et caressa la tête du félin qui sembla apprécier l’attention. C’est vrai qu’il était beau ce chat, se dit-elle, avec son pelage blanc piqueté de noir et ses grands yeux bleus qui la suivaient partout. D’un geste, elle repoussa l’animal pour l’empêcher d’entrer dans la chambre et referma la fenêtre. Un joli regard bleu. Étrange, j’étais persuadé que ce chat avait les yeux verts, dit-elle tout haut en refermant la porte derrière elle.
12:07 - 24 mars 2016
Coucou. Dis Lilith, as-tu pris note des commentaires qui t'ont été faits ? (notamment à propos de ce petit soucis de vocabulaire bien utile et dont je n'avais moi-même pas connaissance !) Doit-on passer ce texte en section nouvelles ?
23:19 - 29 mars 2016
Avec tellement de retard...
Je suis globalement du même avis que mes deux camarades : dès la première apparition du chat, on perçoit très facilement le parallèle. A mon avis, il vaudrait mieux diluer sa présence un peu plus et rajouter une première intervention anodine plus tôt dans le texte.
J'ai remarqué quelques coquilles (j'ai pas pensé à les relever, mais il y avait quelques légèretés sur certaines ponctuations dans les dialogues, et je crois des accents erronés ou manquants sur certains participes passés), mais surtout des répétitions.
Un petit coup de scarabée serait sans doute bienvenue :)
Sinon, deux détails qui m'ont fait un peu tiquer dans la trame :
- tu mentionnes que l'action se déroule à Paris très tardivement. Du coup, on a déjà eu le temps de fantasmer la ville et de se projeter dans un environnement urbain imaginaire. Désigner la ville à mi-texte donne une impression assez dérangeante : on a tous en tête des évocations de Paris fantasmées ou mémorisées qui changent la couleur du décor... c'était le cas pour moi en tout cas. Peut-être est-il plus judicieux de le préciser en tout début de texte.
- ensuite, il se passe à peu près la même chose avec le prénom du personnage principal qui apparaît encore plus tardivement. Jusque là, il était juste le narrateur, et peu importait son nom, ce qui d'ailleurs renforçait l'identification au personnage.
Quelques autres remarques :
- j'ai pas trop bien compris la relation entre Thomas et Marion (frère/soeur ? coloc ? amis ?), mais à la limite, c'est pas très important, au contraire même, ça renforce le lien qui les unit.
- le changement de point de vue à la fin est assez brutal, je trouve. Pas facile de faire autrement, tu me diras, à moins d'incorporer des transitions à la troisième personne entre les "chapitres" : une ou deux phrase de transition pourquoi pas => juste pour atténuer le changement trop abrupt. DE manière générale, je trouve que cette dernière partie est un peu édulcorée, elle manque de force par rapport à l'intensité que tu as mise dans toutes le reste du texte à la première personne.
Enfin je dis tout ça, mais j'ai trouvé très agréable de te relire :) Ca faisait un petit moment.
Ah oui ! une toute dernière chose : les furs c'est le Démon :D
"J'ai une âme solitaire"
10:07 - 9 oct. 2016
Avec encore plus de retard...
Je rejoins les commentaires précédents sur le "on voit tout de suite que femme aux yeux verts = chat aux yeux verts". Cependant tout n'était pas révélé à ce moment, et j'ai quand même été surpris à la fin.