Lorsque l'on évoque la diérèse, il s'agit d'un sujet éminemment poétique. C'est en effet un des problèmes les plus récurrents et les plus difficiles à maîtriser vraiment du décompte des syllabes. Si on parle de décompte de syllabes, c'est que l'on se trouve dans une optique de poésie classique, où l'on entend suivre les règles établies par ce mouvement. La longueur fixe des vers (8, 10 ou 12), la forme fixe du poème (sonnet, ballade, rondeau, etc), les schémas de rimes, etc. Autant de règles qui s'accumulent et se chevauchent, mais que certains aiment à maîtriser ; selon moi il est nécessaire de maîtriser au moins un minimum ces formes lorsque l'on souhaite se lancer dans quelque chose de plus libre suivant en réalité d'autres règles.
Qu'est ce que la diérèse ?La diérèse, donc. La diérèse, c'est le fait dans le langage poétique de prononcer en deux temps, deux syllabes donc, un son qui dans le langage commun ne se dit qu'en un seul. L'inverse de ce mécanisme étant la synérèse, qui fait dire en un ce qui se dit usuellement en deux ; mais ce n'est pas tout à fait le sujet. Il s'agit plus précisément de dire tout à fait une voyelle (i, u, ou) placée devant une autre voyelle. Ainsi le mot "violence" se prononcera-t-il vi-o-lence et pas vio-lence.
Cette prononciation en deux temps des sons a pour effet d'accorder énormément d'importance au mot en question, introduisant une certaine grandiloquence dans le propos. Et ce d'autant plus dans des textes qui sont généralement assez courts. On essaiera donc de ne pas en mettre partout, et de l'utiliser avec intelligence, pour ne pas rendre grotesque (ou dans le b
ut de rendre grotesque, au contraire !) un poème par trop de grandiloquence.
Par ailleurs, sur un plan plus technique, la diérèse pose problème dans notre décompte de syllabes. Eh bien oui ! Si l'on prononce une voyelle en plus, il faut aussi la compter ! Et de ce fait, un vers qu'on pensait bon à 12 temps se retrouve faux avec 13.
La diérèse peut être obligatoire. Elle ne l'est pas toujours, et il sera donc quelque fois malvenue de l'utiliser à tort. En métrique classique, elle sera toujours obligatoire. Avec des règles plus libres, il s'agira de l'insérer dans la rythmique et la signification globales du texte.
Comment décider d'une diérèse ?En métrique classique, donc, on ne décide pas. On la fait, parce que tel en est la règle. Mais il est très important de se poser la question, pour savoir combien de syllabes va faire notre vers au final. C'est important de respecter cette règle, car le lecteur au fait du caractère classique de votre texte lira forcément les diérèses comme elles devraient être. Ce ne sera pas sa faute si le texte "n'est pas lu comme il devrait", mais la votre car il ne sera pas écrit comme il devrait. Car oui, il y a une manière de lire la poésie classique, et que la lire autrement c'est totalement en détruire le rythme et le sens, et ainsi passer à côté de tout ce que le texte peut avoir de beau.
La diérèse, c'est un peu comme toutes les exceptions de la langue française : il faut les connaître avec l'habitude. Pourquoi est-ce que vous retiendriez que néanmoins s'écrit avec un n devant le m, et pas que violence se prononce vi-o-lence ?
Mais à l'instar du reste des exceptions de la langue française, il existe une raison à ces diérèses, qui permettent de savoir les faire à chaque fois.
La diérèse se fait en fonction de l'étymologie latine du mot. Pourquoi violence se prononce ainsi ? Parce que violentia. Ça nous avance bien, me direz-vous.
Lorsque l'étymologie présente déjà la voyelle en question, on trouve une diérèse en poésie. Ici, nous avons déjà un i devant le o de violentia, ce qui explique qu'on le prononce en français. Plus exactement, ce i pré-existe, et n'est pas une demi-voyelle rajoutée par le temps comme dans pied qui vient du latin pedem, où le i n'est qu'une déformation du français. Et puis, vous vous verriez dire pi-ed de manière grandiloquente ? !
Petite astuce pour finir :
Les mots se terminant en -ion sont toujours sujets de diérèse.