La lie du Calice
[Concerté] Exodus (...), Grendelor (Lùthien)
L'histoire qui suit se déroula au cours de l'année 1059. Les noms des villes correspondent aux anciennes version de Ter Aelis 1.5.
Chapitre I
Chapitre II
Chapitre III
Chapitre I : Sable rouge et cœur noir.
Sul-Nar - souterrains de Giudichar Kala.
Les évènements relatés ici se passent plusieurs mois après ceux ayant eu lieu à Galvorn.
La citée de Sûl-Nar avait connu une journée chaude et ensoleillée, comme à son habitude. Les rues étaient pour la plupart restées vides, à l’exception des chargeurs d'entrepôts et des caravaniers, les habitants préférant savourer la fraicheur de leurs demeures avant de profiter du début de soirée pour flâner dans les artères encombrées, dont le parfums rappelais à la fois les épices, les fleurs de l'Oasis et pour beaucoup le vieux chameau.
Les étrangers, eux, suaient en pleine journée, s'extasiant devant les détails folkloriques par quarante degrés à l'ombre et sous l’œil amusé des indigènes, qui eux les détaillaient depuis leur fenêtres.
Au bout de deux jours, même Exodus avait comprit que tenter de trouver quelque chose ou quelqu'un dans cette ville avant dix-huit heure était au mieux inutile, et au pire suicidaire. En cela il se rapprochait déjà plus des citadins et riait avec eux devant la transpiration des rares touristes, adossé à l'ombre à la terrasse à d'un café.
Mais sitôt la soirée commencée, à la lumière du soleil déclinant, la cité s'était réveillée, vrombissante d'activité. Les artères couvertes du souk avait vu leur flot doubler, voire tripler, et les boutiques et auberges commençaient à faire salles combles. La brise qui se levait apportait les senteurs du marché aux épices et les rires des passants qui allaient d'étal en étal. Marchant au milieu du bazar principal, Exodus s'était alors à son tour mis à la recherche de ce dont il avait besoin, à savoir d'informations.
Les oreilles de l'Unique étaient toujours grande ouvertes disait-on, et cela était encore plus vrai depuis les évènements de Galvorn. Le Culte cherchait à assoir son autorité et augmenter son influence sur Ter Aelis, et pour cela il avait besoin de lieux sûrs d'où lancer ses activités. Le Primat avait fini par entendre parler des souterrains qui s'étendraient soi-disant sous la ville de Sûl-Nar : ceux-ci, s'ils étaient exploitables, pourraient alors servir de base d'opération pour le Culte dans l'Est du pays et lui ouvrir un accès jusque là compromis aux ressources qui y transitaient. Ordre avait donc été donné à Exodus de se rendre là-bas et de vérifier la véracité de ces informations pour Sa gloire, le bien de Son Culte et enfin la sérénité de son supérieur, qui profitait de la mission pour le tenir éloigné pour au moins deux semaines.
Jusqu'à présent la pêche s'était révélé infructueuse. A par un coup de soleil et beaucoup de thé parfumés à la mante*, il n'avait réussi qu'à ramener de ses expéditions que des on-dit et des mensonges éhontés ("Mais si Effendi, je te le jure ! Sous tes pieds, une caverne avec une bouche de tigre, même que seul le cœur pur il peut toucher la lampe ! Tu me donne ma pièce maintenant?") et en était réduit à tendre l'oreille un peut partout à la recherche de la moindre bribe d'information exploitable. L'avantage était qu'il pouvait le faire tout en goutant les spécialités locales, chaque étal en proposant une nouvelle.
Pour l'instant, il sirotait un jus de mangue frais, savourant la brise qui passait doucement sur son visage et sans être bousculé par un autre piéton indélicat. La foule était nombreuse et compacte mais pourtant les gens semblaient réussir à l'éviter, quitte parfois à grimper sur les étals. Il ne semblait pas particulièrement menaçant, mais même s'il avait laissé son lourd manteau et son plastron dans la chambre loué dans le centre ville, il portait néanmoins par dessus sa chemise de lin et son gilet à pointe une légère plaque de métal ciselée qui couvrait son torse et une partie des épaules, et conservait à la ceinture rapière, main-gauche et pistolets. Allez savoir pourquoi, la plupart des citadins considéraient qu'éviter de se frotter à l'étranger pouvait allonger l'espérance de vie. Le chapeau, lui, restait invariablement collé à la tête de son propriétaire, tel un symbiote, et jouait son rôle de couvre chef avec zèle.
Exodus remontait donc lentement l'artère marchande, son verre à la main, s'arrêtant à divers échoppes, se mêlant aux différents groupes dans l'espoir de découvrir enfin quelque chose d'intéressant.
*Il s'agit là d'une des blague les plus prisées des serveur de la Cité de Sûl-Nar. La réputation des thé à la mante de la ville des sables à beau avoir fait plusieurs fois le tour du monde, son orthographe n'a elle jamais décollé ses fesses du comptoir et plus d'un touriste étonné a ainsi pu constater qu'au bout de la petite ficelle ne pendait pas un petit ballot de feuilles de menthe mais bien un insecte ébouillanté. Les indigènes eux commandent juste un thé.
Lùthien déambulait dans le bazar à la recherche du marchand de lames qu'on lui avait indiqué. Évidemment, elle s'était perdue. Quiconque n'était pas de Sûl-Nar était incapable de se retrouver dans ce dédale d'échoppes. Si au moins elle avait eu l'odeur du marchand, elle aurait pu le pister. Encore que, au milieu de ce foisonnement d'effluves, elle aurait eu du mal. Elle marchait donc au hasard, comptant sur la chance pour la mener à bon port.
Quiconque connaissant l'elfe ne l'aurait reconnue. Elle avait quitté Galvorn où elle se sentait à l'étroit et s'ennuyait depuis que les lunaires avaient découvert qu'elle parcourait leurs souterrains. Plus moyen d'être tranquille, il y en avait toujours un qui trainait dans les parages. Soit ils la surveillaient, soit ils étaient curieux. Allez savoir avec eux. Toujours était-il qu'elle avait décidé de changer d'air. Et sur un coup de tête, et une rumeur parlant de tunnels secrets, elle avait enfourché sa moto en direction de la cité du désert. Au bout de deux jours sur place, elle avait compris pourquoi son instinct l'avait toujours maintenue loin de ce genre de climat. La chaleur l'assommait littéralement. Et ses vêtements de cuir lui semblaient insupportables. Elle fit donc une chose impensable : elle opéra un changement de style. Troquant sa tenue moulante pour l'un de ces pantalons bouffant en toile et une tunique lâche, sa tête se retrouva même couverte d'un turban. Elle garda toutefois sa couleur de prédilection, le noir. Si on ne la dévisageait pas, on pouvait la prendre pour une indigène et, le turban cachant ses oreilles pointues, elle put obtenir de bien meilleurs renseignements. C'était ainsi que Lùthien avait eu le nom du meilleur marchand de lames de la ville ainsi qu'un faisceaux d'indices lui indiquant la partie est de la ville comme endroit probable de l'entrée des souterrains.
La Chasseuse marchait donc au hasard, sans que personne ne la remarque, quand une odeur chatouilla ses narines, ramenant instantanément le nom d'un adversaire particulièrement intéressant : Exodus. Elle se mit donc à sa recherche. Il ne devait être bien loin. Le répurgateur, lors de leur combat, avait fait naître une grande curiosité dans l'esprit de l'elfe. Et aussi un défi.
Elle le repéra finalement quelques mètres plus bas. Aucun autre Enfant ne l'accompagnait. L'occasion était parfaite. Il semblait chercher quelque chose. Fidèle à son habitude, Lùthien ne fit pas dans la subtilité. Elle s'approcha lentement de lui, fendant le flot des passants et entra dans la bulle de vide qui flottait autour du représentant de l'Unique. Ce qui ne passa pas inaperçu. Baissant les yeux à la manière des femmes de la région, l'elfe demanda.
Vous cherchez quelque chose, effendi?
Exodus se retourna, surprit, en direction de la voix qui venait de s'adresser à lui. Il vit avec satisfaction qu'il s'agit d'une femme de toute beauté, aux yeux d'or et au visage légèrement bronzé, mise en valeur par une tenue on ne peut plus locale, exception faite des couleurs. Elle se tenait devant lui, les yeux baissés à la manière humble des femmes locales, mais cela ne semblait être très naturelle chez elle. En tout cas elle offrait au répurgateur plus d'une raison de se réjouir : en plus de sa présence, elle incarnait la première personne à lui adresser spontanément la parole pour l'aider depuis qu'il était arrivé dans cette ville. A croire que sa prospection avait finit par porter ses fruits.
- Ma foi, oui cela pourrait être bien le cas, répondit-il avec un sourire. Tout dépend de ce que vous pourriez offrir. Des informations seraient évidemment ce qui me serait le plus utile, si tant est que vous ayez celles que je cherche.
En y regardant bien, on voyait vite qu'elle n'était pas plus une habitante authentique de Sûl-Nar que lui n'était trésorier du Culte (il en était plutôt le videur de caisse). Son accent pour commencer n'avait rien des intonations fleuries des citadins, et sa posture révélait une personne bien plus "présente" que les indigènes. Enfin, la couleur sombre de son habit suffirait à convaincre les plus septiques : un habit noir attirait la chaleur plus sûrement que le chameau n'attirait les mouches. Et un ou deux renflement discrets au niveau des manches et des jambières laissaient suggérer que la jeune femme n'avait pas besoin de garde du corps pour assurer sa sécurité. Il s'approcha d'elle et continua sur une voix plus basse :
- Je crois que je serais près à allouer une part significative de mon budget, voire même - soyons fous ! - un verre de cet excellent jus de mangue, à quiconque pourrait me renseigner sûr les fameux souterrains de Sûl-Nar, et particulièrement leur entrée probable, dit-il sans remarquer que derrière lui, l'un des vendeurs qui avait laissé trainé ses oreilles laissait maintenant filer un hoquet de surprise. Auriez-vous le moindre indice à ce sujet, madame... ?
En retrait, sans que personne n'y prête attention, le marchand de rue fila un coup de pied à un môme qui somnolait derrière l'étal, lui chuchota rapidement des instructions et le fit partir en courant dans les ruelles d'un second coup de pied.
Lùthien sourit intérieurement quand Exodus parla des souterrains. Voilà qui était parfait, quand bien même ses indications n'étaient que parcellaires. Son "madame" lui fit bien comprendre qu'il n'était pas dupe de son déguisement, ce qui n'était bien évidemment pas le but, mais la fit néanmoins sourire. Mais le mouvement du répurgateur pour lui parler plus discrètement avait attiré des froncements de sourcils et des murmures de la part des indigènes qui n'avaient pas vue sur son visage.
Il est bien possible que j'en sache quelque chose. Allons parler dans un endroit plus tranquille, voulez-vous? Je boirais bien quelque chose en effet, ajouta-t-elle en désignant le verre vide d'Exodus.
Et sans plus attendre, elle se mit à marcher d'un pas vif et aps du tout humble, mais plutôt souple et animal.
Ils marchèrent d'un pas vif pendant quelques minutes, ressemblant plus à des conquérant qu'à d'humble visiteurs, avant que le répurgateur, savourant la compagnie de l'inconnue, ne les fasse s'arrêter à un café donnant sur la rue. Il la fit s'assoir à l'une des tables les plus à l'écart, à la fois cachée par un lierre grimpant et par la toile au vives couleurs qui les protégeait des derniers rayons mordants du soleil. Il revint quelques secondes plus tard avec plateau contenant deux grand verres de mangue frais et un bol de pistaches au poivres.
- Désolé du retard, le serveur a essayé trois fois de me faire prendre un thé. Un conseil : quand le chef vous propose une boisson locale en s'efforçant de ne pas sourire, refusez.
Il s'assit en face d'elle et lui présenta son verre, lequel était agréablement glacé. Il trinqua avant de boire une gorgé et alors seulement reprit l'air qu'il croyait sérieux lorsqu'il s'agissait de parler affaire.
- Bien, comme vous pouvez le voir, j'ai remplis ma part du contrat : nous sommes dans un coin discret et avec une boisson entre les mains. J'y ai même ajouté les amuses-gueules, précisa-t-il en pointant du doigt les pistaches. Aussi le moindre doute sur mon honnêteté ne serait être émit. Je pense donc que c'est à votre tour, non ?
Mais avant même qu'elle ne puisse répondre, il se porta brusquement la main au front.
- Mais suis-je bête, je ne me suis même pas présenté ! Exodus, répurgateur en vacation presque forcé, dit il avec un grand sourire. Je suis vraiment désolé, je crois que je perds régulièrement mes bonnes manières. Pourtant, comme dit mon Primat, la politesse est le ciment des affaires. A moins que ce ne soit le mensonge et la tromperie, dit-il plus bas en fronçant les sourcils, je ne sais plus...
Et c'est d'ailleurs étrange qu'elle ne se soit pas inquiété plus que ça de mon identité, songea-t-il. Et je ne pense pas que ma réputation ai portée à ces distances. Prudence, elle en connait peut-être bien plus qu'il n'y parait.
Lùthien éclata d'un rire cascadant à la mention des filouteries locales. Elle-même n'avait pas eu ce problème puisqu'elle avait le « nez fin ». Mais elle comprenait tout à fait que l'on puisse se faire avoir. La Chasseuse était ravie de retrouver l'humour mélangé de sérieux qu'elle avait pu apprécier lors de leur combat.
Maintenant qu'ils étaient tranquilles, Lùthien avait relevé la tête, sans toutefois se départir du turban qui la couvrait, et le répurgateur pouvait voir ses yeux dorés pétiller de joie. Quand il se présenta, un léger sourire lui étira les lèvres en sentant la méfiance sous-jacente. L'elfe répondit de son accent chantant.
Lùthien. Ne vous en fait pas, je remplirai ma part aussi. Mais déjà...
Elle vida son verre de mangue d'un trait, attrapa une poignée de pistaches et se dirigea vers le bar. Elle en revint chargée de deux verres emplis d'un liquide transparent.
Le jus de fruits, c'est bon quand on a soif. Mais pour discuter sérieusement, rien ne vaut une bonne vodka. Elle est bien fraîche, ajouta-t-elle en déposant les verres sur la table.
Une bonne gorgée lui fit claquer la langue de contentement. L'elfe s'installa à son aise dans son siège et plus rien dans son attitude ne faisait penser à une femme effacée. Non. Elle évoquait plutôt un prédateur ayant repéré sa proie. Curieuse, tous ses sens étaient aux aguets afin d'étudier les réactions d'Exodus.
Vous cherchez donc les fameux souterrains de Giudichar Kala. Ça tombe bien, moi aussi. Elle leva aussitôt une main pour prévenir toute interruption. Je n'ai pas l'habitude de m'associer à de parfaits inconnus comme ça et je suppose que vous non plus. En vérité, la Chasseuse n'avait l'habitude de s'associer avec personne. Mais toutes les subtilités étaient bonnes pour atteindre son objectif, qui n'avait plus rien à voir avec Giudichar Kala. Bien que vous ne me soyez pas totalement étranger, reprit-elle, vous identifier n'est pas bien difficile quand on a les bonnes oreilles pour écouter, je n'ai pas idée de pourquoi vous les chercher. Et peu m'importe d'une certaine manière. Une nouvelle lampée de vodka dévala jusqu'à son estomac. Ce qui m'intéresse moi, c'est l'aventure, l'exploration. Et, s'ils sont aussi vastes et inutilisés qu'on veut bien nous le faire croire, un p'tit endroit ou stocker deux-trois choses. Le regard de Lùthien se fit perçant. Elle avait lancé cette phrase pour mener le répurgateur sur la piste d'un petit trafic sans conséquence. Cachant ainsi l'utilisation qu'elle comptait en faire en réalité : une retraite sûre. Maintenant, avant d'aller plus loin, et sa voix, bien que totalement sérieuse, se fit plus suggestive sur ce mot, ce que je peux vous dire c'est que les indices dont je dispose, bien que peu précis, restreignent considérablement le champ de recherche. Mis en commun avec vos connaissances, nous devrions trouver l'entrée en un ou deux jours. Qu'en pensez-vous?
Levant son verre à nouveau, Lùthien ne quittait pas le répurgateur du regard, attendant avec impatience sa réaction. C'était une occasion en or pour elle, et tout dépendait de la réponse d'Exodus.
Le rire de la jeune femme fût un régal pour le répurgateur. Depuis trop longtemps il n’avait eu droit pour seule preuve de joie qu'aux sourires figés et glacés de son Primat ou aux grands rires machiavéliques qui résonnaient depuis le laboratoire de Teclis, et les deux prophétisaient la plupart du temps une catastrophe imminente, que se soit pour sa personne ou plus simplement tout ce qui vivait à cinq kilomètres alentours. Entendre une personne rire de bon cœur lui avait désespérément manqué.
Il se trouvait donc tout sourire jusqu’à ce que son "associée" ne finisse par se présenter, vide son verre d'une traite et parte en direction du bar avant de lui avoir laissé le temps de réagir.
Profitant de son absence, il se mit à ruminer le fond de sa mémoire. Lùthien. Il avait déjà entendu parler de ce nom, l'avait lu rapidement au milieu d'un océan de lettres. Un ou deux rapports approximatifs, des contre rendus brouillons sur des échauffourées avec les lunaires aux alentours de Galvorn datant de plusieurs mois... Mais impossible de se souvenir exactement l'implication de la jeune femme. Ennemie, alliée, électron libre ou même simple témoin? Vu le genre de personnalité qu'elle révélait, il pouvait rapidement gommer les deux premiers. Si elle avait combattu avec ou contre le Culte, on s'en serait souvenus. Et elle ne donnait pas non plus l'impression d'être du genre à rester simple spectatrice d'un quelconque amusement armé... Peut-être même n'y était-elle même pas, juste un nom lâché au hasard et retranscrit consciencieusement, au cas où.
Et bien ce "cas où" était maintenant, et pour le coup l'information ne servait pas vraiment à grand chose!
Il entendit revenir la jeune femme et eu juste le temps de reprendre son visage habituel, ("trop bête pour être dangereux", comme le qualifiait certaines langues fourchues habituées aux canons) lorsqu'il vit arriver Lùthien, un grand verre dans chaque main. Elle en annonça la conteneur en les posant sur la table mais Exodus aurait aussi bien pu se passer de la description tant les larmes menaçaient de lui noyer les yeux et ses sinus de plier bagage. S'il tolérait sans problème les alcools légers et ne crachait sur un bière de temps en temps, tout ce qui dépassait la quinzaine de degré provoquait une sorte d'allergie chez lui. Aussi, tandis que Lùthien lui exposait ses motifs et projets, il écouta poliment, souriant sans y penser et écartant en toute lenteur le verre vers l'autre côté de la table.
Il fut surpris lorsqu'elle lui annonça la facilité apparente avec laquelle elle en avait appris autant à son sujet. Heureusement, le motif de sa venue était encore inconnue et pour une fois la situation était à son avantage. Prétexter la recherche d'un objet ou encore la traque d'une potentiel cellule adverse pouvait amplement convenir. Pour ses motivations à elle, il n'était également pas à cour d'option: elle lui avait révélé ce qui pouvait être le début d'un petit "transit de marchandises dédouané" comme disait les professionnels et les perceurs de coffres, et vu que l'une des volonté du Primat était de mettre la main sur certaines des ressources de l'est, le mieux à faire était de la laisser engranger deux ou trois livraison et de réquisitionner le tout au bon moment.
Lorsqu'elle eu terminée, il se servit copieusement en pistache et sembla réfléchir quelques secondes, le regard apparemment dans le vide, avant de répondre.
- Pour ce qui est des informations, vous semblez en savoir déjà bien plus que moi. Déjà le nom. Il est imprononçable mais je l'ignorais jusqu'à cet instant. On peut donc sans risque parler d'un progrès considérable, ce qui est plutôt de bon augure concernant notre future collaboration. Et pour être honnête, vous avez tord sur un point: j'ai tendance à m'associer avec n'importe qui, du moment que nos objectifs se croisent peu ou prou. Les détails se règlent tout seul plus tard, en général.
Il fit un geste vers son verre avant de se souvenir du contenu et camoufla l'oubli en second pillage de pistache.
- Toutefois, vous ne semblez pas être n'importe qui et il se pourrait que cette "équipe" fonctionne effectivement. J'accepte votre proposition, lui dit-il avec un visage ravi. La mise en commun de nos connaissance est en effet le meilleur moyen de restreindre le temps de recherche, mais ce n'est pas pour autant que ces informations doivent tomber dans n'importe-quelles oreilles, vous vous en doutez.
Il se pencha sur la table et tendis le cou, lui intimant d'un signe de la main de faire de même. Lorsqu'elle avança la tête à son tour, il sentit le parfum doux et agréable qui se dégageait de ses habits et de sa peau, nullement gâché par la chaleur environnante. En revanche il ne sembla pas relever le léger frisson qui lui parcourra le bras lorsque ses narines essayèrent d'identifier l'odeur quasi-imperceptible qui flottait derrière la première. Restant sourd aux appels de son instinct, il lui murmura à l'oreille:
- Mes propres information ne me mènent pas plus loin qu'au alentour du vieux bazar, ce qui hélas recouvre presque un tiers du quartier principal. Si on compte le nombre de ruelles ainsi que de niveaux sur lesquels sont construites celle-ci, un pourrait, en étant optimiste, couvrir la moitié de la zone d'ici un mois. Toutefois, et avant que vous ne me coupiez, je pense qu'un gain de temps fort appréciable pourrait être envisagé si l'on demandait à la personne qui se trouve accroupi juste derrière vous - non ne bougez pas! - et dont on voit vaguement l'ombre se dessiner derrière l'auvent depuis maintenant cinq bonne minutes. Le tout est de poser la question gentiment et surtout rapidement, car je crois qu'il commence à se méfier. Il recula de quelques centimètres et sourit en la regardant droit dans ses yeux dorés. Je vous laisse l'initiative, partenaire?
Le sourire que fit alors Lùthien n'avait rien de charmeur mais évoquait plutôt le prédateur. Elle était heureuse qu'Exodus ait remarqué le petit espion. La Chasseuse n'aurait pu lui en parler sans trahir le fait qu'elle l'avait repéré à l'odeur. Une capacité qui aurait pu titiller l'esprit du répurgateur. Les deux mains de l'elfe commencèrent à s'élever vers le visage d'Exodus, comme pour l'embrasser. Lùthien put voir la légère dilatation de la pupille qu'entraina ce mouvement dans les yeux de son partenaire. Son sourire s'élargit imperceptiblement. Et dans un geste rendu flou par la vitesse d'exécution, Lùthien lança un poignard qui se planta dans le pied de l'espion. Il n'eut pas le temps de se mettre à hurler que déjà la Chasseuse s'était saisie de lui et le bâillonnait. Récupérant tranquillement son arme, elle entraina leur proie jusqu'à leur table. Là, ils purent voir qu'il s'agissait d'un homme d'une quarantaine d'années, petit et râblé, la peau tannée par le sable et le soleil, les cheveux bruns et courts, les yeux presque noirs.
Lùthien tenait l'homme par le cou, comme s'ils étaient de bons amis, mais un léger reflet informa le répurgateur de la menace qui planait sur la tendre chair. Souriante comme si elle venait de retrouver quelqu'un perdu de longue date, la Chasseuse fit les présentations.
Exodus, je te présente...
L'homme laissa planer le silence quelques secondes avant de répondre précipitamment suite à un infime mouvement de la main de l'elfe.
Hamda, fit-il avec un glapissement d'inquiétude.
Hamda donc, reprit Lùthien avec un grand sourire. Qui nous cherchait parce que...
L'homme cette fois répondit de suite.
Je vous surveille. Pour d'autres qui vont venir. Je ne sais rien !
La Chasseuse se figea, aux aguets, les pupilles dilatées. Elle repoussa brusquement Hamda qui s'écroula dans l'auvent qui lui avait servi de cachette. Saisissant la main d'Exodus, Lùthien l'entraina à sa suite, lançant un "Courez !" sans appel. Ils n'avaient pas fait cinq mètres qu'une explosion retentit derrière eux, manquant les renverser dans son souffle. Lùthien ne se retourna pas et continua à tirer le répurgateur qui mit quelques enjambées avant de s'adapter au rythme soutenu de sa partenaire. Trois hommes les poursuivaient en hurlant en sûl-narien.
La Chasseuse se frayait un chemin au milieu de la foule compacte, les menant justement vers le vieux bazar. Ce qu'elle n'avait eu le temps de révéler, c'était l'indication d'une fontaine représentant le fondateur de Sûl-Nar. L'entrée des souterrains était censée se trouver dessous. Lùthien souffla cette information à Exodus tout en continuant à courir.
Le Répurgateur n'osa pas se poser de question lorsque que Lùthien lui agrippa la main et l’entraîna derrière elle dans une course folle. Et si jamais un doute avait osé emmètre le moindre son, l'explosion qui suivit leur départ, digne d'un Teclis dans ses jours d'inspiration, aurait suffit à le rendre muet.
Les sauvages, se dit-il alors qu'il calait son rythme sur celui-de sa partenaire. Faire exploser le meilleur café à trois rue à la ronde juste pour les avoir. Ces gens ne comprenaient donc pas ce qui était réellement important? Et surtout: comment a-t-elle su pour l'explosion?
Exodus avait du mal à suivre le rythme que lui imposait la jeune femme, et encore plus à ne pas lui lâcher la main. La foule compacte de cette fin de journée s'enfuyait en tout sens suite à l'explosion, rendant les collisions particulièrement difficiles à éviter. Au moins les citadins apeurés ralentissaient tout autant leurs poursuivant, se dit Exodus. Il jeta alors un regard derrière eux et eu la désagréable surprise de voir que, même pris de panique, les habitants ne semblaient pas assez fou pour se mettre au milieu de leur chemin, ce qu'on pouvait aisément comprendre.
Les trois personnes qui les talonnaient portaient les turbans et manteaux propres à la régions, teintés de blanc ou de bleu, aux bordures colorés et rehaussés de perles ou d'aigue-marines. Ils avaient sortit leurs lourdes lames et l'un deux tenait même un pistolet, heureusement inutilisable dans cette marée humaine. Les trois hommes avançaient en vociférant et en donnant des coûts de sabre dans le file pour éloigner les fuyards.
Il regarda à nouveau devant lui, juste à temps pour éviter de percuter un vieillard qui courrait dans l'autre sens. L'Enfant fit une brève embardé de côté pour l'esquiver, manqua de perdre son équilibre et se rétablit en catastrophe, serrant toujours la main de Lùthien, aussi fort que celle-ci accélérait.
- Je crois qu'il faut voir le bon côté de la chose, lâcha-t-il en haletant. Les gens ne veulent jamais plus notre morte que quand on s'approche de l'objectif. Au fait, on va jusqu'où comme çà?
Lùthien ne prit même pas le temps de se retourner alors qu'elle les menait au coeur du vieux bazar. Tout ce qu'il put entendre de sa réponse fût "la fontaine du fondateur".
- L'entrée se trouve là-bas? Super, cette recherche aura été d'une courte durée en fin de compte.
Il esquiva un autre terroriste pédestre. Les sabreurs gagnaient du terrain au fur et à mesure que la foule vidait les lieux par les ruelles transversales, abandonnant leurs biens et leurs étals. Exodus sortit alors une dague et trancha dans sa course la corde qui retenait une livraison de jarre en place sur une carriole. Les lourds récipients furent libérés et allèrent soit se briser au sol en déversant leur contenue huileux sur les pavés, soit roulèrent dans toutes les directions, leur forme rendant les mouvements imprévisibles. Lùthien de son côté avait fait s’effondrer un étal par un violent coup de pied dans l'un des supports.
- Dites, je me disais, sans vouloir gâcher notre avancée: si nos poursuivants savent ce que l'on cherche, et qu'eux même savent où cela se trouve, ne risquent-ils pas de nous attendre -
Il n'eu pas le temps de finir sa phrase que Luthien pillait sur place. Ils venaient de déboucher sur une place couverte par d'innombrables pièces de tissus multicolores, lesquelles pendaient des toits et des murs pour former un gigantesque patchwork d'ombre et de lumière sur les pavés décorés. La seule exception était le centre de la place, laissé à ciel ouvert et au milieu de laquelle trônait une imposante statue couverte de plantes aux fleurs exquises et ruisselant d'eau sur toute sa surface. L'eau atterrissait ensuite dans un large bassin remplie de nénuphars et autres plantes d'eau. La statue avait beau être faite d'une pierre grise simple, elle symbolisait la richesse: qui d'autre que les plus riches marchands pouvaient se permettre de disposer ainsi de l'eau au plein milieu du désert?
Exodus vit alors la raison de l'arrêt de Luthien. Une dizaine de silhouettes affublés des mêmes attraits que leurs poursuivants attendaient autours de la fontaine, exhibant cimeterre, lance et fusils. La foule avait presque entièrement disparue maintenant et les deux étrangers étaient plus que visible au milieu de la rue. Derrière eux se rapprochaient les cris des premiers enturbannés.
- Je déteste avoir raison, dit Exodus en soupirant. Il jeta un rapide regard à sa partenaire. On force ou on tente la ruelle sur la droite?
Lùthien apprécia qu'Exodus ne demande pas d'explication. Il était déjà bien assez difficile de se frayer un passage dans la foule sans en plus devoir soutenir une conversation, inutile somme toute puisque l'elfe n'aurait certainement rien expliqué. Elle se régala de sentir la main ferme de l'homme qui la suivait et si elle n'avait pas du lutter contre une marée humaine, un large sourire aurait envahi son visage devant le plaisir que lui procurait cette aventure. Un véritable délice pour la Chasseuse que cette alliance entre l'adrénaline de leur fuite et le jeu qu'elle menait avec le répurgateur. Bien vite cependant, la situation se compliqua et mobilisa toute son attention.
On force ou on tente la ruelle sur la droite?
Lùthien dut prendre rapidement une décision, leurs poursuivants se rapprochaient à vive allure et quelques uns du groupe autour de la fontaine s'avançaient déjà vers eux. Elle ne pouvait pas prendre le risque de se transformer maintenant, d'autant qu'elle n'avait pas le temps de confier ses affaires de rechange au répurgateur.
On fonce ! cria-t-elle en s'élançant sur l'attaquant le plus proche.
Même si elle ne pouvait laisser la place au loup, l'elfe en avait plusieurs atouts comme la puissance et la vitesse. Le reste, elle le compensait par un art du combat basé sur son agilité naturelle. Dégainant dans un mouvement fluide deux dagues, la Chasseuse trancha la carotide de son assaillant en passant à côté de lui, presque négligemment. Des tirs de fusil résonnèrent à ses oreilles mais sa trajectoire erratique couplée à sa rapidité évitèrent à Lùthien de se faire trouer la peau. En quelques pas, elle fut sur un second attaquant.
Il faut trouver le mécanisme d'ouverture !
C'était une évidence. Il leur fallait vite trouver l'entrée pour essayer de se mettre à l'abri à l'intérieur. Il y avait peu de chances que leurs adversaires s'y trouvent déjà. L'elfe avait remarqué une marque sur le cou de Hamda ainsi que sur l'homme qu'elle venait d'égorger : un calice rouge. A ce qu'elle avait entendu dire, c'était la marque d'un groupe de gens chargé de protéger Giudichar Kala mais qui n'avait pas accès aux lieux sacrés eux-mêmes. En espérant que cela fut vrai. Et en espérant que les souterrains ne soient pas utilisés actuellement. S'ils arrivaient à entrer, ils seraient en relative sécurité, au moins pour un temps.
D'un coup d'épaule, Lùthien se débarrassa du corps du deuxième homme, qui s'effondra sur un autre en libérant la dague qui était enfoncée dans sa poitrine.
Je m'occupe d'eux, cherche l'entrée !
Les trois premiers sabreurs arrivèrent sur la place. Il y eut un instant de flottement dans leur rang le temps qu'ils évaluent la situation. Puis le bruit d'une flamme se fraya un chemin dans le chaos ambiant.
A terre ! hurla Lùthien tout en repoussant son adversaire du moment d'un coup de pied qui la propulsa dans le bassin de la fontaine.
Une détonation ébranla la pierre.
-Il faut trouver le mécanisme d'ouverture !
Bonne idée, songea Exodus en dégainant Anathème. Je m'y attellerai dès que j'aurai trouvé comment éviter de me faire trouer la peau.
Le Répurgateur était passablement énervé. Non seulement il s'était laisser prendre au piège par une situation qui obéissait aux lois les plus élémentaires de la narration, mais en plus celle-ci confirmait ce qu'il pensait depuis longtemps, à savoir qu'il ne pouvait pas se trouver tranquillement avec une dame sans que les choses ne dégénèrent au bout de quelques minutes.
L'un des enturbannés eu alors l'idée de s'attaquer à lui à cette instant. Mauvaise idée en l'occurrence car l'Enfant avait maintenant un besoin urgent de se passer les nerfs.
La lance en bambou plongea vers le ventre d'Exodus qui dévia le fer de l'arme d'une parade basse avant d'écraser la garde de sa lame sur le visage de son agresseur. Celui-ci cria de douleur lorsque son nez se brisa et le Répurgateur en profita pour lui assener un coup de pommeau sur le crâne, bien assez fort pour le briser. L'homme s'effondra alors sans un bruit.
- Je m'occupe d'eux, cherche l'entrée !
- Dame, j'ai bien peur de ne pouvoir obéir immédiatement, répondit Exodus en parant l'assaut d'un second assaillant avant de le planter sa lame dans le corps. Ils sont un peu trop nombreux pour avoir le temps de lancer des fouilles dignes de ce nom.
Il saisit l'un de ses pistolet de la main gauche et abattit d'un tir rapide l'un de ceux qui était armé de fusil avant que ce dernier ne puisse les mettre en joue, puis contempla le travaille de sa nouvelle coéquipière. Le moins que l'on pouvait dire était qu'elle était d'une efficacité redoutable et d'une rapidité impressionnante. Ils avaient éliminés à eux deux cinq ou six adversaires en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire. Peut-être qu'après tout les choses étaient plus faciles qu'il ne le pensait. Mais lorsqu'un tir vint frôler son couvre-chef et qu'il aperçue le groupe qui était à leur poursuite les rejoindre, l'équilibre des forces devint de nouveau problématique.
- Finalement je crois que je vais suivre le conseil. Evitons de nous éterniser, cela pourrait être mal vu !
Sur ces mots, il se précipita en direction de la fontaine, non sans expédier un deuxième tir en direction des hommes en manteau, dont l'un d'eux se retrouva à se rouler par terre en s'étreignant une épaule ensanglantée. Il avait atteint le rebord de la fontaine lorsque l'avertissement de Lùthien retentit.
- A terre!
Le souffle de la déflagration projeta Exodus dans le bassin et l'y envoya se cogner le crâne contre le socle de la statue avant qu'il ne retombe dans le bassin dans une grande éclaboussure. L'adrénaline alliée à l'eau fraiche l'aidèrent à rester conscient mais sa tête le vrillait et un lourd bourdonnement résonnait dans tout son crâne. Il sentait son corps trempé affreusement lent et maladroit alors qu'il tentait de se redresser en s'appuyant contre le socle gravé. Son esprit pourtant marchait encore à plein régime et il comprenait vite que, quoi que l'ennemi ai utilisé comme arme pour le faire voler ainsi, il n'allait pas se priver de s'en servir une deuxième fois. Et même si Lùthien s'était déjà relevé du bassin et tenait en respect ses agresseurs, les chances de survivre au second coup était minime.
Alors qu'il posait sa main sur un symbole parmi tant d'autre, il sentit celui-ci s'enfoncer sous ses doigts et une partit du fond du bassin se mit alors à bouger. Avant qu'il n'ai eu le temps de réagir, la mosaïque qui couvrait le fond s'était ouverte en une pente aigüe donnant sur un tunnel sombre, laquelle entraina Exodus et une partie de l'eau du bassin dans les profondeurs. Il y eu un vague jurons, submergé par le bruit de l'eau dévalant en cascade, puis le silence.
Au bout de quelques secondes résonna alors une voix à moitié noyée.
- Je crois que j'ai trouvé l'entrée!
La détonation l'avait envoyée dans la fontaine sans réussir toutefois à la sonner. Aussi Lùthien se releva d'un bond et planta sa dague dans la gorge d'un adversaire moins chanceux qu'elle. Cependant la situation commençait à devenir difficile à tenir, surtout si leurs poursuivants continuaient à les pilonner. Un bruit d'eau et le mouvement de celle-ci s'écoulant autour de ses jambes lui apprirent que le répurgateur avait accompli sa mission avant que sa voix ne lui parvienne, caverneuse.
- Je crois que j'ai trouvé l'entrée!
La chasseuse suivit l'écoulement et sauta prestement dans les ténèbres. Le liquide aidant, elle glissa jusqu'au bas de la pente, rejoignant Exodus qui se relevait, l'air surpris et contrarié par son atterrissage. Le tunnel était sombre, seulement éclairé par la lucarne venant de la fontaine. Toujours dans l'urgence, Lùthien chercha des yeux le mécanisme de fermeture.
Comment ça se ferme, ce truc, grommela-t-elle avant de de repérer un symbole gravé sur le mur droit, juste à côté d'eux. Elle appuya sa main dessus et la trappe se referma, sans qu'aucun de leurs poursuivants n'ait pu entré.
Bon, on devrait être un peu plus tranquille, en espérant qu'ils ne connaissent pas le mécanisme d'entrée. Enfin, je pense qu'on peut au moins parier qu'ils n'utiliseront plus d'explosif. Bon, voyons voir ce que cachent ces tunnels...
L'elfe fit quelques pas dans le noir avant de se rappeler que c'était un humain qui l'accompagnait. et les humains n'étaient pas réputés pour voir dans le noir.
Enfin, tu as peut être besoin d'un peu de lumière, fit-elle d'une voix rieuse. As-tu ce qu'il faut ou bien je te guide?
L'idée de devoir encore une fois mener son compagnon par la main n'était pas pour lui déplaire. Mais d'un point de vue stratégique, il serait en posture de faiblesse si de nouveaux attaquants arrivaient. Lùthien huma l'air profondément.
Il n'y a l'air d'y avoir personne dans les parages, on peut prendre le temps de fouiller les environs à la recherche d'une torche si tu n'as rien.
Sa voix était rassurante, le stress de l'urgence et du combat l'avait quittée. Tout était calme dans les tunnels de Giudichar kala.
Le Répurgateur se secoua après sa descente forcée, trempée jusqu'à l'os et d'une humeur quelque peu entachée. La pratique du toboggan avait beau lui laisser des souvenirs plaisants datant de son enfance, il trouvait qu'elle ne cadrait que très peu à l'image de son Enfance actuelle.
Quand Lùthien apparue à son tour au bas de la pente, avec en ce qui la concernait un atterrissage bien plus contrôlé et beaucoup moins couteux à l'honneur, elle se précipita sur les murs à la recherche du moyen de refermer l'accès avant que les poursuivants ne se jettent derrières eux. Exodus tenta de l'aider tant bien que mal, mais ses rétines était encore imprimées de la tâche de soleil par laquelle ils étaient arrivés et qui avait suffit à l'aveugler dans cette obscurité.
Il y eu un cliquetis lorsque la jeune femme passa la main sur une moulure et la trappe se referma aussi soudainement qu'elle était apparue, laissant les deux explorateur dans une obscure sécurité.
- Il n'y a l'air d'y avoir personne dans les parages, on peut prendre le temps de fouiller les environs à la recherche d'une torche si tu n'as rien.
Se relevant tant bien que mal, les mains crasseuses de sable détrempé, Exodus se mit alors à la recherche d'une source de lumière, comme suggéré par la jeune femme.
- C'est vrai qu'un peu de lumière ne nous serais pas de trop, dit Exodus en tâtonnant à droite à gauche à la recherche d'un support de torche ou de lampe. Surtout que vous ne devez pas y voir mieux que moi, fit-il avec un petit rire, mais c'est gentil de penser à moi. Bon, attention les yeux.
A peine eu-t-il prononcé ces mots qu'une vive lueur apparue au creux de sa main droite, s'estompant rapidement pour laisser place à la flamme ondulante d'une mèche de briquet à amadou.
- Voilà, ça ne vaut pas une torche et ça dure beaucoup moins longtemps, mais on devrait au moins pouvoir se repérer dans cette pièce.
A peine venait-il de dire ces paroles qu'il remarqua que Lùthien se tenait déjà devant lui, comme si elle avait immédiatement su ou il se trouvait malgré l'obscurité et les échos que formaient les voix dans cet espace confiné. Elle l'écoutait et le regardait avec attention, voire même avec un certain... appétit. Elle est vraiment douée, songea Exodus, mais aussi inquiétante, d'une certaine manière.
Le même détail que plus tôt dans la journée tenta de se faire entendre une nouvelle fois. Il était plus gros mais toujours pas assez pour pouvoir se remarquer.
Ils contemplèrent la salle dans laquelle il se trouvait, une espèce d'anti-chambre relativement vaste et de laquelle partaient deux couloir taillé dans la pierre, l'un partant tout droit et l'autre sur la droite. La faible flamme du briquet avait du mal à éclairer convenablement les lieux et tout ce qui se trouvait à plus d'un mètre était irrémédiablement engloutie par une opaque obscurité. Les murs ne reflétait qu'une infime clarté et les deux aventuriers furent donc obligés de longer la parois dans l'espoir de découvrir une source de lumière digne de ce nom.
La réponse leur vint enfin lorsque, après avoir fait presque tout le tour de la pièce, Exodus buta contre un lourd baril surmonté d'un modèle de lampe à huile plutôt ancien.
Jurant silencieusement à l'encontre de l'agresseur de doigts de pied, il prit la lampe et la passa à Lùthien tandis qu'il soulevait le couvercle du baril avec méfiance. Une infect odeur envahie l'endroit alors qu'il passa son briquet au dessus du contenu du baril, révélant une sorte de liquide noirâtre insondable. Lui renifla avec dégout. Elle se prépara à saisir le briquet dans l'instant car elle connaissait le liquide et ne désirait pas que cette aventure ne se conclue par leur transformation en peinture murale un brin trop cuite. Mais le Répurgateur retira rapidement la main d'au dessus de cette mort liquide, ce qui permit à la jeune femme de se remettre à respirer.
- Je ne pensait pas qu'un jour j'arriverais à trouver un produit mariant si efficacement l'apparence du goudron et l'odeur des expérience de Teclis sur les fromages à pâte molle, dit dans une grimace de dégout. Enfin, sans doute ce truc doit-il brûler et être efficace, à défaut d'être supportable. Passez-moi la lampe et tenez moi le briquet je vous pris.
Il plongea un gobelet de métal suspendu à la vielle lampe par une petit chaine dans le produit et en remplie le réservoir jusqu'au bord, avant que Lùthien ne l'allume. Cette fois la lumière fût bien plus forte, éclairant à au moins quatre mètres et révélant des murs couverts de peintures et de mosaïques, où le bleu prédominait.
Ils contemplèrent alors la salle dans laquelle il se trouvait, une espèce d'anti-chambre relativement vaste et de laquelle partaient deux couloir taillé dans la pierre, l'un partant tout droit et l'autre sur la droite.
- Tout de même, cacher de si beaux ornements sous terre alors que presque tout le reste de la ville est désespérément blanc. Ces gens sont fous, non? dit avec un sourire à Luthien.
Elle lui renvoya la même expression en retour, et Exodus ne put qu'admirer le calme de Lùthien dans cette situation. Lui essayait de toujours trouver le côté amusant des choses pour réussir à grader le contrôle de ses nerfs et éviter les bêtises. Elle en revanche était juste calme. Qu'importe la situation, elle semblait garder le même état d'esprit imperturbable. Pire, elle semblait réellement s'amuser. Il commençait à l'admirer pour ça, pour son calme ainsi que pour son caractère enjoué. Et pour la manière dont la lampe éclairait maintenant sa tenue de cuir, trempée, moulante, et... Et stop, concentre-toi songea Exodus, tu ne sais pas encore où on est exactement et la situation est encore dangereuse. Le danger de mort d'abord, les pensées... autres, après.
- Bon, fit-il tout en se tournant vivement, je pense qu'on devrait prendre le chemin de droite, il parait le plus large. On arriva sans doute plus facilement quelque part. La lampe éclaire malgré tout moyennement, mieux vaut passer un par un. Je passe devant si ça ne vous gène pas. Et mieux vaut se tenir, histoire d'éviter les mauvaises surprises, d'accord?
Malgré les indices, intentionnels ou non, que Lùthien laissait sur sa nature, Exodus ne semblait pas s'en préoccuper. Lorsqu'il alluma son briquet, les pupilles sensibles de la louve se rétractèrent rapidement sans qu'elle soit incommodée par la lumière. Grâce à l'avertissement, elle avait eu le temps de détourner le regard. La découverte du baril de pétrole lui causa une certaine frayeur mais l'instinct du Répurgateur, ou sa connaissance, leur évita une fin... brûlante. La Chasseuse retint un sourire à cette évocation. Elle eut plus de mal à cacher sa joie quand son compagnon proposa de continuer l'exploration d'une manière assez proche de celle qu'elle avait imaginée. Seulement, Lùthien avait l'esprit pratique et souhaitait avant tout survivre à cette exploration.
Passe devant si tu le souhaites. Cependant, entre ta lame et la lampe, tu seras déjà bien encombré. Se tenir me parait compromis. Même si je tenais ta ceinture histoire de te rattraper en cas de chausse-trappe, j'aurai plus de chance de te suivre que de te sauver vu la proximité. Par contre...
Lùthien défit sa propre ceinture, large tresse qui entourait deux fois sa taille, l'attacha à son poignet gauche d'un côté et la lia à celle d'Exodus de l'autre. Le Répurgateur la regarda s'affairer sur son pantalon d'un air surpris, vaguement choqué mais aussi... intéressé. La manière dont il l'avait détaillée à la faveur de la lampe n'avait pas échappée à la Chasseuse. Un sourire amusé et satisfait éclaira son fin visage.
Voilà, nous avons près d'un mètre cinquante de manœuvre je dirais. C'est peu et beaucoup. Peu en cas de combat, suffisant en cas de piège, beaucoup... Elle ne termina pas sa phrase, laissant planer le doute sur ce qu'elle avait voulu dire. Bon, donc, à droite. Je te suis. Je surveille les arrières.
Sauf que pour surveiller leurs arrières, la louve se fiait surtout à son ouïe et son odorat. Elle réserva sa vue essentiellement pour se délecter du paysage que lui offrait son compagnon de route.
Le chemin était effectivement assez large mais, comme on pouvait s'y attendre, trompeur. Ils n'avaient parcouru qu'une dizaine de mètre quand Exodus fit signe de s'arrêter et enjoignit Lùthien à venir voir. Il lui désigna un dessin sur le sol alors que jusqu'à présent les seuls ornements se trouvaient sur les murs, richement parés. Ici, le sol de pierre avait été peint, représentant un ange en adoration devant une madone. Encadrée, la peinture laissait deux étroits passages le long des murs.
A mon avis, on ferait bien de l'éviter. Je ne le sens pas ce tableau, fit Lùthien.
Ce qui était l'exacte vérité. Elle ne sentait rien du tout. Or, même des siècles après avoir été utilisée, la peinture dégageait toujours une odeur. Ce qui n'était pas le cas ici. Il y avait donc un truc qui clochait.
-A mon avis, on ferait bien de l'éviter. Je ne le sens pas ce tableau
-Bien d'accord. Je crois me rappeler que dans le guide du survivant, ne pas marcher sur les symboles bizarres fais partit des premiers chapitres.
Il s'avança précautionneusement et se plaqua au mur, dans l'idée de longer celui-ci en évitant de marcher sur le portait de la madone. Tâtonnant la pierre de sa main libre tandis que la lampe avait été confié à Lùthien, il cherchait dans sa progression tout creux ou aspérité qui révélerait la présence d'un piège quelconque. Une fois la peinture dépassée, il resta encore quelques instants collé au mur, inspectant le sol se révélant après, essayant de repérer un second chausse-trappe camouflé, des fois que le premier n'eut été qu'un leurre. Après de longues secondes d’expertises agrémentées d'onomatopées fort savantes, il conclut qu'il n'y avait pas de piège. Ou qu'il ne le repérait de toute façon jamais le cas échéant.
Il se retourna pour dire à Lùthien que la vois était libre lorsqu'il remarqua avec surprise que celle-ci se tenait penché au dessus de son épaule, n'ayant pas attendue son signal et observant attentivement le même point qu'Exodus. Cette femme est décidément trop discrète songea ce dernier. Et un peu trop près aussi, lui communiqua son dos, mais ça c'était moins grave.
- Euh, je... j'ai vérifié... essaya de dire le Repugateur devant les yeux doré et le sourire épanoui de la jeune femme. Enfin, la route est libre quoi. Pas de danger. Immédiat en tout cas.
Ils continuèrent leur progression, Exodus essayant de calmer le rouge qui lui montait au joues pour sa plus grande gène et Lùthien savourant l'instant. Le couloir continuait sur plusieurs mètres avant de bifurquer par un coude à quatre vingt dix degrés, au milieu duquel était posté une nouvelle peinture, plus petite cette fois, et qu'il enjambèrent avec précaution.
- Dis, fit alors Exodus tandis qu'ils avançaient, je réfléchissait à quelque chose: il serait peut-être temps qu'on se mette d'accord sur ce qu'on cherche, non? Parce que tel qu'on est partie, on peut marcher en rond encore longtemps, et ces couloirs doivent serpenter sur des kilomètres. Aussi, la question est la suivante: cherche-t-on une sortie, qu'importe laquelle, ou bien une salle bien précise du style chambre au trésor ou encore lieu de conspiration? Par contre, ce n'est pas pour orienter ton choix, mais je te ferais observer que je n'ai pas eu le temps d'emporter des vivres ou de l'eau potable et que le seul liquide qui nous soit à disposition soit celui qui remplie actuellement la lampe. Après, si tu souhaite y goûter, je t'en prie, honneur aux dames.
Il s’interrompit quelques instants en remarquant que le sol semblait maintenant s'incliner légèrement, signe qu'ils s'enfonçaient dans les entrailles de Sûl-Nar. Il se retourna vers sa partenaire tout en marchant.
- Ça commence à descendre à partir d'ici, je crois que le choix est fait pour nous. Ce serait étonnant qu'on trouve une sortie si -
Il n'eu pas le temps de finir sa phrase que son pied glissa sur un étrange objet mou laissé au milieu du chemin, le faisant s'étaler de tout son long dans le couloir mais sans lâcher la torche pour autant. Pestant et grommelant, il se mit sur le dos et observa à la lumière la raison de sa chute. Surpris, il présenta alors à Lùthien une petite poupée d'enfant en tissus crasseuse.
- Qu'est ce que ce truc fait ici? demanda Exodus en commençant à se redresser.
Ils n'eurent pas le loisir d'avancer des hypothèses car retentit alors dans le couloir un "clic" inquiétant. En effet, en se relevant le Répurgateur venait d'appuyer malencontreusement sur la peinture d'un ange tenant une balance et, Exodus pouvait le jurer, souriant d'un air satisfait sous la lumière de la lampe.
Lui dire ce qu'elle cherchait, en voilà une drôle d'idée, pensa Lùthien en écoutant Exodus. Comme si l'elfe allait lui dire "Mais mon cher, je cherche juste de quoi m'amuser !". Non, vraiment, quelle drôle d'idée. La Chasseuse en était là de ses réflexions quand son compagnon s'étala en marchant sur une vieille poupée de chiffons posée au milieu du chemin. Lùthien n'avait eu le temps de prévenir le Répurgateur, ni pour la poupée, ni pour la peinture. Le cliquetis annonciateur de malheur résonna lugubrement.
Vivement, l'elfe tira Exodus contre elle et se mit dos à lui. La balance lui inspirait une notion de justice prompte et aveugle. Quatre ouvertures apparurent dans les murs, laissant passer quatre hautes silhouettes de fer. Des golem. Insensibles à la douleur, en un matériau très résistant, ils étaient difficiles à abattre. Rapides et forts, c'étaient de redoutables adversaires. Toujours reliés par leurs ceintures, les deux compagnons d'exploration se mirent en position de défense.
L'attaque ne fut pas longue à venir. Par deux, dans un rythme effréné, utilisant à merveille leurs compétences martiales à l'épée, les golems tentèrent de découper l'elfe et l'Enfant de l'Unique. De son côté, usant de sa rapidité et de sa souplesse, Lùthien parvenait sans trop de mal à éviter les lames, par contre son allonge était limitée et elle avait des doutes sur la capacité de ses dagues à faire quoi que ce soit comme dommage à ces monstres d'acier. Désirant se laisser un peu plus de marge de manoeuvre, la Chasseuse se tourna au moment où une épée s'abaissait, tranchant ainsi le lien qui la retenait à Exodus. Pour autant, elle ne laissa pas une place suffisante pour qu'un golem se glisse entre eux, elle continua à défendre les arrières du Répurgateur. Pour le moment, elle jouait la montre, se demandant si son compagnon avait quelque chose en réserve pour calmer ces quatre gros. Lùthien espérait bien que oui, sinon elle allait être obligée de se dévoiler.
En moins de temps qu'il n'en fallu pour le dire, le Répurgateur compris la raison du sourire satisfait de l'Ange tandis que les lourde silhouettes de métal se dirigeaient dans leur direction. La rapidité et la précision de leurs mouvements contrastaient avec leur carrure massive et trapue. Fabriqués dans le bruit hérétique d'imiter l'être humains, ces infâmes machines étaient dotés de bras articulés trop long en comparaison du reste de leur corps, mais se terminant par une lame des plus inquiétante. Entachées par des points de rouille, voire même ébréchées par endroit, elle n'en étaient pas moins mortellement efficace entre les doigts de fer de ces automates. L'Enfant ne se faisait pas d'illusion: un seul coup bien placé suffirait à lui broyer le corps, à défaut de le trancher, et ce n'était surement pas le plastron léger couvrant son poitrail et ses épaules qui le protégerait de quoi que ce soit. Quand à Lùthien... Il espérait sincèrement qu'elle parviendrait à esquiver assez longtemps pour éviter de finir en ornement mural.
Sortant Anathème de son fourreau, il actionna le briquet caché dans la garde et enflamma ainsi le fil de la lame d'une douce mais néanmoins braise. Il doutait de l'efficacité du feu sur ces créature mais, dans le doute, préférait utiliser tout ce qui était à disposition. La lampe avait été lâchée et gisait de travers sur le sol, continuant à éclairer la scène selon des angles nouveaux et chaotiques. Profitant de sa main libre, Exodus avait sorti sa main gauche pour parer plus facilement les attaques doublé de ses assaillants.
La jeune femme couvrait efficacement ses arrière en esquivant de manière audacieuse les coups portés par les golems, profitant de leurs mouvements amples pour rompre le lien qui les gardait rattaché et les privait par la même de marge de manœuvre. De son côté, le Répurgateur parait comme il le pouvait les violents coups qui lui était portés, essayant de trouver une faille dans la cuirasse des automates. Il parvenait pour le moment à gérer les assauts, la taille du couloir restreignant l'adversaires dans ses mouvements, mais le fait était qu'il ne pouvait jouer que sur la défensive. La plupart de son équipement était inefficace dans un lieu si exiguë - une fiole explosive pourrait avoir quelques effets secondaires indésirables comme la mort comique de son lanceur - et même si elle résistait remarquablement bien aux coups de boutoir des lames ennemies, son arme ne réussissait qu'à griffer le calice sang qui imprimait le poitrail des golems. Il avait bien une solution, mais il fallait du temps, ce que les être de métal ne semblait pas près de lui laisser.
- Long et périlleux est le chemin du croyant, commença-t-il à marmonner, et nombreuses les embûches à pouvoir lui faire rebrousser chemin...
Une lame jaillis soudainement sur la gauche de son crâne, qu'il dévia aussi vite que possible de sa rapière. La lame s'abattit encore une fois, et encore une fois l'épée incandescente couru le long du fil adverse pour en modifier la trajectoire. Ce faisant, l'Enfant plaça presque par réflexe une botte qui envoya Anathème raser le visage lisse et sans expression du golem, y laissant une estafilade étincelante au contact d'un métal plus mou.
Avec surprise, Exodus remarqua ce que l'éclairage erratique de la lampe et la crase lui avait caché jusque là: les visages des golems, d'une beauté simple et forcément païenne, étaient ciselés dans l'or. Autre surprise, les flammes de l'épée semblèrent perturber la machine hérétique qui chercha le contact de l'arme avec sa propre lame au lieu d'attaquer directement sous la garde du Répurgateur, comme le second golem s’apprêtait à le faire. Une idée folle germa alors dans la tête de l'Enfant, qui échangea sa main gauche contre un de ses pistolets tout en continuant à psalmodier.
- Mais je ne fuirais pas les obstacles que les ignorants placeront devant moi et avancerais, certain de ma Foi et de Son pouvoir... Dit-il tout en braquant le canon de son arme sur la tête du golem le plus proche.
Il esquiva un coup maladroit qui lui permit de passer au travers de l'ample garde du golem et, presque à bout portant, ouvris le feu sur le visage poli de l'imitation de métal, juste après avoir fermé les yeux pour se protéger de l'éclat. Dans le couloir mal éclairé, la détonation éructant de son pistolet à poudre suffit à donner l'impression d'une petite étoile, même au travers des paupières. Il recula promptement et contempla alors l'effet du tir. La balle de plomb avait enfoncé une bonne partie de son visage doré sans toute fois perce l'épaisseur du métal, mais la vive lumière semblait avoir suffit à provoquer la confusion la plus totale chez le golem. Celui-ci battait follement des bras, essayant de frapper la source de lumière si proche de son visage avec ses bras trop long. L'un fini par percuter le plafond, tandis que la main armé du monstre fit un tour complet, venant percuter son sosie situé juste en retrait, l'envoyant à la rencontre du mur dans un bruit terrible pour finalement retomber en arrière sur le dos.
- Aussi malgré tout ce que le destin pourra m'envoyer - Lùthien, attrape ça! dit-il en lui lançant un de ses pistolet derrière lui. Aveugle-les! - je resterais sur ce chemin sacré, et ce faisant, déferai les peurs m'assaillant!
Sans vérifier si la jeune femme avait comprit ses instructions, il se plaça dans la garde de son adversaire qui semblait se calmer et recherchait de nouveau l'Enfant de son visage d'ange pervertit. Il arma son bras pour un coup ascendant et prononça alors la fin de sa prière.
- Et ainsi pour toujours je marcherais avec Lui, défiant l'ennemi de ma Foi forgée en une épeé, et Sa lame guidera mon bras!
Le coup était lancé avant même la fin de la phrase. C'est au milieu du mouvement, alors que la lame du golem allait à la rencontre de la sienne, qu'Anathème se mit à irradier d'une vive lumière. Lorsque la lame mécanique percuta la fine rapière, ce fut cette dernière qui la sectionna à mi-longueur et ce sans effort de la part du Répurgateur. Sans attendre, celui ci trancha d'un coup sec la main serrant la garde, avant de lancer un violent coup de taille en direction du visage inanimé. Celui-ci se retrouva alors fendu horizontalement juste au dessus du nez, laissant choir le sommet du crâne et révélant par-là même un parchemin à moitié brûlé dans la cavité crânienne de l'automate. Ce dernier était maintenant figé, les mots le commandant étant détruit.
Exodus se retourna pour prêter main forte à Lùthien tant qu'il le pouvait encore. La lumière de sa lame s'estompait déjà, et la prière avait été tronqué et accéléré plus que de raison, rendant l'effet encore plus éphémère. Il n'eu pas le temps de prononcer un mot qu'un violent choc l'envoya percuter le mur de gauche, lui expulsant en une seconde tout l'air de ses poumons.
Luttant contre l'inconscience, et sentant Anathème lui glisser des doigts, il vit le corps du second golem avancer vers eux. Il avait réussi à se relever et avait projeté le corps désormais inutile de son jumeau métallique sur le Répurgateur, et comptait bien remplir son devoir en éliminant l'intrus. Entre les tâches noirs qui lui couraient devant les yeux, tout ce qu'Exodus parvenait à voir maintenant était le calice sanguinaire qui se rapprochait vers lui et une lame qui risquait bientôt de s'abattre sur son crâne.
Ils étaient en mauvaise posture. Le Répurgateur faisait appel à la magie, qu'elle soit de l'Unique ou d'autre chose ne changeait rien à son essence. Les poils de Lùthien se dressaient au fur et à mesure de la prière. Elle évitait toujours assez facilement les attaques de deux golems de son côté mais ne voyait aucun moyen d'en venir à bout. Un coup de feu retentit, illuminant le couloir.
Lùthien, attrape ça! Aveugle-les!
L'elfe attrapa au vol le pistolet. Elle n'aimait pas les armes à feu mais savait les manipuler. Elle braqua donc le canon sur le golem de gauche, qui venait d'asséner une taille dans le vent et s'apprêtait à laisser sa place à son double, visa approximativement la tête et tira. Le recul la surprit. D'une torsion, Lùthien évita de percuter Exodus derrière elle, récoltant toutefois une estafilade du second golem. Un grognement lui échappa et l'elfe n'eut pas le temps d'apprécier l'effet de la détonation. Une vive lumière éclaira à nouveau le couloir. Le Répurgateur avait fini sa prière et venait de détruire l'un des golems. Un coup d'oeil rapide lui avait permis de comprendre comment il était parvenu à ce résultat.
Alors qu'elle s'en réjouissait, Lùthien vit Exodus voler contre le mur, menacé par l'autre golem. La Chasseuse tira par réflexe, n'obtenant qu'un léger ralentissement de l'assaillant. Les deux autres arrivaient sur elle. Elle devait réagir vite, sinon ils seraient découpés en tranche tous les deux.
Une masse sombre percuta le golem qui menaçait Exodus, l'envoyant rouler dans le couloir. Un coup de griffe puissant découpa la boîte crânienne et déchira le mot de commandement. Le golem cessa de s'agiter. Les deux derniers assaillants avaient stoppé un instant, sûrement décontenancés par le changement d'apparence de leur proie. Non pas que cela change grand chose pour eux, mais ils se fiaient à la forme pour pouvoir attaquer. Ce léger répit permit à la louve de revenir à la charge avant eux. Sa masse et sa puissance eurent raison de ses adversaires, beaucoup plus faciles à éliminer une fois qu'on connaissait leur point faible.
Haletante, Lùthien reprit sa forme humaine. Il lui restait un soucis : comment expliquer la disparition de tous ses vêtements ainsi que l'état des golems. Elle espérait qu'Exodus ne chercherait pas trop dans les détails. La Chasseuse s'accroupit auprès du Répurgateur et le secoua doucement pour le faire revenir à la réalité.
Rien de cassé? C'est marrant vos trucs qui font de la lumière mais la prochaine fois faudra mieux charger la batterie, fit-elle sur un ton ironique. Je crois qu'on approche du centre névralgique de Giudichar Kala vu la complexité des pièges. Vous me prêtez votre manteau? Il fait un peu frais...
Le Répurgateur avait sombré dans l'inconscience au moment le moins propice, conservant comme dernière image celle de la lame ébréchée d'un golem prête à lui foncer dessus. Alors vint le noir, accompagné de l'absence totale de souvenir, le sentiment d'avoir perdu une éternité en moins de quelques secondes.
Il revint à lui par un frisson. Le genre de réaction automatique, celle d'un corps ayant reconnu les signes annonçant la présence d'un prédateur et répandant un froid intense dans l'épine dorsale, rappelant tout les sens à la scène.
Ses yeux essayèrent sans grand succès de s'ouvrir, et il ne put qu'imaginer les formes terribles qui se jetaient devant lui, à la lumière chaotique des feux de l'après. L'odeur était immonde, semblable à la viande faisandé de quelque victime et retournant l'estomac. Il cru entendre le grondement de la bête honnie au fond de son crâne, semblable à un roulement de tonnerre, attendant son heure avant d'éclater. Peut-être était-il bien mort.
Le noir à nouveau. Puis le contact d'une main sur sa peau. Contact répété et un brin trop violent, quand bien même il s'agissait de douceur mesurée. Il ouvrit les yeux et la vit se tenant devant lui, la lueur confuse de la lampe éclairant sa peau nue.
- Vous me prêtez votre manteau? Il fait un peu frais...
Il eut un mouvement de recul mu par le surprise et se cogna l'arrière de la tête contre le mur, lui faisant lâcher une brève bordée de jurons.
La douleur le réveilla plus certainement que toute les claques du monde, et il fixa de nouveau la femme nue, incrédule. Difficile de faire autrement, elle était si près de lui qu'elle occupait les trois-quarts de sa vision.
- Deux solutions, finit-il par dire. Soit je suis mort, soit c'est un rêve. Dans les deux cas qu'on ne me réveille pas.
Le regard mi-amusé, mi-pressé qu'elle lui lança finit par le convaincre, ainsi que son début de bosse, qu'il s'agissait là bien de réalité.
- Euh, oui, oui, tout de suite!
Il se releva douloureusement, surpris de ne plus être coincé sous la carcasse du premier golem. Tournant le dos à Lùthien par politesse autant que par gène, mais certainement pas par plaisir, il commença à retirer son manteau, maugréant contre les douleurs qui lui prenaient les cotes ainsi que le bras gauche. Il en profita pour contempler le couloir, toujours éclairé par la lampe renversée et jonché de débris. Il tendis le bras derrière lui, tenant son manteau à bout de bras jusqu'à ce que la jeune femme le prit. Il s'accroupit alors pour récupérer sa rapière et remettre la lampe en place, éclairant au passage la scène de carnage.
Les golems avaient été renversés puis déchiqueté. Il ne s'agissait pas de coupures net comme celle que sa prière pouvait occasionner, et beaucoup trop profonde pour être le travail des dagues de Lùthien. L'un en particulier semblait avoir eu une épaule enfoncé par une énorme mâchoire carnassière, les marques de crocs se reflétant comme des impacts de balle à l'éclairage de la faible lampe. Le visage d'or avait fini arraché, le métal au déchiré comme du papier.
Quelle sorte de créature pouvait bien avoir agit ici? se demanda le Répurgateur incrédule. La profondeur des marques sur un métal aussi résistant que le corps des automates supposait une force et une masse hors du commun. Et extrêmement rapide: les deux golems ne semblaient pas avoir eu le temps de se placer, et aucune trace de sang n'était visible. A supposer que ça puisse saigner...
Lùthien l'appela alors à se retourner, ce qu'il fit sans vraiment faire attention. Elle lui demanda avec un sourire espiègle si le manteau lui allait, faisant un tour sur elle même. Elle le charmait, et ce avec un succès certain. Il sourit, un peu comme un idiot. Ses questions concernant les marques sur les golems commencèrent à refluer, jusqu'à ce qu'il lève la lampe et aperçue le haut de son visage.
Ses yeux d'or reflétait les flamme avec une beauté indécente, alors que ces cours cheveux noirs semblaient eux absorber toute lumière. Enfin, la lumière se refléta sur la peau claire de ses oreilles, deux pointes effilés émergeant de sous ses cheveux. Tout comme les reste, son voile avait été réduit en fragment de tissus, révélant les origines non-humaines.
Le Répurgateur se rapprocha lentement, sans qu'à aucun moment son visage ne trahisse ses pensées. Il se tint assez près pour lui caresser le visage, ce qu'il fit avec une réelle tendresse de la main droite.
- Lùthien, petite menteuse... lui murmura-t-il. Qu'est ce que tu m'as caché d'autre?
Il affichait toujours un sourire sincère, jusqu'à ce qu'il respire la senteur de sa peau.
L'odeur du parfum, celui que l'avait si envouté lors de leur première rencontre, avait disparu après le bain forcé et le combat. Avec cette proximité, il la sentait distinctement maintenant. Les humains sentaient souvent la sueur, accompagné d'un étalage d'odeur corporelles aussi varié que les individus. Pas les elfes: derrière la fragrance sucrée propres à ceux de son espèce flottait une autre odeur, agressant la narine avec d'autant plus de force à partir du moment où on la reconnaissait. Une odeur qui lui rappela des souvenirs et réveilla une douleur lancinante dans son poignet. Celle d'une vieille blessure, qui n'avait jamais vraiment voulu disparaitre malgré le pouvoir divin qui l'avait purgé. La senteur d'un mauvais souvenir.
Sa main gauche apparue sous la gorge de l'elfe en un instant, la pointe à deux doigts de percer sa douce peau. Cette fois les yeux du Répurgateur étaient froids, professionnels.
- Qu'est-ce que tu es?
Lùthien
Évidemment, malgré son état, le Répurgateur n'avait pas perdu ses neurones. Ce qui était bien dommage. Autant Lùthien avait apprécié son réveil, autant la présence de la lame sous sa gorge n'était pas plaisante. Toutefois, l'elfe n'avait pas bougé et regardait intensément Exodus. Elle avait vu passer tout un tas d'émotions dans ses yeux mais elle n'avait pu tout comprendre tellement il s'était vite repris.
Ce que je suis? Certainement pas quelqu'un que fréquente ouvertement un membre de l'Unique, mis à part autour d'un bûcher, fit-elle d'une voix grave. Je connais bien les Enfants de l'Unique, je leur dois mes plus belles cicatrices, ajouta-t-elle avec un regard vers l'entrelacs de boursoufflures qui défiguraient son ventre. A cause des longues journées passées entre leurs mains, sache que je ne les approche que si je n'ai pas le choix. Je crois cependant que tu n'es pas du genre à te laisser aveugler par ta foi et que tu sais reconnaître tes vrais ennemis. Ce que je ne suis pas, reprit-elle après un silence.
La Chasseuse n'avait toujours pas bougé. Sa voix restait sereine et son corps était totalement détendu. Rien dans son attitude n'éveillait de suspicion. Cela l'embêtait de voir la réaction du Répurgateur, mais elle s'y étais attendue. Et préparée. Elle savait qu'elle aurait le temps de lui échapper, quand bien même elle pourrait être blessée. Son estime pour Exodus faisait qu'elle ne ferait rien contre lui, même s'il se retournait contre elle.
Si je me suis jointe à toi, c'est pour cette recherche. Tu seras d'accord pour dire que si je m'étais présentée comme tu m'as vue il y a quelques instants, tu aurais eu beaucoup plus de mal à accepter. Maintenant, tu peux refuser de poursuivre avec moi, voir même essayer de te débarrasser de moi. Je te rappellerai simplement ceci : nos poursuivants à l'extérieur ne nous ont certainement pas oubliés. Et même si tu parviens à éviter les derniers pièges avant d'atteindre le coeur de Giudichar Kala, qui semble être très proche vu ce sur quoi nous sommes tombés, il est peu probable que la zone soit vide et prête à t'accueillir les bras ouverts. Tu as le choix. Je t'ai toujours aidé jusqu'à présent.
L'elfe attendit patiemment. Détendue. Il avait les clés pour poursuivre.
Le Répurgateur respirait lentement tout en écoutant les explications de la jeune elfe. Son regard ne trahissait qu'une attention teinté d'hostilité, le même genre de regard que celui accordé lors d'un interrogatoire. Pourtant, au fond de son âme, il hurlait de rage contre la trahison dont il avait été victime.
La trahison issue des secrets de la jeune femme, certes, mais également de celle de ses propres capacités. Il se maudissait de ne pas avoir su décelé les indices, les incohérences qui auraient pu le mener vers la vraie nature de Lùthien qui, au final, n'avait jamais essayé de cacher ses origines autrement qu'avec une simple pièce de tissu. Il avait commit l'une des erreurs les plus impardonnable de sa profession: faire confiance trop facilement, laisser ses émotions prendre le pas sur la raison et surtout cesser de remettre ses points de vu en question.
Mais il était trop tard: le mal était fait et il se trouvé lié à elle, d'une manière ou d'une autre. Etrangement, les mensonges par omissions de l'elfe lui faisaient plus mal que ce à quoi il se serait attendu, sans réussir à vraiment comprendre pourquoi. Il avait déjà été trompé. Mais jamais ça n'avait fais ça. Pas aussi mal.
Elle était déjà passé entre les mains d'Enfant. Peut étonnant: l'Inquisition en avait envoyé dans de nombreuses contrés pour mesurer et préparer le terrain. Qu'elle ai réussi à leur échapper malgré ses blessures, dont les terribles cicatrices n'étaient qu'un pâle reflet, étaient en revanche plus surprenant et révélait des capacités encore plus grandes que celles qu'elle avait montré jusqu'à présent. En résultait également une haine qu'il pouvait comprendre, vu qu'elle nourrissait également sa propre race à l'encontre des autre: celle qu'on réservait à son bourreau.
Et pourtant... Elle ne l'avait pas menacé, s'était approché de lui en ami et lui avait même probablement sauvé la vie. La vérité était que...
- Je t'ai toujours aidé jusqu'à présent.
Exodus regarda l'elfe, puis sa lame, posée contre son cou. Il réfléchit quelques secondes avant de soupirer et de reporter son regard sur Lùthien, ses yeux révélant une véritable déception.
- Donne moi mon pistolet, dit-il d'un ton plus froid qu'il ne l'aurait voulu.
Elle lui rendit l'arme d'emprunt lentement, sans effacer son expression déterminée. Il retira alors la lame de sa peau pour la ranger à sa ceinture, inspecta l'arme à feu pour vérifier qu'aucune poussière ne s'y était invité, puis enfin le rechargea pour le rendre à Lùthien en lui présentant la crosse. Elle avait la l'occasion parfaite de tirer mais il doutait sincèrement qu'elle presse la détente.
- Tu risque d'en avoir besoin si l'on tombe dans une embuscade, lui dit-il d'une voix qui était de nouveau sous maîtrise. Trois tirs avant recharge, évite juste de les tirer à la suite ou le troisième partira carrément dans le plafond.
Il se retourna pour se pencher sur la carcasse de l'un des golems. Pensif, il passa la main sur le blason représentant un calice rouge peint sur le corps de métal de l'automate. Chacun avait la même marque, affichant clairement leur appartenance à un ordre particulier. A un groupe de défenseur, songea Exodus.
Il finit par se relever et indiqua de la lampe la suite du couloir.
- On devrait reprendre inverser la formation, toi devant et moi derrière. Tu y verra sans doute mieux que moi dans l'obscurité et la lumière de la lampe ne t'éblouira pas ainsi. Il faudra prendre garde où l'on met les pieds, dit-il ensuite en ramassant la poupée qui avait provoqué sa chute. D'ailleurs je me demande bien d'où se truc peut sortir. Qu'est-ce qu'un enfant ferait ici?
Il commença à avancer, voulant éclairer le début de la marche. Puis il stoppa, avancer de se retourner au trois quart pour contempler Lùthien. A moitié éclairé, celle-ci redevenait la jeune femme dont il avait apprécié la compagnie jusqu'à peu. Un air moqueur mais charmeur, un visage pâle mis en valeur par sa chevelure noire. Le manteau était trop grand pour elle et elle se débâtait avec celui-ci pour réussir à le fermer convenablement, ce qui le fit sourire. Un sourire qui s'estompa vite quand lui revint en mémoire l'ombre menaçante d'une immense prédateur noir. Il resta quelques instant à la regarder, pour finalement décider que tout cela pouvait bien attendre quelques heures, le temps qu'ils sortent de ce dédale. Le tout était de ne pas oublier cette odeur carnassière, ni ce qu'elle pouvait impliquer.
Ils se remirent alors à avancer le long du couloir.
- Au fait, finit-il par dire au bout d'un moment, à propos des golems... Merci.
Lùthien
Le plus dur était passé. S'il était clair qu'il ne lui faisait plus confiance, il avait néanmoins conscience qu'il pouvait comptait sur l'elfe pour lui sauver la peau dans cette aventure. Lùthien avait gardé le pistolet en main bien qu'elle fasse plus confiance à ses propres armes. Elle n'avait pas relevé la remarque sur sa vision et avait simplement pris place devant le Répurgateur. Le manteau la gênait mais elle ne pouvait le quitter sans provoquer une esclandre. Et la fraicheur ambiante n'était pas propice à une balade en petite tenue. Quant à sa forme de loup, elle était à proscrire pour le moment, il n'était pas sûr qu'Exodus saurait se retenir face à cette incarnation.
Elle en était là de ses réflexions quand il la surprit en la remerciant. La Chasseuse ne put retenir un large sourire, qu'il ne vit pas puisqu'il était derrière elle. Cependant, il se sentit à sa voix.
De rien, je n'allais pas les laisser te découper, ça fait mauvais genre comme partenariat, répondit-elle légèrement. Et puis, si tu n'avais pas trouvé leur point faible, je n'aurai rien pu faire. Un prêté pour un rendu, conclut-elle philosophiquement.
Le couloir continuait sans embranchement. Régulièrement, peintures et gravures "égayaient" le sol, Lùthien les évitant soigneusement. Elle prenait garde à ne toucher à rien et ses sens étaient aux aguets. La poupée qui les avait mis dans cette situation périlleuse hantait la vision de l'elfe. Enfin, elle mit le doigt sur ce qui la gênait.
Elle était sale. La poupée. Fit-elle soudainement. Malgré que tout semble abandonné ici, il n'y a pas un grain de poussière. La poupée semblait sortir des bas-fonds de Galvorn. Or même l'endroit par lequel nous sommes arrivés respirait l'opulence et la grandeur. Soit il se trame des trafics étranges dans ces sous-sols, soit nous sommes encore plus attendus que nous le pensions.
Alors qu'elle finissait sa phrase, Lùthien s'arrêta brusquement, levant la main pour prévenir Exodus. La tête penchée, elle écoutait attentivement, sans s'en cacher à présent. Au fur et à mesure, de son poing fermé émergeaient des doigts : un, deux, trois, quatre, cinq... dix. Cliquetis d'arme, raclement de bottes, souffles retenus. Un détachement de défenseurs les attendait une vingtaine de mètres plus loin, après le coude sur la gauche qu'effectuait le couloir. Ce fut ce que l'elfe expliqua au Répurgateur dans un murmure.
Une stratégie?
Exodus tentait de faire le vide dans son esprit, laissant le corps et ses réflexes prendre les commandes. Il suivait Lùthien en silence, peut enclin à parler, se contentant de suivre ses indications quand à la marche à suivre, et plus certainement les faux pas à éviter.
Il ne voulait pas penser, évitait de réfléchir par tout les moyens. Il laissait la place à un esprit plus analytique, observant la disposition des lieux et des différents ornements. Plus ils avançaient et plus les lieux gagnaient en cachet: le couloir, sans aucune intersection et légèrement en pente, s'enfonçait toujours plus loin dans le noir, la lueur erratique de la lampe révélant peu à peu le changement des pierres et le ton des ornements. La couleur ocre de la pierre sableuse laissait maintenant place à une palette plus variée, jouant sur les tons bleu et blanc d'un marbre de qualité, rehaussé ça et là de spirale peintes d'un rouge poussiéreux. Les peintures se faisaient plus nombreuses et plus somptueuses, mais également plus traîtresse, camouflées pour certaines dans les mosaïques qui fleurissaient sur le trajet.
Heureusement pour eux, l'elfe parvenait à repérer toute trace de piège assez tôt et évitait ainsi au deux explorateur toute nouvelle confrontation. Le Répurgateur admirait la démarche souple de la jeune femme (bien que pour ce qu'il en savait, le terme "jeune" ne signifiait plus grand chose), qui conservait un rythme soutenu et à la fois prudent, maîtrisant chacun de ses gestes au milieu de cette toile mortelle. Exodus avait déjà travaillé avec des mercenaires allanthropes, elfes pour la plupart, et avait à chaque fois été obligé de saluer leur dextérité et la capacité à se mouvoir de manière si parfaite, comme seuls ceux qui domptaient leur corps au bout de plusieurs siècles pouvaient y parvenir. Evidemment, cette maîtrise ne leur apportait rien quand une balle loyalement tirée dans le dos venait signifier la fin de leur partenariat, mais il en découlait néanmoins un certain respect. Lùthien inspirait pour sa part plus que du respect: de l'admiration.
Et c'était bien là ce qui contrariait le Répurgateur, lequel essayait sans réel succès de se préparer au moment où son partenariat avec elle devrait prendre fin.
Quand elle se mit à lui parler elle ralentit quelques peu le rythme, ce qui laissa à Exodus l'occasion de s'approcher d'elle un peu plus près. L'odeur était toujours là, de plus en plus diluée mais encore reconnaissable, ruinant ses projets de calme pour ramener à la surface ses sens le plus possible aux aguets.
Elle lui parla de la poupée. Certes, la question se posait, mais le pour le Répurgateur ce n'était que secondaire. Il cherchait à identifier, à recueillir des renseignements, pas à stopper un quelconque trafic d'esclave ou d'enfant. Pas encore, en tous cas.
Alors qu'il s’apprêtait honnêtement à répondre à ses inquiétudes, elle stoppa nette et lui intima silencieusement de rester immobile, sans un son. Elle lui exposa la situation au bout de quelques secondes, alors que lui-même essayait de distinguer le moindre bruit en provenance du virage.
- Une stratégie?
Le Répurgateur réfléchit pendant plusieurs secondes avant de finalement éclairer une petite boite en acajou qui était accrochée à sa ceinture par plusieurs attaches, de manière à la choquer la moins possible. Une fois la fine boite ouverte, elle révéla trois fioles de la longueur et de l'épaisseur d'un doigt d'adulte, soigneusement séparées par de multiples couches de gaze blanche, maintenant les fioles en place. Il en sortit délicatement une et referma la boite avant de la montrer à Lùthien.
- Cette fiole, murmura-t-il à l'elfe, peut se briser au moindre choc. Si c'est le cas, elle libère en moins de deux seconde un important nuage vaporeux, particulièrement irritant pour les voix respiratoires, et un peu moindre pour les yeux. Le nuage se dissipe en une quinzaine de seconde, mais c'est plus que suffisant pour rendre un homme en pleine santé aussi maladif qu'un mioche, et ce pour une bonne minute, même avec un mouchoir devant le nez. Seule solution: ne pas respirer. Ne me demande en revanche pas avec quoi c'est fait, seul notre Archiviste est au courant, que l'Unique soit loué. Bref, si l'on jette ça à leur pied et qu'on laisse agir pendant quelques secondes avant de se jeter, on devrait pouvoir prendre l'avantage, voir même un prendre un vivant. Evidemment, il faudra retenir notre respiration et s'attendre à ce que nos yeux piquent un peu, mais c'est la seule solution si l'on veut avoir l'avantage de la fumée en plus du reste. Il plaça alors la fiole entre les doigts surpris de Lùthien. A toi de la lancer: tu es plus discrète que moi et tu pourras t'approcher le plus près possible d'eux.
Elle le fixa quelques instants avant de sourire, puis partit lentement en direction de l'intersection, sans aucun bruit. Exodus admira encore une fois la grâce de son déplacement, bien que cette fois on pouvais y voir comme une sorte d'empressement. Le Répurgateur, étrangement, avait autant confiance en elle que dans ce qu'elle tenait en main: la fiole avait été soufflé par Teclis en personne, un chef-d'oeuvre de finesse composée de deux parois ultra-fine séparant deux produit chimiques dont seul Teclis avait le secret (mais dont Exodus soupçonnait la présence de Munster dans au moins l'un des deux), et qui une fois mélangés produisaient cet effet si particulier.
Lùthien pris quelques secondes pour jauger la distance des défenseurs, puis passa rapidement le bras de l'autre côté du mur. Un bruit de verre brisé se fit entendre et Exodus rejoignit Lùthien jute à temps pour la retenir, alors que quatre coups de feu étaient tirés en direction du mur. Lorsque le nuage d'un gris olive passa alors l'angle du couloir, les deux combattants se ruèrent à l'assaut.
Lùthien
La fiole lancée, Lùthien se sentit retenue par Exodus qui l'avait rejointe. Faisant autant confiance à son partenaire qu'à son instinct, elle se laissa reculer en même temps que des détonations sèches se faisaient entendre. En quelques secondes, un nuage gris olive les entoura et les deux explorateurs se ruèrent à l'assaut.
L'elfe retint son souffle en plongeant dans la cohue. Elle ferma aussi les yeux, le Répurgateur l'ayant prévenue des effets de la fumée. Très sensible, Lùthien préférait encore se fier à ses autres sens que d'être perturbée par des yeux larmoyant et inutiles. L'escadre qui les attendait se composait maintenant de dix hommes toussant, nauséeux et aux yeux gonflés d'irritation. Ses dagues en main, la Chasseuse attaqua rapidement les deux premiers hommes sur sa gauche, armés de fusil. Ils ne la virent pas venir et furent proprement égorgés. Malheureusement pour Exodus et Lùthien, leurs adversaires n'avaient pas été assez bêtes pour rester collés les uns aux autres. Tous n'étaient pas touchés au même degré par l'étrange mixture et l'espacement entre chaque homme rallongeait le temps de combat. L'elfe hésita une seconde à se transformer à nouveau mais elle tenait à ménager la susceptibilité de son compagnon à son sujet. Aussi se contenta-t-elle de se débarrasser d'un mouvement d'épaule du lourd manteau d'Exodus qui la gênait pour combattre.
Trois hommes, lame à la main, s'approchaient d'elle. Leurs yeux à demi-fermés s'écarquillèrent sous l'effet de la surprise quand l'elfe se retrouva nue devant eux. Cette infime hésitation signa leur mort. Souplement, Lùthien bondit sur celui du milieu dont elle trancha la gorge avant de l'envoyer sur l'homme à sa gauche. Profitant de l'impulsion que le mouvement lui donnait, elle plongea sa dague dans la poitrine de l'adversaire de droite et revint achever celui qui se retrouvait empêtré dans le corps de son camarade. De son côté, Exodus avait éliminé les deux autres porteurs de fusil. Il était heureux pour eux que le détachement ne soit pas plus puissamment armé car, malade ou pas, les tireurs leur auraient causé beaucoup d'ennuis.
Même si elle pouvait en principe retenir son souffle pendant quelques minutes, le fait de combattre obligea Lùthien à reprendre sa respiration alors qu'il restait encore trois des attaquants. Aussitôt, l'air lui déchira les poumons et lui retourna l'estomac. Les hommes du détachement qui étaient resté à l'arrière remarquèrent tout de suite son malaise et convergèrent rapidement vers l'elfe. Ils ne semblaient pas atteints par les fumées qui n'avaient pas dû les atteindre. Elle les entendit prendre une longue inspiration avant de se jeter sur elle.
Ses muscles lui paraissaient mous et sans ressort. Son esquive fut lente et maladroite. Heureusement qu'elle combattait des hommes et non des gens de son peuple car cela lui aurait été fatal. Une lame s'enfonça profondément dans son flanc droit alors que sa dague coupait l'artère fémorale de l'homme sur sa gauche. La douleur et la nausée la firent ployer. Les pas d'Exodus s'approchant lourdement, lui aussi devait à présent être sous l'effet de la mixture lui suggérèrent de rouler à terre. Deux détonations rapprochées s'entendirent, suivies du bruit de deux corps s'écroulant.
Enfin, seuls les halètements des deux compagnons résonnaient dans le couloir. Toujours sans ouvrir les yeux, Lùthien gémit :
Faites-moi penser à ne jamais rencontrer votre alchimiste, il fait des choses ignobles. C'est un peu trop efficace.
La main sur son flanc, compressant tant bien que mal la large blessure, Lùthien se redressa en grimaçant.
J'espère qu'au moins ces hommes défendent quelque chose qui en vaut le coup. Pour des souterrains abandonnés ils sont un peu trop fréquentés à mon goût.
Exodus avait traversé le nuage en maudissant intérieurement Teclis, les Archiviste en général et ses propres idées fumeuses, au sens propre comme figuré. Lùthien s'était élancé en même temps que lui mais bien plus vite et il avait eu du mal à suivre son rythme, d'autant plus que le nuage ne lui permettait pas de voir à plus de trente centimètres. Il était tombé nez à nez avec un premier tireur, occupé à recharger son arme, et s'était contenté de lui planté une longue dague dans le torse jusqu'à la garde. L'homme enturbanné s'était alors écroulé en avant, sans un bruit. Un toussotement trahit le tireur suivant, qui avait presque fini sa recharge. Exodus, dont les yeux commençait déjà à piquer et pleurer, avait alors foncé sur son adversaire, le transperçant de par en part avec Anathème tout en poussant droit devant lui pour sortir du nuage (et au passage se servir de sa victime comme de bouclier, si d'aventure il restait des tireurs). Lorsqu'il avait émergé de l'irritante fumée, il avait aperçu Lùthien, laquelle achevait un ennemi qui venait de lui porter un violent coup au flanc, et surtout les deux derniers soudards qui s'apprêtaient à se jeter sur elle. Lâchant la garde d'Anathème et laissant sa seconde victime tomber au sol, la lame toujours au travers du corps, il saisit les deux pistolets fixés à ses bandoulières et, priant pour que sa visée soit juste malgré ses larmes, pressa les détentes.
Lorsqu'il aspira violement en s'approchant de Lùthien, qui s'était instinctivement jeté à terre lors de son intervention, il ne pu réprimer une violente quinte de toux. Ses yeux avaient beaucoup souffert du nuage, et la privation d'oxygène était éprouvante sur une période aussi intense. Il vint se mettre à côté d'elle, pour une fois peut regardant à l'égard de sa nudité, et toussa de plus belle en essayant de rire lorsqu'elle fit mention des talents de Teclis. Les yeux rouges et inondés de larmes, il ouvrit de nouveaux la petite boite accrochée à son flanc et en tira une nouvelle fiole qu'il présenta à l'elfe.
- Nous somme sans doute tombé en pleine saison touristique, toussa-t-il à la dernière remarque de sa camarade. Dis-moi, c'est bien une fiole jaune? Je n'arrive même plus à voir mes mains.
L'elfe acquiesça en examinant la petite fiole dont le verre teinté citron présentait d'étrange reflet à la lueur des torches qui parcouraient le mur. Etrange, nota-t-elle au passage. Jusqu'à présent, les couloir étaient restés plongés dans le noir. Le Répurgateur ne pouvait de son côté pas observer ce détail, occupé qu'il était à se frotter vivement les yeux de sa main libre.
- Parfait, alors tu vas en boire le contenu. Ca te permettra de supporter la douleur, à défaut d'aider la cicatrisation. Et ne t'inquiète pas, il n'y a pas d'effet secondaires, je n'ai pas l'intention de te droguer, réussi-t-il à dire avec un sourire qui disparu aussitôt derrière une violente toux.
Cela était vrai à condition de ne pas considérer l'euphorie et l'adrénaline comme des effets secondaires, évidement. De plus, Exodus était curieux de savoir si une quelconque réaction spécifique était à prévoir lors de l'ingestion du produit sanctifié par quelqu'un comme Lùthien. Peut-être de quoi infirmer ou confirmer ses doutes.
Si réaction il y eu, alors il n'en sut rien. Ils restèrent assis quelques instant l'un à côté de l'autre, suffisamment éloigné du nuage, attendant que ses damnés effets ne se dissipent enfin. Au bout de trois minutes, les yeux du Répurgateur finirent par retrouver leur utilité et celui-ci se mit alors debout, la main devant la bouche pour étouffer un dernier toussotement. Il se dirigea alors vers les corps des hommes blanc et bleu, récupérant ses armes et nettoyant le sang qui entachait les lames sur leurs habits auparavant immaculés.
- Bon, on s'en est sortit vivant, c'est déjà ça. Dommage qu'on ai pas réussi à en récupérer un seul de vivant, dit-il en donnant un coup de botte dans un des hommes sur lequel il avait tiré.
La patrouille avait été exterminé avec une efficacité effrayante. Toute les victimes de l'elfe avait été tué d'un seul coup net et précis, et avec une rapidité étonnante, même pour son espèce. Je ne pouvais rêver d'une meilleure alliée pour cette mission, songea Exodus en la regardant replacer son lourd manteau sur ses épaules nues, non sans satisfaction. Ni de plus dangereuse.
- Je propose de continuer en suivant les torches, finit-il par dire. Vu que tu es blessé, mieux vaut inverser les positions, au moins pour un temps. Et puis avec cette éclairage je devrais mieux y voir qu'avant. Si tu as besoin que l'on se repose, avertis-moi de suite.
A vrai dire, il s'inquiétait pour elle, rapport à l’impressionnante blessure qu'elle avait reçue. Hélas, ils ne pouvaient se permettre d'attendre plus longtemps: si une nouvelle troupe venait à les rattraper par l'autre côté, il n'auraient sans doute aucune chance d'en réchapper. La seule solution était de mettre le plus de distance entre eux et d'éventuel poursuivant, quitte à se jeter sur des patrouilles qui, elles au moins, ne s'attendraient pas à les voir arriver.
Ils marchèrent un long moment sans rencontrer de patrouilles supplémentaires. Les lieux étaient de plus en plus décorés, le tunnel s'élargissant et laissant apparaitre des éléments nouveau tel des colonnes ou des niches, et les chausse-trappes furent étonnamment moins nombreux. Enfin ils finirent par arriver à une intersection, où ils durent se glisser dans l'une des niches pour se cacher au dernier moment de l'arrivée d'un patrouille d'au moins une demi-douzaine d'homme. Ceux-ci passèrent en silence, à l'exception d'un sanglot d'enfant, qui résonna longtemps après que les gardes eurent disparu derrière un virage.
Les deux compagnons les suivirent à pas de loups, espérant ne pas rencontrer de nouveaux hommes arrivants en sens inverse. C'est au bout de dix nouvelles minutes que Lùthien fit alors remarquer un bruit de fond de plus en plus persistant, comme une foule au travail. C'est en se dissimulant d'une nouvelle patrouille qu'ils parvinrent à en identifier la source.
Ils se glissèrent en effet dans une niche qui se révéla être un ancien couloir désaffecté, qu'ils suivirent en courbe sur une vingtaine de mètres avant de tomber sur un mur de brique scellant le passage. Toutefois, plusieurs briques avaient été décelées par le temps ou des coups répétés, et ils virent alors une salle immense au travers des orifices.
Celle-ci était à la fois décorée avec soin et faste, un marbre rouge dallant le sol tandis que des colonnades peintes soutenait une voute aux milles couleurs, et les murs couverts de tapisseries . Des meubles de bois rare occupaient ça et là les angles et les murs, les panneaux de bois recouverts de dorures et incrustés de pierre précieuse. Puis se succédait les statues, les jarres débordants de richesses, les tapies et autres butins qui s'amoncelaient de manière de plus en plus anarchique, formant des monticules plus haut que deux hommes.
Naviguant entre ces amas de richesses, des hommes en blanc trainaient avec eux de nouveaux échantillons de richesses, butins durement gagnés, à défaut d'être légalement obtenus. Et parmi ses richesses, certaines étaient enchaînées. Dirigés par des matons qui usaient du fouet comme des insultes, ils étaient ensuite parqués dans un des angles de la salle, où se regroupaient pas moins d'une cinquantaine de jeune gens, aucun n'ayant apparemment plus de vingt ans. La majorité était même clairement composé d'enfants.
Enfin, trônant sur une large esplanade accessible par un escalier de bois, une large table de bois et de pierre était entourée par une dizaine d'hommes et de femmes aux vêtements richement décorés, mais toujours à dominante blanche et bleue.
- Je crois qu'on est tombé sur quelque chose de gros... Très gros, dit Exodus en mesurant mentalement la taille de la pièce. Ce lieux serait parfait, songeait-il: propre, spacieux. Meublé, même. Et fournit avec ce qui semblait être un capital fixe plus que raisonnable. Le problème était les quelques parasites qui semblaient avoir investit la place. Il posa un regard sur Lùthien: ton avis sur la situation?
Lùthien
Si l'elfe avait paru suspicieuse devant la fiole jaune, elle l'avait bu sans rien dire. Tout de suite, une drôle de chaleur l'avait envahie. La douleur avait reflué, lui permettant de se redresser sans grimacer. Lùthien avait alors suivi Exodus sans rien dire. Et il était bon qu'il soit devant, ne remarquant pas ainsi les transformations qui agitaient sa compagne. Si les effets secondaires étaient l'euphorie, et elle avait effectivement envie de rire bêtement devant certaines scènes, l'adrénaline qui courait dans ses veines avait un effet plus difficile à cacher : sous les assauts de l'hormone, le loup remontait et Lùthien peinait à maintenir une apparence anodine. Concentrée sur la jugulation de la transformation, elle était heureuse que ce soit le répurgateur qui ouvre la voie et repère les pièges. Elle en aurait été incapable. Pour le moment, seuls ses ongles, beaucoup trop longs, et ses dents, qui menaçaient de devenirs carrément proéminentes, trahissaient sa nature. Mais il ne faudrait pas grand chose pour que les changements s'accélèrent sans qu'elle puisse les retenir.
Quand ils arrivèrent dans le réduit permettant l'observation de la grande salle d'apparat, comme Lùthien avait décidé de l'appeler, l'excitation qui la parcourait monta encore d'un cran. Elle savait qu'elle allait devoir libérer cette tension et seul un carnage pourrait la soulager. La fiole avait réveillé la bête assoiffée de sang qui dormait en tout être vivant et, aidée par la nature du démon l'habitant, réclamait son dû. L'elfe répondit avec difficulté, d'une voix grave et gutturale.
Je déteste vraiment cet alchimiste... Tu vas vite connaître mon avis et tu vas sûrement le regretter...
A peine ces mots sortis de sa bouche, Lùthien acheva sa transformation. Elle avait eu la présence d'esprit de se défaire du manteau d'Exodus juste avant, lui évitant de disparaitre, et celui-ci avait pu noter que la profonde blessure à son flanc était quasiment refermée. Juste avant de noter la boule de poils noirs qui défonçait le mur d'un coup d'épaule monstrueux et atterrissait au milieu de la salle, semant la panique et l'effroi.
Quand Exodus la rejoignit d'un bond, la louve avait déjà éventré la quinzaine de gardes qui trainaient les lourdes richesses et les esclaves pleurant. Du sang maculait les murs et le sol, les pattes et le museau de la bête. Afin de dépenser un maximum d'énergie et d'adrénaline, Lùthien avait pris la taille d'un poney environ. Cela lui avait permis de garder un certain contrôle, notamment sur sa lucidité afin d'éviter de tuer tout le monde sans distinction. Elle hurla vers le répurgateur, d'un ton rageur :
Ne me donne plus jamais rien sans me dire ce qu'il y a dedans !
Et elle fonça sur le groupe de personnes richement vêtues qui s'étaient rassemblées derrière la table, dégainant épées et pistolets. Les balles fusèrent à ses oreilles tandis que le bois de l'imposante table volait en éclat sous le poids de la louve. Elle allait les massacrer pour évacuer sa rage dûe autant à l'alchimiste des Enfants de l'Unique qu'à la présence de ces enfants enlevés à leurs familles.
- Je déteste vraiment cet alchimiste... Tu vas vite connaître mon avis et tu vas sûrement le regretter...
Exodus n'avait pas eu le temps de se poser plus de questions que déjà le mur de briques volait en éclat et qu'un boulet noir et furieux atterrissait avec fracas au milieu de la salle et de ses richesses, éparpillant ces trésors aux quatre vents, ainsi que leurs gardiens.
Le Répurgateur regarda incrédule le vide qui occupait maintenant ses côtés puis lança un bref coup d'œil à sa réserve de fiole. Par l'Unique, il n'y avait là dedans que des produits sains! Enfin, presque sains. Enfin, d'après Teclis. Ou plutôt d'après l'ouverture d'esprit au combien importante de l'alchimiste quand il s'agissait des effets secondaires...
Avec un frisson à la pensée du nombre de fois qu'il s'était servie de ces fioles pour son usage personnel, Exodus se promit de ne plus y toucher avant d'avoir fait cracher à l'Archiviste leur composition dans le détail (sauf la petite violette, là, celle qui avait un si bon goût de caramel et sentait la groseille malgré l'étiquette "détachant pour métaux").
Il essaya de se focaliser sur le monstre C'était un ombre folle, impossible à fixer tant elle était rapide à passer d'un tas de trésors à un autre. Seule la permettait de la suivre une trainée sombre comme la nuit, qui était presque immédiatement suivie par des hurlements et des giclés carmins. Une boule le saisit à l'estomac lorsqu'il aperçue enfin le bête, le temps d'un battement de cœur, avant qu'elle ne s'élance à nouveau. La forme qu'il pensait avoir imaginé durant l'affrontement contre les golems lui revint en tête avec violence, et avec elle des souvenirs anciens accompagnés d'une sourde douleur au poignet.
Il sortit sa rapière et se jeta alors à la suite de la... créature, à défaut d'une définition plus appropriée, bien décidé à reprendre le contrôle de la situation, ainsi qu'à clore les vieilles histoires. Plus facile à dire qu'à faire en réalité: la grande salle était devenue un chaos sans nom et déjà plus d'une dizaine de corps (ou tout du moins quelques morceaux les composant) était éparpillé un peu partout au milieu des monceaux d'or et de joyaux. Les esclaves hurlaient de peur, certains tentaient de s'échapper par les couloirs mais la majorité restait pétrifiée, blottie contre les colonnes ou les sculpture, et les fuyard étaient vite repoussés par les nouveaux hommes d'armes qui arrivaient des couloirs latéraux.
Hélas pour Exodus, certains d'entre eux s'étaient rendu compte qu'il ne ressemblait pas à un esclave et qu'il serait surement plus facile à tuer que le monstre. Il eu juste le temps de se jeter de côté pour éviter de se trouver empalé par une lance à pointe large, laquelle frôla sa joue de bien trop près à son goût. Il dévia la hampe avant que l'enturbanné n'eu le temps de retrouver son amplitude de frappe et gratifia se dernier d'un coup de couteau au travers de la gorge, couteau qu'il lança dans le sternum d'un second combattant qui se jetait sur lui. Celui-ci tomba sur le dos en braillant, et le Répurgateur acheva ses souffrances en plantant Anathème droit dans son cœur avant retourner poursuivre la créature.
Lorsqu'il la rejoignit, celle-ci avait la forme d'une louve à la taille aussi improbable qu'effrayante, entouré de ce qui était il y avait encore quelques secondes des hommes d'armes intactes et surtout en seul morceau. La louve tourna dans sa direction un mufle d'où s'écoulait un sang épais.
- Ne me donne plus jamais rien sans me dire ce qu'il y a dedans !
Elle s'élança ensuite d'un bond en direction de l'estrade, laquelle abritait ceux qui semblaient être les maitres des lieux et qui ne savaient où fuir.
- Comptes là-dessus, murmura Exodus avec un regard vengeur, tu peux être sûre que la balle sera en plomb bénie et rien d'autre.
Il se mit au trousse de la louve mais n'eu pas le temps d'atteindre l'escalier que déjà une partie des renforts convergeait vers lui. Il vit deux hommes lever leur fusil à rouet, et constata à grande peine l'absence totale de couvert. A moins que... Il saisit par l'épaule l'un des esclaves qui gémissait le long des marches et le dressa devant lui avant de charger en direction des tireurs, l'esclave hurlant et gesticulant. Sans doute surpris, ces derniers lâchèrent leurs coups avec précipitation, un plomb atterrissant dans l'épaule gauche de l'esclave et l'autre partant s'enfoncer dans le bois de l'escalier. Exodus lâcha l'esclave devenu inutile, lequel s'écroula au sol en pleurant, et fonça vers les deux hommes qui jetaient déjà leurs fusil pour saisir leur sabre. Le premier n'eue pas le temps de sortir son arme car déjà la main gauche du Répurgateur lui avait percé le haut du cou. Le second lança un assaut ascendant qu'Exodus para de sa rapière tout en se déportant sur la gauche. L'homme revint avec un coup de taille sur le flanc droit, auquel l'Enfant opposa sa lame basse et, prolongeant le mouvement pour se trouver derrière lui, planta sa main-gauche dans le dos de son adversaire. Celui-ci tomba à genoux en lâchant son sabre, tentant désespérément d'attraper la dague dans son dos, avant qu'Exodus ne la retire d'un coup sec et le pousse à terre d'un coup de botte.
Sans un regard pour l'esclave au sol qui tenait son épaule en pleurant et gémissant (le remord aurait impliqué l'absence d'oreilles modèle extra-longues), il retourna vers la mezzanine. Il trancha toute fois les liens ce ceux qui étaient encore groupé aux pieds de l'escalier et les incita à prendre des armes. Avec un peu de chance, ils divertiraient les gardes assez longtemps...
Montant les marches quatre à quatre, il finit par tomber sur une scène de carnage. La louve avait déjà éventré la moitié des résidents, et les quelques survivant reculaient le plus loin possible de ses crocs, leurs armes pitoyablement dirigées vers la bête.
D'un point de vue professionnel aussi bien que personnel, Exodus se moquait bien de leur mort. Le trafic d'esclave était une chose exécrable et illégal, mais c'était là le boulot des agents municipaux et des gendarmes, pas d'un Inquisiteur. Si encore l'un d'eux avait fait des signes bizarres en parlant une langue perdue, là oui, ce serait son domaine, mais dans l'état actuel des choses ses vœux dirigeaient plutôt son attention sur la louve de la taille d'un petit cheval qui grondait en direction des futurs repas. Toutefois, l'Enfant avait pris confiance qu'il ne pourrait efficacement affronter toute une horde d'hommes en armes, même avec "l'assistance" de la louve. Il leur fallait une sortie de secours. Des otages, par exemple...
Il se jeta entre Lùthien et les dignitaires, braquant un pistolet en direction de son mufle.
- Pas ceux-là, la bête! On en a encore besoin pour sortir d'ici! Si tu en veux d'autres, il y en a plein qui arrivent depuis les galeries, amuses-toi avec eux.
L'envie de tirer était forte. Très forte. Mais il fallait d'abord penser à survivre. Survivre, et faire en sorte que le démon ne suive pas le même chemin.
Lùthien
La frénésie retombait lentement. Lùthien gardait suffisamment l'esprit clair pour entendre ce que lui dit Exodus. La louve abandonna donc les quelques esclavagistes encore vivants et fusa jusqu'aux renforts qui tentaient de les déborder. Au passage, elle décapita un garde qui tentait de contenir les esclaves en fuite, n'hésitant pas à les frapper. La rage flamba à nouveau dans le regard de Lùthien et ce fut avec une ardeur décuplée qu'elle faucha le premier rang de soldats qui arrivait.
Ils étaient une vingtaine à avoir surgit des couloirs. Comme pour lui faire plaisir, ils s'étaient regroupés afin de faire face au démon. Lùthien se jeta dans la mêlée avec délectation. L'adrénaline due au combat et à la fiole de l'alchimiste se mélangeait à sa haine personnelle envers ces espèces de cloporte qui achetaient et vendaient des vies comme du pain. Malgré sa taille, elle était très rapide. Pourtant, toute occupée à tailler en pièces ses adversaires, elle n'évita que peu des coups qu'on lui administra. Son pelage noir était poisseux de sang, aussi bien du sien que de ses victimes. Elle s'en fichait éperdument. D'une part, ce n'était que des égratignures et elle n'aurait aucun mal à en guérir. D'autre part, elle sentait dans le moment qu'elle vivait comme un parfum de confrontation finale. La louve n'avait pas besoin d'être télépathe pour sentir tout le bien que le Répurgateur pensait du démon qui était à ses côtés. Elle sentait bien qu'il guettait l'occasion de s'en débarrasser. Pour autant, il n'était pas bête au point de le faire avant que la situation ne soit sous contrôle.
En une dizaine de minute, la bête eut nettoyé les derniers soldats vivants, le flot s'étant tarit rapidement. Il fallait bien que ça arrive à un moment ou un autre. De son côté, Exodus avait rassemblé les esclavagistes, tremblant de stupeur et de terreur, les avait dépouillés de leurs armes et avait trouvé de quoi les attacher solidement, les mettant dans la même situation que leurs esclaves habituels. Il n'avait rien perdu du combat qu'avait mené Lùthien et il était prêt. Enfin, il le croyait. Car, à peine le dernier corps s'écroulait-il, que Lùthien était sur lui. Il se retrouva plaqué au sol, légèrement sonné. Il tenait toujours solidement ses armes.
Tu as de la chance d'être encore en vie. Et tu as surtout de la chance que je ne sois pas l'un de ses simples corps habités par des démons. Mon esprit est plus fort que le sien. Mais il ne faut pas réveiller la bête assoiffée de sang qui dort en chacun de nous. C'est dangereux. Et encore plus quand elle peut s'incarner comme la mienne. Je me demande à quoi ressemblerait la tienne si tu avais cette possibilité...
Les mots étaient sortis rapidement et clairement, preuve qu'elle avait toute la maitrise de son corps. Et le ton pensif qu'elle employa sur la dernière phrase contenait de multiples sous-entendus.
La prochaine fois, emmène-moi dans un endroit plus calme et je te montrerai qu'il y a des façons plus agréables d'éliminer son adrénaline...
L'intonation, à la fois ironique et suggestive, laissait surtout entendre deux choses : d'un part qu'elle n'avait aucunement l'intention de tuer le Répurgateur, quoi qu'elle puisse penser des engeances des Enfants de l'Unique; d'autre part, qu'elle pensait pouvoir s'en sortir indemne. C'était ce qui pouvait paraitre le plus choquant. Était-elle donc si naïve qu'elle puisse penser qu'Exodus n'allait pas la tuer? Ou bien savait-elle qu'il ne pourrait pas? Effectivement, Lùthien savait qu'elle pourrait s'en sortir. Elle pourrait s'enfuir avant qu'il ne lui porte un coup fatal. Et elle savait aussi qu'il était difficile de lui porter ce coup.
Ne songe pas trop à me faire la peau, Exodus. Je ne suis pas si différente de toi que tu le penses. Certes, j'ai les oreilles pointues et j'ai l'étrange don de pouvoir me transformer en loup. Ce qui, soit dit en passant, t'as beaucoup rendu service... Mais comme tout don, ou malédiction, ou comme tu voudras l'appeler, il y a un revers.
Au fur et à mesure qu'elle parlait, les yeux fixés dans ceux du Répurgateur, son corps rapetissait, s'affinait et reprenait sa forme elfique. Processus parfaitement contrôlé qui pouvait s'arrêter ou reprendre dans l'autre sens dès qu'elle en sentirait le besoin.
Le rejet, même quand on protège. La méfiance, même de ceux qui nous connaissent. Et la haine, de tous ceux qui ont peur. Comme les Enfants de l'Unique. Dis-toi que si tu veux me tuer, il faudra être meilleur que le groupe qui m'avait capturée il y a près de 50 ans. Et qui ont amèrement regretté de n'avoir pas mieux su doser leurs drogues avant de faire leurs petites expériences sur moi.
Elle était redevenue normale, nonchalamment assise sur le ventre d'Exodus. Machinalement, à l'évocation de ses tortionnaires, elle passa une main sur le lacis de cicatrices boursoufflées qui parcourait son ventre.
Évidemment, ce n'est pas ton genre, tu es plus direct. Et même si je ne crains pas la mort, je ne suis pas bête au point de te dire tout ce que j'ai pu apprendre sur moi grâce à vous, Enfants de l'Unique. Toutefois, sache ceci, être béni par l'Unique n'a strictement effet sur moi.
Elle doutait que son discours affecte réellement le Répurgateur. Elle avait maintenu une pression suffisante pour qu'il ne puisse l'interrompre physiquement mais tout se terminait maintenant. Parce qu'elle n'était pas venu ici pour rien, Lùthien se pencha sur Exodus et posa délicatement ses lèvres sur les siennes, tout en relâchant la poigne qui le maintenait au sol. Il lui suffirait d'une seconde pour s'échapper et la même seconde suffirait à l'elfe pour s'enfuir.
C'est un monstre! Un démon, l'hôte maléfique d'une puissance lupine et impie! Et une elfe pour couronner les tout, un misérable allantrhope qui -
Oh, et puis merde.
L'Enfant ne fit rien pour retirer les lèvres de Lùthien des siennes, répondant même au baiser avec un entrain certain. Lentement, il lâcha l'une de ses armes et passa doucement sa main gauche dans les cheveux puis le long de la nuque de l'elfe.
Par l'Unique, on va se faire cramer pour ce coup là, lui hurlèrent toute les cellules de son corps. D'un autre côté, une superbe femme se tenait nue, assise sur ventre et occupée à l'embrasser. Les deux s'équilibraient sans doute, n'eut été ce maudit plastron. Foutue tenue régulière! Quoique, à bien y réfléchir, le pantalon réglementaire en cuir rigide n'était pas de trop.
Quand finalement il s'interrompirent, Exodus ne pu réprimer un sourire niai, qu'il essaya de virer charmeur sans grand succès, en partie à cause du rouge qui lui était monté aux joues.
- Cinquante ans, hein? L'honnêteté m'oblige à dire que j'en ai connu des bien moins conservée après une telle durée. Pas que ça me déplaise. En fait je crois même que j'apprécie assez la situation. Toutefois...
Le Répurgateur, toujours dos au sol, releva la tête pour jeter un coup d'oeil vers le lot de bandits enchaînés qui semblaient un brin déstabilisés par la tournure des évènements. Sans doute s'étaient-ils attendus à ce que le loup dévore le type au chapeau, au lieu de le bécoter.
- Toutefois je trouve qu'il y a un peu trop de monde ici. Il plongea son regard dans les yeux de l'elfe. Et bien que ça me fende le cœur - presque autant que mon code professionnel, en fait - j'ai bien peur qu'il ne faille nous relever et finir ce pour quoi nous somme venus. Mais je prend note de la proposition précédente sur l'adrénaline, fit-il avec un clin d'œil.
A contrecœur, ils se relevèrent, Lùthien cherchant de quoi sommairement se couvrir parmi les nombreuses pièces d'étoffes tandis qu'Exodus ramassait son arme, marmonnant malgré un sourire en coin dont il ne parvenait pas à se défaire. Les mots de la louve continuait à résonner dans sa tête, sans qu'il comprenne l'intérêt qu'il leur portait.
- Si avec ça je ne mérite pas mon nom, murmura-t-il à voix basse. Et puis faudrait pas oublier l'histoire du cimetière... Non, non, pas maintenant, après. Une fois tout ça terminée.
Il inspecta son pistolet, qu'il rechargea précautionneusement. Derrière lui, il entendait les gémissement des quelques esclaves encore trop apeurés pour avoir pris la fuite, ainsi que les glapissement de celui qui lui avait servit de bouclier. Ensuite de quoi il se dirigea vers les esclavagistes restants, sifflotant un air distrait, jouant vaguement avec ses armes.
- Bien, messieurs, mesdames, dit-il à l'adresse des cinq hommes et femmes restant, à nous maintenant!
Il braqua son pistolet sur l'homme le plus à gauche et tira, logeant une balle en plein front du prisonnier, sous le regard horrifié de ses compagnons. Un otage de moins? Pas grave, il en restait quatre. Et puis c'était toujours un témoin de la scène qui ne le gênerait plus en racontant ce qu'il venait de voir.
- Voilà, maintenant que je suis sûr d'avoir toute votre attention, nous allons pouvoir commencer notre petite session de questions-réponses. Et, à titre d'information, sachez que toute réponse erronée vous enverra rejoindre votre ami, dit-il en pointant du bout de son pistolet le cadavre encore chaud. Et que je laisse le choix de la manière à ma... collègue, juste derrière. Bien, première question: qui êtes-vous? Et c'est quoi le délire avec les calices rouges? Et on se dépêche, je vous prie.
Lùthien
Lùthien s'était calmement rhabillée, prenant son temps pour choisir des vêtements. Par égard envers le Répurgateur, elle se refit un turban qui cacha ses oreilles. Et si elle cachait beaucoup mieux son sourire satisfait que celui d'Exodus, tous ses mouvements l'indiquaient clairement.
Quand son compagnon abattit sommairement l'un des otages, l'elfe ne sursauta même pas. En vérité, ce qu'allaient devenir ces marchands d'esclaves ne l'intéressait même pas. Et comme il semblait désormais évident que les Enfants de l'Unique avaient l'intention de réquisitionner les lieux, leur intérêt comme cache lors des nuits de pleine lune diminuait nettement. Si beaucoup étaient adeptes de se cacher au milieu de leurs ennemis pour passer inaperçu, ce n'était pas une chose possible avec ces brûleurs d'allanthropes. Et elle ne pouvait sûrement pas compter sur une immunité quelconque à cause d'un baiser échangé avec un Répurgateur. D'ailleurs, si cette histoire venait à se savoir, son bel associé serait le premier à être brûlé vif. La louve, elle, aurait certainement plus de chances d'y échapper.
Laissant là ces considérations, Lùthien se concentra sur le groupe de survivants.
Et que je laisse le choix de la manière à ma... collègue, juste derrière. Bien, première question: qui êtes-vous? Et c'est quoi le délire avec les calices rouges? Et on se dépêche, je vous prie.
Alors que tous se regardaient nerveusement sans daigner sortir un son de leur bouche, l'elfe s'approcha de la seule femme restante tout en lâchant un rire cristallin porteur de tout le charme de sa race. En un instant, la femme perdit sa posture méfiante et apeurée et regarda les yeux dorés avec adoration. Lùthien caressa doucement la joue de sa victime.
Réponds au gentil monsieur, sussura-t-elle, ou bien tu regretteras qu'il t'ait laissée entre mes mains. Et sur le dernier mot, toujours prononcé de cette douceur exquise dont pouvaient faire preuve les elfes, elle laissa un profond sillon sanglant sur le visage de la femme, qui eut la sagesse d'esprit de ne pas glapir. La transformation avait été limitée à un seul doigt et si rapide que seul le résultat en était la preuve.
Totalement choquée par la manière brutale dont Lùthien avait rompu le charme, la femme ne pensa même pas à résister ou à biaiser.
Nous sommes les Kalahïs, descendant des fondateurs de Sûl-Nar.
Sa réponse fusa, nette et pleine de suffisance. Lùthien, elle, renifla de mépris.
Sûl-Nar est-elle tombée si bas que ses dirigeants secrets enlèvent des enfants ? Où vont-ils ?
Le fait que l'elfe sembla connaître l'histoire de Sûl-Nar déstabilisa un instant la femme qui répondit pourtant avec la même morgue.
Ce ne sont que des va-nus-pieds, pris dans les bas quartiers. Grâce à nous, ils servent la grandeur de notre cité !
Le regard plein de haine que lui lança l'elfe la fit se recroqueviller avant de préciser :
Dans les mines.
Lùthien échangea un regard perplexe avec Exodus. Comme elle, il ne semblait pas avoir connaissance de mines dans la région du désert.
Où ?
A Echoriath.
Vous envoyez ces pauvres enfants du désert dans les montagnes enneigées ?!
Lùthien s'en étranglait d'indignation. Déjà qu'elle ne portait pas dans son cœur les esclavagistes, et encore moins ceux qui prenaient les jeunes enfants à leur famille, pauvre ou non, mais la transplantation dans ce climat opposé devait finir de choquer ces pauvres hères.
A qui ?
La colère grondait dans la voix de l'elfe qui avait perdu tout son charme et se rapprochait dangereusement du grognement. Mauvais signe. La femme se fit plus petite encore et répondit d'une voix faible :
Au seigneur Tanrim.
Lùthien n'avait jamais entendu ce nom mais elle s'intéressait peu aux puissants. Toutefois, les pupilles d'Exodus s'étrécirent ce qui signifiait clairement qu'il le connaissait au moins de nom. Il montrait toutefois une certaine impatience parce que l'elfe avait sciemment omis de reposer la seconde question de son compagnon.
Pourquoi les calices rouges ?
Cette fois, la femme ne répondit pas tout de suite et coula un regard nerveux à ses trois compagnons d'infortune. L'odeur de peur qu'elle dégageait s'accentua fortement.
Parle ! Lùthien attrapa la femme par le cou et la souleva du sol d'une seule main. Un gargouillis s'échappa des lèvres de l'otage et l'elfe la reposa lentement au sol.
Pour la déesse...
Elle n'eut pas le temps de finir. Son cou se brisa avec un bruit sec. L'elfe n'avait pas besoin d'un nom. Que ce soit en Ter Aelis ou ailleurs, elle avait mille visages et mille noms mais une seule soif : celle du sang.
Sans un regard pour les derniers survivants, Lùthien s'approcha d'Exodus et lui murmura à l'oreille :
L'Unique aura son lot de blasphémateurs à brûler. Ça ne sert à rien d'essayer de les convertir, ils sont pourris jusqu'à la moelle. Tuer des enfants...
A nouveau, la douleur liée à cette perte transperça sa voix en la rendant atone.
Certains n'ont aucun respect pour la vie, c'est une chose que vous, les humains, ne comprenez que rarement.
Sur ces mots, elle s'avança doucement vers les enfants qui étaient serrés dans un coin de la pièce, totalement paralysés par les évènements. En la voyant approcher, ils se serrèrent encore plus et se collèrent au mur. L'elfe s'agenouilla devant eux et parla doucement.
Vous ne risquez plus rien pour le moment. Combien ont des parents qui les attendent dehors ?
Hypnotisés, gamins et adolescents levèrent une main timide. Environ la moitié de la vingtaine présents.
Et les autres, vous avez un lieu d'accueil sûr ?
La plupart hochèrent la tête, montrant un petit tatouage en forme de lune sur leur poignet gauche. Restait trois enfants. Dont les larmes coulaient sur les joues. L'un d'eux avait bien dix-huit ans pourtant, mais chez les humains, c'est encore si jeune.
Vous connaissez le Parc au mille Essences ?, demanda encore Lùthien. Tous sourirent. Allez voir la femme aux cheveux bleus et dites-lui d'où vous venez. Elle vous accueillera. Elle hésita un instant avant d'ajouter, Dites-lui que vous venez de la part de l'elfe aux yeux dorés.
Elle n'était pas sûre que de la nommer les aiderait mais cela pouvait peut être aider Lùthien à rentrer dans les bonnes grâces de cette femme qui l'impressionnait mais qui se méfiait d'elle. D'un mouvement de bras, elle indiqua la sortie aux enfants qui s'élancèrent en bloc.
L'elfe revint vers Exodus et plongea son regard dans le sien.
Je crois que nous en avons fini ici. Je connais une taverne discrète à Galvorn où la nourriture est très bonne et copieuse. Si tu n'arrives pas avec la cape blanche des Enfants, je suis sûre que personne ne saura qui tu es... Et puis, là-bas, ils n'auraient jamais l'idée de mettre les pieds dans une église...
Lùthien fit glisser sa main sur le bras du Répurgateur avec un sourire pétillant et plein de promesses.
23:29 - 28 nov. 2015
Chapitre II : Chemins tortueux.
Galvorn - La Taverne L* P*lace - Les ruelles.
19:11 - 29 nov. 2015
Chapitre III : le Calice sous la montagne.
Echoriath - Cendreval.
Le regard brûlant de haine de sa partenaire suffit a effrayer quelques instant Exodus. Il avait parfois tendance oublier à quel point elle était dangereuse, elle qui était capable de contrôler un démon sans âge en son corps. Il serra machinalement le manche de son arme mais parvint à lui susurrer, avec un sourire moins rassuré qu'il ne l'aurait voulu...
- Je serais exceptionnellement partant pour une méthode plus douce. Nous ne savons combien de gardes se caches encore dans les galeries, ni quelles sont les issues de secours possible. De plus, il reste encore des dizaines d'esclaves dans la grande caverne et les galeries secondaires, il faudrait prendre garde à ne pas les piéger... Il posa alors son regard sur un groupe d'esclave non-humain, qui comportait même un Hystang parmi eux. L'Enfant eu une moue dédaigneuse. Enfin, au moins une partie d'entre eux.
Regardant plus en avant autour de lui, il vit ce qui semblait être un ingénieur, manifestement nageant en plein drame de voir une si grosse partie de sa main d'oeuvre disparaître et se lamentant sur des plans qui allaient sans doute être reporté de plusieurs semaines. Il était accompagné d'un mercenaire à l'allure moins négligée que les autres, au tabard plus propre et dont le calice ressortait avec plus de fierté. L'homme devait être un initié plus avancé du Calice et le montrait. Exodus lui trouva une tête de sale con.
Il se déplaça à côté de Luthien de manière à présenter son dos aux deux hommes, puis lui murmura tout en regardant faussement en l'air.
- Fait semblant de me donner un ordre, lui murmura-t-il en et pointe du doigt l'ingénieur derrière moi. Je crois que j'ai une idée.
Lùthien ne lui montra pas d’étonnement ou d’hésitation, et jeta sur lui un regard dur avant de lui parler assez haut pour que tous l'entendent mais pas assez pour qu'il en saisissent la contenance. Exodus inclina docilement le chef et se dirigea d'un pas brusque vers l’ingénieur et son garde du corps. Lorsqu'il prit la parole, ce fût d'un ton sec et malhabile qui n'était habituellement pas le sien.
- Toi! Ma maîtresse veut... voir les installations! La sécurité, pour le sanctuaire! Elle veut connaitre les issues de secours, alors montre les nous!
L'ingénieur ne sût comment réagir pendant plusieurs secondes, mais en l'absence de Tanrim, il n'osait prendre d'initiative face à la grande prêtresse. Il les précéda donc, d'un pas presque fuyant, accompagné de son garde du corps mercenaire. Il guidait Lùthien au travers des galeries les plus larges, avertissant les esclaves de circuler au plus vite. Exodus marchait à peine trois pas derrière Lùthien, et il lu dans leur yeux la peur qu'il leur inspirait, de sa démarche, de ses armes et surtout de son tatouage. Les esclaves avaient appris à craindre le Calice, à juste titre.
Durant la marche, l'Enfant compta trois gardes pour tout un secteur. Les esclaves étaient au moins vingt, mais ils avaient des chaines alors que leurs gardiens avaient des épées, des haches et des armures. Et pourtant, si une panique venait à naître... les pioches et les chaines auraient vite fait de se révéler utiles de bien des manières.
L'ingénieur leur pointa du doigt enfin un large tunnel remontant en pente prononcée, tournant sur la gauche autour d'un lourd pilier de terre étayée sur toute sa hauteur.
- L'accès monte ainsi sur... sur les trois, niveau, en colimaçon. Il est trop pentu pour les chariots mais... mais il est renforcé et sont constamment laissés dégagé. Ordre du seigneur Tanrim...
L'ingénieur était trouillard et obséquieux tout à la fois, s'inclinant vers Lùthien presque tout les deux mots. Cette dernière fit alors un geste de la tête impérieux vers Exodus, qui enchaîna alors comme prévu.
- La machine? L'eau qui fait bouger la plateforme? Est-elle sûre?
- Oh, oui, bien sûr, je vous...
- Montre lui!
Le pauvre ingénieur se retourne apeuré et les guide de nouveau dans les galeries. Ils remontent ainsi quelques minutes, et la chaleur et l'humidité s'intensifie. Le Répurgateur fait tout pour mémoriser le trajet, mais les virages se multiplient et torturent sa mémoire. Enfin au détour d'un boyaux, ils débouchent sur une salle rectangulaire d'une dizaine de mètres, gardé par une mercenaire en arme à l'air froid et dont l’œil de verre se fixe sur les visiteurs non prévus. Sa main se pose sur le manche de sa hache, nerveusement. L'ingénieur lui fait un bref signe de la main et elle les précède alors dans la salle, un peu plus détendue.
La salle est suffocante. Un homme travaille torse nu sur une suite de levier et de manettes rustique. Le vacarme des rouages de la gigantesque machine qui occupait la caverne résonnent plus fort, rejoint par le bruit familier d'un cours d'eau souterrain. L'ingénieur les emmènent vers le font de la grotte, d'où est visible la ravine que parcours le violent torrent.
- Voyez, maîtresse... (courbettes), ce système nous permet d'alimenter la machine... des heures durant (courbettes, courbettes). Et ici, nous pouvons remplir ou vider les cuves qui servent alors à monter ou descendre les contrepoids de la plateforme... (courbettes de plus belle). Alors évidement il faut ajuster la force du courant et le débit, pour évider de noyer la machine ou de faire déborder les cuves... mais tout est sous contrôle, notamment grâce à cette écluse, vous la voyez? Vous comprenez bien... (courbette baisant les pieds), tout est sécurisé pour le... futur sanctuaire. Il est prévue également...
Exodus et Lùthien n'en perdirent pas une miette. Tandis que l'ingénieur poursuivait sont exposé, la tête du Repurgateur se couvrait toujours plus de sueur. L'atmosphère de l'endroit le faisait cuire. Le garde du corps et la sentinelle également, mais ils gardaient un oeil sur leurs visiteurs.
Exodus se redressa, tandis le cou pour essayer de faire entrer un peu d'air frais dans sa tenue, en vain. Il ne réussi qu'à faire couler la sueur de son crâne le long de sa nuque, qu'il essuya instinctivement. Lorsqu'il ramena ses doigts, il les vit rouges.
Rouges de l'encre de son calice factice.
Il croisa le regard du garde du corps qui contemplait sa main, l'air soudain encore plus renfermé.
Le sale con!
Exodus se jetta sur lui alors qu'il portait sa main à sa lame, et les deux hommes roulèrent aux sol. Un poignard était apparu dans la main du Répurgateur qui luttait pour bloquer le bras armé de son adversaire. L'ingénieur poussa un cri, absorbé par le vacarme ambiant, et tenta de fuir vers la sortie.
- Attrapes... Attrapes-le hurla Exodus à Lùthien, tout en luttant pour placer la pointe de son poignard sous le menton de son opposant. Ne le laisse pas partir!
Et déjà la mercenaire à l'oeil de verre avait tiré la hache qu'elle portait à la ceinture.