Mini critiques de films
Espace où commenter votre temps perdu face à une fiction audiovisuelle
Je me suis dit que ça manquait, un espace séries ou films pour laisser des commentaires sur ce que vous avez vu (ou souhaitez faire voir pourquoi pas aussi). A votre bon coeur mesdames et messieurs pour les participations. Je commence.
L'homme irrationnel, 2015, Woody Allen
Apparemment Woody Allen n'est pas encore à bout d'Allen. Si il se répète sur les thèmes, les personnages, des aspects du traitement, en revanche, il peaufine son esthétique en mariant tout ce qu'il a fait et paraissait souvent difficile à marier, même pour le cinéaste, qui régulièrement explorait un thème sombre dans un drame puis réabordait son univers comique dans le film suivant. Ce qui était ressort comique garde la même apparence mais devient ressort dramatique, ce qui éventuellement avait pu être dramatique devient mécanique comique et ainsi de suite. Ici, pour le philosophe torturé, sortir de la dépression et de l'inactivité typique rime avec criminalité. Ce qui ne ruine pas en soi le jeu de l'humanité, de la filiation, de l'apprentissage, de la détermination. Et ça passe par le rapport à la séduction. Un autre des paradoxes fétiches du cinéaste.
Pour un amateur de paradoxes qu'ils soient psychanalytiques ou philosophiques, jouer avec la relativité des repères n'est pas étonnant. Mais j'imagine qu'on peut dire qu'il peaufine une esthétique maintenant bien établie. Il reste à se demander si cela est ennuyeux. Je ne pense pas. Surtout si on ne connait pas trop Woody Allen, le cas échéant se poserait le problème d'un bon ou mauvais Allen. Ou savoir si Woody, de profession, ne se sculpte pas une langue de bois. Je trancherai en disant que si on a pas vu une dizaine ou quinzaine de Woody, celui-ci n'est pas mauvais. Sans compter qu'il est toujours intéressant de comparer les derniers avec les précédents.
00:49 - 29 déc. 2015
The Revenant, 2015, Alejandro Gonzalez Inarritu
J'avais beaucoup apprécié les 3 premiers longs métrages d'Inarritu, qui a surfé sur la vague de films chorals (on suit plusieurs fils narratifs à la fois, dont les trames se tissent entre elles plus ou moins directement)fin 90's début 2000's. Je n'ai pas regardé ce qu'il a fait depuis 2006, mais Birdman a remporté de multiples récompenses et semble excellent. Il adapte ici un roman et s'inspire de la trame d'un film de Sarafian de 71.
L'action prend place dans un rude hiver étasunien au temps des colonisations du territoire. C'est une histoire de survie et de vengeance qui est traduite par une violence crue, débordante, servie par des paysages splendides de froid et de neige, des plans-séquence parfois mémorables, et un genre humain qui au delà des langues et cultures semble avoir comme dénominateur commun la folie, la mort, et le sang. Ici, les tentatives pour gérer les traumatismes et les terreurs ont beaucoup de mal à se faire sans un nouveau traumatisme. Les tentations d'ascendance ne sont ni morales ni intellectualisées. Elles sont question de survie avant tout. La morale en soi est une promesse de mort comme l'hiver ou les armes. La naissance de la résilience se fait dans le vide intérieur le plus terrifiant sans le nier, sans l'effacer. On prend place dans un cycle de violence plus grand que soi et que nos capacités mentales ou physiques dont la fin, en soi, c'est respirer, et continuer à vivre. A l'exception de toute autre notion, si ce n'est une vague empathie situationnelle pour les autres survivants.
Il est à noter que Park Chan Wok devait initialement s'occuper du projet, ce qui ne surprend pas spécialement puisque ce sont des points typiques de son oeuvre. Ca aurait pu être intéressant de voir ce qu'il en aurait fait. Peut être Inarritu a glissé quelques éléments de son mysticisme réaliste dans cet univers. Et Di Caprio, qui a déjà montré ses talents dans de tels contexte, tient la distance. Personnellement, cependant, je ne suis pas un grand fan de violence et il faut bien reconnaitre qu'elle tient vraiment ici le rôle principal.
17:02 - 29 déc. 2015
Sicario, 2015, Denis Villeneuve
Denis Villeneuve est un réalisateur québecquois qui a depuis peu accès aux productions hollywoodiennes (Enemy, Prisoners, 2013), et s'attaque au thriller/polar et ses codes. Je ne peux pas développer plus puisque je n'ai vu que prisoners jusqu'ici.
Ce Sicario suit une jeune responsable des forces d'intervention de Phoenix dans une opération contre le cartel mexicain aux origines un peu obscures. On va découvrir une violence omniprésente qui tend à s'installer au delà de la frontière. Plongée dans un univers dont elle ne comprend pas grand chose et qui va à l'encontre de ses valeurs on découvre ce qu'elle doit "observer et apprendre". La trame de l'expérience du personnage est donc relativement typique des films d'action/police des 20 ou 30 dernières années. Que découvre t'on donc ici? eh bien disons le décor, à cheval sur la frontière. Une noirceur assez réussie, profonde, qui prend assez aux tripes, le jeu des acteurs correct (Emily Blunt, Benicio Del Toro, Josh Brolin...), et donc pour les fans du genre on a une pierre supplémentaire à l'édifice mythologique "lutte fédérale contre les cartels". La pierre en elle-même n'est pas moche, plutôt bien taillée même et peut très bien être recommandée. Mais on a surtout un film hollywoodien de plus sur une mythologie qui lui tient à coeur. Relativement convenu, si on veut un peu plus on peut admettre qu'il manque quelque chose.
C'est le genre de films qui est surement intéressant pour départager l'apport d'un réalisateur face à un scénario qu'il n'a pas écrit et reste globalement dans les conventions d'un genre. Et d'un discours qui ne lésine pas vraiment sur ses figures rhétoriques.