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30 janv. 2016 - 22:56

Mockbuster : Deadpool versus les papillons géants



L'attaque eut lieu sans préavis.

L'Amérique se remettait alors péniblement de son combat harassant contre les escargots géants, les célèbres Achatina fulica, des monstres implacables. Des erreurs de la nature. Il avait fallu six mois aux services municipaux de Miami pour tous les éradiquer et malgré l'action courageuse des fonctionnaires trois octogénaires avaient péri d'intoxication alimentaire. Les États-Unis étaient en deuil, sans compter que la liberté si chère au pays d'Oppenheimer avait été mise à mal. Les honnêtes retraités étaient privés d'escargots locaux, ils n'avaient pas le droit d'en manger ! Il fallait vraiment que ça aille mal.

Le deuil fut profané par d'ignobles papillons géants. Les conjectures allaient déjà bon train concernant l'arrivage inopiné d'animaux géants : peut-être que les radiations issues des tests nucléaires avaient réellement des conséquences sur la faune et la flore. Peut-être que Godzilla existait pour de vrai, auquel cas il faudrait atomiser à nouveau le Japon, pour préserver la paix et la liberté.

Ils débarquèrent au petit matin, alors que le beau soleil américain pointait le bout de ses rayons chaleureux. Sur le coup, j'eus une fugace pensée pour le film After Earth, dans lequel les animaux avaient repris les rênes de la planète. Mon rêve de devenir un ranger de l'espace, comme Buzz l'éclair, allait-il enfin s'accomplir ? Ou à l'instar de Jaden Smith mes sourcils me donneraient l'expression d'un chiot tristounet abandonné sur le bas côté de la route parce qu'il a eu des maîtres trop lâches pour s'occuper de lui jusqu'au bout ?

Ce petit matin-là, je prenais mon café dans un établissement correct, du genre Nighthawk d'Hopper. Oui, quand je m'ennuie je vais à des expos, vous feriez mieux de m'imiter, ça ne vous ferait pas de mal. Le patron ne voulait pas que j'effraie les clients avec ma peau, alors je mangeais mon repas le masque abaissé. Des larmes salées et ensanglantées percutaient avec rythme mon bacon. Je voulais être un vrai humain, moi. Avoir un père, comme tout le monde, et pouvoir m'allonger la nouille sans que ça vire nécessairement en parmesan.

Lorsque les papillons passèrent devant la vitrine le monde cria de terreur. Le monde devint terreur. Face à l'important contingent d'ennemis, je décidai de m'enfuir par l'ouverture au-dessus des toilettes que j'avais repérée comme fenêtre d'évasion possible quand j'étais allé poser ma pêche plus tôt. Pour sûr, c'était le caca le plus utile de ma vie. Heureusement, je n'avais repris que quatre fois des œufs au cochon fumé au-delà de toute raison, de sorte que je pus passer sans gêne.

Vous pouvez me juger. Vous pouvez vous moquer. Mais vous n'étiez pas là ; ces papillons géants étaient affreux. Leurs antennes démesurées me rappelaient mon dernier voyage en Thaïlande, mais si toutes les surprises que j'y avais trouvées n'étaient pas désagréables, j'y avais laissé un bout de mon cœur. Aaah, mon petit Montri, je ne t'oublierai pas. Leurs mille yeux m'accusaient ; j'y voyais les visages de mes précédentes victimes. Elles étaient légion, mes victimes ; ils étaient légion, les papillons. Ça ne rime pas mais ça vous donne un aperçu de la peur qui régnait ici bas.

Ils, les papillons toujours, larguaient derrière eux du pollen, comme autant de pets empoisonnés. L'air était empli de grosses particules jaunâtres, il neigeait des flatulences de papillons ! Sans toutes ces circonstances cela m'aurait fait rire. J'aurais twitté une blague super drôle dont j'ai le secret puis je serais allé parier sur Miloul, le chien affamé que le Gros Tony avait trouvé dans la cave de sa fiancée, dans son combat contre un coq, affamé lui aussi. Décidément.

Des mecs moururent (ou bien c'est « mourirent », ou encore « mourrirent » avec deux « r », je ne sais plus. De toute façon je ne comprends pas comment j'arrive à écrire en français alors que je suis un canadien anglophone) sur place d'allergie. Faut pas rigoler avec ça. Allez voir un docteur. Sérieusement, je déconne pas.

Bien vite et du fait de manque de moyens dans les décors, je me retrouvai parmi un groupe de survivants dans un centre commercial qui, étonnamment, n'avait pas été saccagé par des hordes de citoyens déviants.

On était neuf en tout : Scynthia (la blonde bien bonasse), John (le trentenaire à la barbe de trois jours qui allait faire office de héros), Tariq (le Pakistanais chauffeur de taxi qui parlait de façon aiguë), Darius (le black militaire intrépide qui allait caner en premier), George (le vieux cadre quinquagénaire mi-peureux mi-hardi), Bridget (la mère de famille casse couille qui chouine tout le temps), Melina (la brune qui allait devenir la copine de John le héros) et Scott (l'ados geek qui bavait aussi sur Scynthia et qui allait se la taper dans l'une des deux seules scènes où on voit un dos dénudé, l'autre étant réservée à John et Melina, les coquins).

Autant vous dire qu'on était pas dans la merde. Et c'est là où Darius eut la meilleure idée au monde : « Hey, les mecs, et si on se séparait ? »

Putain d'attardés. Et ils étaient d'accord avec lui ! Sûrement parce que comme moi ils savaient qu'il allait se faire buter dès le début et qu'il fallait donc lui faire plaisir au moins une fois avant qu'il ne soit trop tard. Ou alors c'est l'auteur qui est un sacré bâtard, j'hésite.

Le groupe se divisa en deux. Je m'étais tâté vite fait entre la troupe du héros qui allait trouver un moyen de détruire le nid des papillons géants ou la bande de la bonasse où ils allaient tous y passer.

Je choisis la bonasse.

Je suivais Scynthia dans la file, j'avais bousculé Scott d'un coup d'épaule (je crois que je suis en train de ken le scénar) et je regardais son cul en faisant des petits bruits de canidés en chaleur (c'est ma technique de drague favorite) quand un ÉNORME papillon géant s'est planté devant nous. Avec ses yeux globuleux et ses antennes hérissées il était le Diable réincarné.

Je n'avais jamais hurlé aussi fort et aussi longtemps de ma vie.

Aujourd'hui, je soupçonne que les ultrasons dégagés par ma douce voix de stentor avaient fait flipper le papillon qui était parti en battant des ailes et en laissant une traînée de poudre magique.

Darius gonfla de partout et il périt étouffé par sa propre langue (je vous avais prévenu que c'était nocif le pollen).

Là, Bridget avait commencé à me les briser en remettant, notamment, en question mon charisme de leader et ma santé mentale. Soit disant que j'étais un pervers pédophile parce que je me promenais en pyjama.

Je la compris rapidement : elle était mère de famille, elle avait peur que des détraqués fassent du mal à ses enfants. C'est ce que du moins la première voix dans ma tête disait. La seconde récitait des poésies sataniques en hexasyllabe. Je me sentais puissant et subversif, Salman Rushdie n'avait qu'à bien se tenir ! Je préférais écouter la plus méchante des voix, elle m'inspirait plus confiance.

Je perdis un peu les pédales après cela, je dois l'avouer, et je préfère passer sur les détails qui m'amenèrent à rejouer des scènes de Saw avec les membres de mon groupe. Ils n'étaient pas si innocents qu'on pouvait le croire à première vue. Tout ça pour dire qu'à la fin il ne restait plus que Scynthia et moi.

J'allais lui prodiguer quelques soins, la pauvre était en état de choc avancé, mais apparut ma Némésis : un papillon géant.

Il était temps pour moi de l'affronter. Ce serait mon boss final. Peut-être qu'un papa sans enfant m'observait et voudrait bien m'adopter en découvrant toute l'étendue de mes talents.

Mère Nature versus Deadpool.

J'hurlai à nouveau, cette fois pour me donner du courage. Mon psy dit que j'en manque souvent. Je vidais mes chargeurs de 9mm dans la direction du papillon. Une bonne partie des balles passèrent à côté de lui car je tirais en fermant les yeux. Une maladresse de débutant que je ne faisais plus mais qui avait ressurgi face à ce papillon maudit.

En les ouvrant, je constatai que j'avais tout de même le mérite d'avoir troué ses ailes démoniaques, mais la bête vivait encore. Son corps était vierge de toutes blessures.

Attrapant mes katanas, je pris sur moi afin de terminer mon œuvre. J'en fis du sushi.

Ensuite, je nous trouvai une chambre à Scynthia et moi. Bien qu'elle fût encore inconsciente.

Le lendemain au réveil, des milliers de papillons géants jonchaient le sol. M'est avis qu'ils ne supportaient pas notre atmosphère ou alors John et Melina avaient vaincu la reine-papillon et fait exploser le nid.

Sacrée journée. Sacré pays.


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Message posté le 23:18 - 30 janv. 2016

Waow !!


Quel brio, quelle imagination.

Mais d'où vous viennent toutes ces idées malsaines et subversives et intransigeantes ?


Le coup du casting est vraiment un véritable morceau de bravoure.

J'aime beaucoup ce que vous faites.



"J'ai une âme solitaire"
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Message posté le 15:38 - 3 févr. 2016

Ah ah : plus transgressif que subversif, ce texte. Assez drôle, même si les scènes de caca et de pets de papillon ne sont sans doute pas les éléments les plus hilarants du textes. Ils ne sont d'ailleurs pas nécessaires à l'absurdité dans le ton général de ta nouvelle. J'ai quand même rigolé pour le reste !

En revanche, tu n'as pas fait qu'écrire à propos du caca, t'en as aussi écrit, orthographiquement parlant : "j'étais allé posé". Hop, hop, hop, on corrige.


Plus qu'ailleurs, ici.
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Message posté le 07:57 - 23 août 2016

Bon, avouons-le, l'explication de la défaite des méchants papillons est un peu succincte, mais l'essentiel est ailleurs. Absurde et à tendance délirante, j'aime beaucoup.

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Message posté le 19:07 - 23 août 2016

Citation de Cariou :
Bon, avouons-le, l'explication de la défaite des méchants papillons est un peu succincte, mais l'essentiel est ailleurs. Absurde et à tendance délirante, j'aime beaucoup.


Bienvenue dans notre enfer.



"J'ai une âme solitaire"
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Message posté le 10:29 - 3 sept. 2016

Histoire très bien écrite, drôle, et vraiment inventive, je me suis bien amusé :)

J'ai tout de même quelques remarques, que j'espère constructives :

Citation de Mike001 :
et malgré l'action courageuse des fonctionnaires trois octogénaires avaient péri d'intoxication alimentaire.


Ne manque-t-il pas une virgule ? (Ça me ferait bien mousser d'arriver à te corriger sur un point comme ça)

Citation de Mike001 :
Lorsque les papillons passèrent devant la vitrine le monde devint terreur. Le monde cria de terreur.


J'aurais inversé "devenir" et "crier", pour un effet plus saisissant d'escalade.

Et enfin, j'ai eu l'impression d'avoir manqué de quelque chose entre les préliminaires et l'orgasme. L'histoire est très bien amenée, se termine bien, mais ça va un peu vite au milieu, la nouvelle aurait mérité être plus longue je pense (comme cela a été dit).

En tout cas c'est super sympa à lire, merci !

PS : étant donné qu'on est pas en section travail des textes mon commentaire est peut-être à 80% hors sujet, auquel cas je m'en excuse ¯\_(ツ)_/¯

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Message posté le 11:43 - 3 sept. 2016

Citation de Cariou :
Bon, avouons-le, l'explication de la défaite des méchants papillons est un peu succincte, mais l'essentiel est ailleurs. Absurde et à tendance délirante, j'aime beaucoup.


Merci d'avoir lu et commenté, Cariou. En effet, comme Choupinne et toi le soulignez ça se bouscule à la fin ce qui vient de plusieurs facteurs à mon avis :
– c'est une vieille nouvelle
– Deadpool fait un peu ce qu'il veut quand ça lui chante
– j'ai de manières régulières des difficultés pour conclure une nouvelle

Citation de Choupinne :
Histoire très bien écrite, drôle, et vraiment inventive, je me suis bien amusé :)

J'ai tout de même quelques remarques, que j'espère constructives :

Citation de Mike001 :
et malgré l'action courageuse des fonctionnaires trois octogénaires avaient péri d'intoxication alimentaire.


Ne manque-t-il pas une virgule ? (Ça me ferait bien mousser d'arriver à te corriger sur un point comme ça)


Il pourrait avoir une virgule après « fonctionnaires », oui, mais rien d'obligatoire ici.

Citation de Mike001 :
Lorsque les papillons passèrent devant la vitrine le monde devint terreur. Le monde cria de terreur.


J'aurais inversé "devenir" et "crier", pour un effet plus saisissant d'escalade.


Tu as raison, je vais faire cela (:

En tout cas c'est super sympa à lire, merci !

PS : étant donné qu'on est pas en section travail des textes mon commentaire est peut-être à 80% hors sujet, auquel cas je m'en excuse ¯\_(ツ)_/¯


Merci pour le temps pris à me commenter et me lire ! Ton commentaire est parfait, Choup. Rien n'empêche de faire des commentaires plus « techniques » dans les bibliothèques.


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Message posté le 13:45 - 3 sept. 2016

J'ai trouvé ça vachement sympa.
Mes deux seules remarques seront que 1) le passage scato gâte ta nouvelle et c'est dommage et 2) il manque vraiment beaucoup de virgule pour donner du rythme et du ton à ton histoire.
Est ce que c'est voulu pq c'est un écrit de deadpool et qu'il ne s'embarrasserait pas de virgule en écrivant comme ça vient et point barre? Si c'est un discours oral rapporté je pense que les virgules sont nécessaires car on tique à la lecture.

Sinon c'était chouette, surtout ce passage:

C'est ce que du moins la première voix dans ma tête disait. La seconde récitait des poésies sataniques en hexasyllabe.


Please Little Girl be Brave.
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Message posté le 13:55 - 3 sept. 2016

Je viens de me relire et je ne trouve pas que ça manque de virgules, ou alors il faudrait rallonger des phrases en en fusionnant et là en placer. Sinon, non. Les phrases sont courtes et j'ai justement retiré des virgules lorsque j'ai retravaillé ce texte pour le poster sur 2.0.

Il y a deux phrases qui mériteraient une telle ponctuation – voire une réécriture – mais je les ai sciemment laissées ainsi pour apporter quelques touches de confusion. Comme s'il se passait trop de choses dans sa tête.

Merci pour le com'. (=


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Message posté le 14:15 - 3 sept. 2016

Je trouve qu'il y a bcp de phrases comme celle là qui manque de ponctuation. Ce sont des choses de base mais si c'est un choix alors c'est toi qui voit en effet :)

Lorsque les papillons passèrent devant la vitrine le monde cria de terreur.


Please Little Girl be Brave.
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Message posté le 10:16 - 4 sept. 2016

Ce que veut dire Lilith, c'est que même si grammaticalement ta phrase est correcte, la langue française ne met des accents toniques que à la fin de chaque groupe grammatical. Autrement dit, à chaque ponctuation. Il est donc beaucoup plus facile d'introduire un rythme, un ton, via la ponctuation. Il ne s'agit pas de temps où respirer à cause de phrases trop longues, mais d'endroits où poser sa voix.

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