Ce mois-ci pour l’Astuce littéraire il sera donc question de poésie. Ces derniers temps de nombreuses personnes sont venues me voir, et je vous encourage à le faire si vous êtes dans le même cas, pour me demander des précisions sur la métrique en poésie, c’est à dire la manière dont sont formés les vers. Il m’est donc apparu assez évident qu’il fallait rappeler quelques bases techniques en la matière.
Nous parlons ici de poésie classique ou néo-classique, c’est à dire celle où les vers respectent certains codes reconnus et plus ou moins contraignants. Tout ce qui est dit ici peut bien sûr s’appliquer aux formes libres ou en prose, mais n’y ont que peu d’intérêt.
Le thème du “e” en poésie répond à une question simple et courante :
Comment fait-on pour compter en métrique (néo-)classique ?
La plupart du temps, et sans entrer dans les détails des diérèses, synérèses et autres particularités de la métrique classique, compter en poésie se résume par une chose : comprendre l’existence d’une pluralité de “e” qui se prononcent ou non, ce qui influe sur la longueur des vers. Prononcer un “e” alors qu’il ne devrait pas, ou plus souvent oublier qu’il se prononce, amène forcément à se tromper dans la longueur du vers que l’on veut fixe. On parle ici du son “e”, et non pas de la lettre en elle même.
Il existe un principe dont il faut se souvenir avant toute réflexion complexe sur la prononciation ou non du “e” :
On prononce par principe tout en métrique classique, cela vaut aussi pour les “e”.
Concernant les exceptions, car sinon cela ne poserait pas de problème, s’agit de faire la différence entre différentes situations concernant le “e” dans un vers :
- Le “e” est
situé à la fin du mot et pluriel (ent/es).
- Le “e” est
singulier (e), et se situe
en fin de mot à l’intérieur du vers et est
suivi d’une consonne.
- Le “e” est
singulier, et se situe en
fin de mot à l’intérieur du vers et est
suivi d’une voyelle- Le “e” est singulier ou pluriel, et se trouve
en toute fin de vers.
Prenons le vers suivant, qui regroupe toutes ces possibilités :
Les merveilles de l’âme étonnent la compagne
-Merveilles est une forme plurielle, et on prononce et compte donc ainsi : Mer/vei/lles/de
-De l‘âme est singulier en fin de mot et suivie d’une consonne, on prononce et compte donc : de/l’âme
-l’âme étonnent est singulier en fin de mot suivie d’une voyelle, on ne prononce donc pas le “e” et compte donc : l’â/mé/to/nnent (on remarque par ailleurs que étonnent suit la première règle)
-Compagne se situe en toute fin de vers, on ne prononce donc pas le “e” et compte ainsi : com/pagne
Ce qui donne :
Les/mer/vei/lles/de/l’â/mé/to/nnent/la/com/pagne, soit 12 syllabes, ce qui nous donne notre alexandrin.
Il n’existe que deux exceptions à la règle qui veut qu’on prononce tout, à savoir le “e” suivi d’une voyelle lorsqu’il est singulier, et le “e” de fin de vers. Tous les autres “e” doivent être prononcés en métrique classique.
Pour ceux qui voudraient aller plus loin dans la métrique classique que le simple décompte des syllabes, il faut noter que si le “e” par principe se prononce s’il est suivi d’une consonne, il est toutefois interdit de placer un tel cas à la césure.
Astuce : Le mot “encore” souffre d’une licence poétique, et peut s’écrire “encor”, ce qui permet de ne jamais prononcer le “e”.