17 janv. 2016 - 20:23
Bon, alors celui-ci est un texte érotique, d'où le spoiler.
C'est plutôt soft, mais ça reste quand-même explicite.
Vous êtes prévenus.
J'avais envie de me réessayer à ce genre, sans le côté "noir" et froid de mon premier essai. Comme je ne savais pas trop quoi en faire, je me suis dit que ça pourrait peut-être intéresser quelques uns d'entre vous.
Deux mois sans orgasme ! Lamia effaça d'un revers du poignet la buée sur le miroir au-dessus de son lavabo. Elle scruta son visage maussade dans la tache translucide qu'elle venait de faire apparaître. Sa poitrine menue, encore ruisselante de la douche, demeurait floutée dans le reste du reflet. Elle attrapa sa brosse et grimaça en démêlant ses longs cheveux bruns. Elle n'avait pas couché avec un mec depuis deux mois et les méfaits de l'abstinence forcée commençaient à se faire sentir. Ça n'était pourtant pas faute de tenter les approches dès qu'elle en avait l'occasion. Elle avait renoncé aux sites de rencontres depuis que ses dernières expériences catastrophiques l'en avaient dissuadée. Internet ne lui avait apportée que des égocentriques et des types bien trop présomptueux de leurs performances.
Elle jeta un coup d'œil à son téléphone pour vérifier l'heure. Elle était en retard, comme d'habitude. Elle s'arracha avec regret à l'atmosphère tiède et réconfortante de la salle de bain saturée de vapeur. Elle attrapa dans sa chambre quelques fringues éparpillés qu'elle enfila sans trop de conviction. Lamia devait se dépêcher de quitter son appartement sous peine de rater son car et d'attendre le suivant, une heure plus tard. Elle vida dans son sac à main d'un geste nerveux, le tas d'effets personnels qui jonchaient la surface de son chevet. Elle n'avait pas le temps de faire le tri, mais l'essentiel devait s'y trouver : poudrier, liseuse, rouge à lèvre, portefeuille, chargeur de téléphone...
Elle manqua la dernière marche des escaliers et se rattrapa de justesse à l'étagère de boîtes aux lettres. Elle franchit le portail de l'immeuble et aperçut le bus qui devait la conduire à la gare routière. Elle sprinta jusqu'à l'arrêt de bus et fit de grands signes à la conductrice qui accepta de l'attendre pour l'embarquer. Lamia lui adressa un sourire désolé et fouilla dans les poches de son trench à la recherche de sa carte magnétique. Elle passa la carte sur la borne électronique et se fraya un chemin jusqu'à une place assise.
La pluie ruisselait le long des vitres et le trajet matinal lui sembla aussi morne que les jours précédents. Assis devant elle, un jeune couple d'étudiants se bécotaient sans la moindre gêne. Elle observa, envieuse, la main du jeune homme courir doucement sur la nuque de la fille. Elle remarqua la chair de poule que provoquaient ces doigts délicats sur la peau de l'étudiante. Elle frissonna involontairement en imaginant ces mêmes mains sur son propre cou. Elle adorait ce genre de petites attentions et la sensation de caresses chaudes sur elle lui manquait de plus en plus. Elle était partagée entre jalousie et fascination. Sa rêverie fut interrompue lorsque le bus amorça la courbe serrée qui annonçait l'arrivée sur le parking de la gare routière.
Elle s'arracha à la banquette et fut projetée contre le dos d'un grand type aux cheveux grisonnants. Elle n'avait pas anticipé le freinage trop brusque du véhicule. Le grand type l'avait saisi alors qu'elle avait perdu l'équilibre. L'avait-il un peu tripotée au passage ? Non ! Son regard était trop aimable et son sourire trop sincère quand il l'aida à se redresser. Dommage ; elle n'avait rien contre l'idée de se frotter aux vieux beaux quand ils avaient l'air de gentlemen.
À peine descendue sur le quai, elle tira une cigarette d'un paquet froissé au fond de sa poche. Son train-train quotidien n'avait jamais échappé au rituel qu'elle avait mis en place dès le premier jour où elle avait été embauchée dans cette boîte à l'autre bout du département, trois ans auparavant. Elle se levait beaucoup trop tôt, n'avait vraiment pas le temps pour un petit-déjeuner et fumait sa menthol avant de monter à bord du car régional.
Elle ressortit sa carte magnétique et valida son entrée à bord. Elle avait vite compris que la plupart des gens qui empruntait ce type de transports en commun avait chacun ses petites habitudes : place favorite, biscuits ou fruits en en-cas, lecture ou musique comme passe-temps. Mais presque tous finissaient par s'endormir au bout de quelques kilomètres dans l'ambiance feutrée et le ronronnement de l'autocar. C'était surtout un moment idéal pour profiter d'une dernière heure de sommeil avant de commencer la journée.
Pour satisfaire à la tradition, elle s'était trouvée elle aussi une place habituelle : sur la droite, au deuxième rang après la porte centrale. Elle avait essayé plusieurs fauteuils avant de jeter son dévolu sur celui-ci. Par un caprice inexplicable du constructeur, cet emplacement était un peu plus large que les autres et elle pouvait donc allonger un tout petit peu plus ses longues jambes. De plus, un radiateur se situait juste en dessous le siège, ce qui lui réchauffait volontiers les chevilles et les mollets. Lamia portait presque exclusivement des jupes et des ballerines. Elle n'aimait ni les pantalons qui lui serraient les fesses, ni les talons qui lui donnait l'air trop grande.
Comme chaque matin, elle ouvrit son sac pour en sortir la liseuse une fois installée. Elle éprouva quelques difficultés à fourrager au fond de sa besace. Ses doigts vernis tâtonnèrent les surfaces aveugles de son bric-à-brac. Elle émit un petit gémissement de surprise en découvrant son œuf vibrant là où elle se s'attendait certainement pas à le trouver. Elle rougit instantanément et eut l'étrange impression que tous les autres passagers savaient ce qu'elle tenait en ce moment au creux de sa main. Elle éprouva un étrange mélange de honte et d'excitation. Elle lança un regard circulaire et se rendit compte qu'elle ne pouvait être vue de quiconque ; il n'y avait aucun occupant en face d'elle de l'autre côté de l'allée centrale. Elle aurait très bien pu relever sa jupe et baisser ses collants en toute discrétion sans que personne ne s'aperçût du méfait. L'idée lui plût et elle se demanda si elle oserait un jour se masturber en secret dans l'intimité toute relative de sa place favorite. Elle se dit que l'idée était aussi irraisonnable qu'indécente, ce qui finit de la convaincre. Elle fut saisit d'un doute : avait-elle aussi enfournée la télécommande du jouet dans sa précipitation ? Elle ouvrit grand son sac sur ses genoux et découvrir le petit boîtier dans un recoin. Elle avait de plus en plus chaud. Elle réfléchit de plus belle, pesant le pour et le contre, émoustillée par son envie soudaine. Était-ce trop risqué ? Un voyageur pouvait-il la surprendre ? Non. C'était parfaitement improbable que quelqu'un décide de changer de place pour venir s'asseoir près d'elle. Après tout, il s'agissait d'un trajet express, sans aucun arrêt entre le départ et le terminus. D'autant plus qu'un vendredi, avec les RTT de fin de semaine, l'habitacle était presque désert. Pourquoi hésiter dans ce cas ?
Elle pinça délicatement les courbes arrondies du sextoy et se délecta de son toucher soyeux comme si elle le découvrait pour la première fois. Un homme toussa à quelques fauteuils derrière elle. Elle lâcha immédiatement sa proie et fit mine d'être une grande fille sage. Elle sortit la liseuse et l'alluma. L'écran s'alluma sur la page où elle avait interrompue sa lecture, entre deux nouvelles d'un recueil érotique. Elle soupira d'exaspération. Lamia en vint à la conclusion qu'elle était vraiment en manque et qu'il fallait absolument que cela cesse. Non pas qu'elle voulait mettre un terme à des années de célibat – qu'elle gérait très bien selon elle – mais il devenait urgent de s'envoyer en l'air. Elle pensa à sa copine Mylène qui lui racontait régulièrement ses aventures et lui vantait les mérites d'avoir à disposition deux ou trois plans cul toujours à portée de griffes. Lamia ne s'était jamais trop sentie de cumuler plusieurs relations à la fois. Elle trouvait le principe trop compliqué. Ou bien peut-être n'aimait-elle pas ce vilain préjugé : passer pour une salope dès lors qu'on agissait sur le même terrain que les mecs. Des plans cul, elle en avait pourtant entretenus. Des coups d'un soir, des amants réguliers... mais jamais deux en même temps. Elle regretta de se découvrir encore quelques barrières moralisatrices pour la maintenir dans le patriarcat ambiant.
Elle éteignit son livre électronique, le rangea et contempla les talus qui défilaient à vive allure de l'autre côté de la glace.
Elle décida de passer en revue mentalement tous les mecs avec qui elle pourrait tenter de coucher dans son entourage. Il ne fallait pas qu'elle s'adresse à ses quelques amis garçons : l'expérience se montrait invariablement décevante et elle avait eu à chaque fois une impression de terrible gâchis. En plus, parmi ceux qu'il lui restait, tous étaient maqués au dernier degré.
Les collègues de boulot étaient aussi un terrain miné. Une histoire qui tourne mal et c'était une ambiance pourrie pendant des mois. À moins qu'il ne s'agisse d'un « vague » collègue de boulot, du genre qu'elle n'avait pas à croiser souvent. Elle pensa immédiatement à Lambert, le seul gars du service technique à peu près jeune, propre sur lui et capable de dire autre chose que des blagues salaces de mauvais goût. Malheureusement, elle avait remarqué son alliance dès la première semaine de boulot.
Ou alors un stagiaire ? Un jeune qui ne resterait pas longtemps dans ses pattes ? Celui de la comptabilité ferait parfaitement l'affaire. Lamia sourit : du haut de ses vingt-neuf ans elle ne se sentait pas encore l'âme d'une cougar.
Que lui restait-il dans ce cas ? Elle en avait eu sa dose des mecs rencontrés dans les bars le vendredi soir. Et surtout, elle n'avait plus vraiment l'occasion de sortir entre filles depuis que Mylène avait déménagé et que les autres s'étaient toutes casées durablement. Aller seule au bar pour se faire draguer : de quoi se faire estampiller là encore la réputation de salope sur le front.
Qui ? Quel mec restait-il donc pour passer un bon moment au lit et pourquoi pas au restau et au cinoche de temps en temps ? Elle se redressa et jeta un nouveau coup d'œil par dessus le dossier face à elle. Trop vieux, trop moche, trop jeune, trop jeune, trop bedonnant, trop dégarni, trop... oh ! Qu'est-ce qu'il pue celui-là ! Et lui ? Le type d'une jeune trentaine d'année se sentit observé et leva le nez de son magazine d'informatique. Il baissa très vite le regard, visiblement gêné de ce contact trop frontal. Un geek. Dommage ! Passablement mignon, mais sans doute trop timoré.
Lamia se renfonça au fond de son siège, plia les genoux et les rabattit contre elle dans la position de petite fille boudeuse qu'elle empruntait lorsqu'elle se sentait chagrine.
Peu à peu le bourdonnement apaisant du long véhicule recueillit sa fatigue et elle s'assoupit, les cheveux rabattus sur son visage.
« Salut, Lamia, l'amie à ma bite, ah ah ! ». Lourds, comme à leur habitude. Lamia passa la tête haute devant les trois techniciens en bleus qui s'affairaient autour de la cabine d'ascenseur en panne. En frôlant Lambert, elle lui lança un sourire complice auquel il ne répondit pas, trop occupé à bidouiller un gros boîtier électrique. Voilà qui avait au moins le mérite de conforter ses doutes : malgré les longues jambes et son déhanché, Lambert resterait à tout jamais insensible à ses pathétiques approches. Elle se dirigea vers le grand escalier du hall d'accueil et en profita pour examiner sa silhouette dans le grand miroir. On ne pouvait pas dire qu'elle avait un gros cul ou qu'elle était mal gaulée. Elle compensait même son petit bonnet par une collection de push up qui donnaient le change.
Non, jusqu'ici personne ne lui avait fait comprendre qu'elle était repoussante, et généralement ses amants la complimentaient sur sa plastique. Elle se considérait elle-même juste assez jolie pour ne pas être passe-partout.
« Bonjour, Lamia. Vous allez bien ? ». Marie-Céline, l'assistante de direction du boss. En voilà une qui, elle, avait du mal à cacher son attirance pour Lamia. Celle-ci l'avait bien compris lorsqu'en plusieurs occasions Marie-Céline avait essayé de se rapprocher d'elle pendant les « sorties de cohésion » comme la DRH appelait ces petites sauteries à la brasserie et aux spectacles en fin de semestre. Marie-Céline : la trentaine avancée, frustrée, bien coiffée. Elle était toutefois bien trop awkward pour que Lamia se laisse tenter par une expérience entre filles. Et puis le potentiel d'emmerdes affectives était beaucoup trop élevé pour ne serait-ce que répondre à ses avances par jeu. Tant pis, dans d'autres circonstances et avec un peu plus de stabilité émotionnelle, Lamia aurait très bien pu se laisser aller à la curiosité.
La journée se passa exactement comme prévue : morne, sans intérêt même malgré la tension de fin de semaine et les dossiers en retard. Un de ses collègues lui indiqua simplement qu'elle avait manqué de peu le livreur qui devait repasser plus tard dans l'après-midi.
À midi, Lamia accompagna quelques collègues au restaurant administratif. Elle lorgna sur la table des contractuels. Certaines des filles embauchées en contrat précaire avaient son âge, pourtant leur tablée « de jeunes » riait dans une véritable connivence. Assise sagement sur son bout de table, Lamia se trouvait vieille et désemparée. Même en étant la benjamine de son service, on ne la traitait plus comme une gamine depuis longtemps. Quelque part ça lui manquait : ces petites attentions bienveillantes et paternalistes qu'on réservait aux stagiaires ou aux toutes jeunes salariées. Elle trempait sa cuillère au fond de son pot de yaourt, incapable de chercher la volonté nécessaire pour l'avaler. Désemparée, elle se leva brusquement et abandonna ses camarades qui ne s'en étonnèrent même pas.
Elle avait besoin de sa demie heure de calme pour se recentrer. Elle attrapa son sac à main dans son bureau et gagna le dernier étage. Elle avait repéré là-haut un endroit parfait pour se mettre au calme pendant la pose méridienne. Face à la baie vitrée qui ouvrait sur les toits du quartier, elle aimait se déchausser et se lover sur les canapés de velours qui ornaient le couloir de la direction. Là, elle lisait sagement en attendant l'heure de la reprise. Les cadres n'avaient jamais signifié une quelconque désapprobation : elle faisait désormais partie du paysage.
Lorsqu'elle ouvrit sa besace, Lamia découvrit une enveloppe vierge et fermée. Elle s'en étonna car elle ne se souvenait pas l'y avoir vu depuis le début de la journée. Intriguée elle la décacheta et en sortit un feuillet plié en quatre. Elle arqua un sourcil, étonnée. Elle relut le billet anonyme.
Bonjour, Mademoiselle. Je n'ai pas l'habitude de telles folies, mais je souhaitais tout de même vous écrire ces quelques lignes.
Voilà de nombreuses semaines que je vous croise régulièrement et à chaque fois mon cœur s'emballe à votre vue. Vous êtes la femme la plus charmante qu'il m'ait été donné de rencontrer. Je conçois très bien qu'une telle déclaration puisse vous gêner, et donc, pour ne pas vous tourmenter, je vous propose de me faire un petit signe si vous souhaitez me parler. Vous trouverez dans cette enveloppe une barrette à cheveux ornée d'un motif qui je crois vous plaît. Je vous en prie, mettez-la pour m'indiquer que vous êtes d'accord de faire ma connaissance. Si je ne vous vois pas la porter aujourd'hui, alors j'en déduirai que je ne mérite pas votre attention et je ne vous embêterai plus jamais. Sachez juste que malgré ma naïveté et mon extrême timidité, je suis un garçon attentionné et tout sauf un salaud qui vous décevrait. Je vous trouve magnifique et j'espère de tout cœur pouvoir bientôt vous parler. Je pense que vous ne serez peut-être pas étonnée lorsque vous comprendrez qu'il s'agit de moi, si toutefois vous acceptez.
Un inconnu qui vous admire.
PS : si cette lettre vous a mis trop mal à l'aise, oubliez ce que vous venez de lire : je me morfondrai de honte, mais au moins je ne vous ferai pas subir le spectacle de ma déception.
Lamia sourit. Elle n'en revenait pas. C'était à la fois la lettre la plus touchante et la plus surprenante qu'elle avait jamais lue. Elle secoua l'enveloppe pour en faire sortir la pince à cheveux. Elle éclata de rire en découvrant l'objet. Il s'agissait du visage d'Hello Kitty coiffée d'un chapeau de pirate. Le même qui ornait la coque de protection de son téléphone. Le « pauvre garçon timide » devait l'avoir observé depuis quelques temps déjà. Elle ne pouvait croire qu'un pervers ait eu l'idée d'aller lui acheter une barrette de môme dans un magasin de filles. Quoique, avec certains énergumènes masculins, il fallait s'attendre à tout. Elle inspira profondément. Le message maladroit et inattendu avait un effet inespéré sur elle : elle se sentit désirable et se trouvait fière de s'être découvert un admirateur secret. Elle agrafa la petite épingle bien en évidence sur le côté de sa tête. Tant pis si elle passait pour une cruche pour le reste de la journée ; le jeu en valait la chandelle. Au pire, s'il s'agissait d'un gros dégueulasse, elle saurait très bien comment l'éconduire. En matière de râteau, elle avait eu plus de la moitié de sa vie pour s'entraîner.
Le couloir s'anima peu à peu et elle comprit qu'elle devait retourner à ses laborieuses occupations du vendredi après-midi. Elle descendit les étages, satisfaite et émoustillée, s'attendant à voir se présenter d'un instant à l'autre son mystérieux inconnu. De sa lecture elle avais compris qu'elle reconnaîtrait son visage. Il ne restait plus qu'à patienter.
Lamia eut un mal fou à se concentrer durant ces dernières heures devant l'écran de son ordinateur. Elle scrutait sans arrêt le coin où la petite horloge la narguait. Son téléphone fixe sonna. L'hôtesse d'accueil lui indiquait que son livreur était revenu. Au moment où la secrétaire lui annonçait qu'elle faisait monter le porteur de colis, Lamia bafouilla et lui expliqua avec empressement qu'elle préférait descendre elle-même. La fille à l'autre bout du fil n'insista pas. Lamia se leva se son fauteuil et s'assura que l'épingle était toujours en place. S'il s'agissait bien du coursier habituel, celui-ci avait toutes les chances de correspondre au profil de son amoureux transis. Un joli petit brun aux yeux brillants et à la mine enjouée. Elle n'aurait jamais pensé qu'un type aussi dynamique se montrât en réalité un grand timide. Elle s'arrêta une nouvelle fois devant le large miroir du hall et inspecta sa mise. Elle déboutonna un tout petit peu son gilet et vérifia que ses rondeurs pigeonnantes étaient suffisamment visibles. Elle trottina jusqu'au stand d'accueil où l'attendait le charmant jeune homme qui lui sourit en la reconnaissant.
Il fut lamentablement professionnel durant toute l'opération de délivrance du paquet : de la vérification de son nom jusqu'à la signature au stylet sur son pad. Elle resta debout face à lui, lui lançant de petits sourires insistants pour l'inviter à révéler son identité secrète. Comprenant qu'il était vraiment trop timide pour oser faire le premier pas, Lamia décida de prendre les choses en mains.
« Oh ! Mais il manque un paquet, non ? Vous devez l'avoir oublié dans votre fourgon.
— Euh... Non. Tout est là, je vous assure.
— Vous en êtes certains ? Il vaut mieux aller vérifier sur place, non ?
— Euh... »
Lamia s'empressa de s'agripper à son coude et le traîna vers l'extérieur, où le camion attendait, le hayon grand ouvert. Lamia, amusée par le désarrois de son admirateur empoté, se sentit pousser des ailes. Elle escalada maladroitement le plateau du fourgon, avec une cambrure excessive, s'assurant que le jeune homme ait une vue imprenable sur son bassin tendu. Elle se releva en relevant le plus possible sa jupe moulante et se dirigea vers le fond du compartiment faisant mine de s'intéresser aux cartons empaquetés. Le livreur resta quelques secondes l'observer, incapable de se décider. Il enjamba enfin la marche que Lamia avait ignorée quelques secondes plus tôt et la rejoignit à l'abri des regards de la rue.
La jolie brunette se tourna vers lui, prête à l'écouter. Mais les mots ne vinrent pas ; le garçon demeurait interdit.
« Voilà. On est seuls. Je t'écoute » l'encouragea-t-elle.
Le livreur, embarrassé, recula d'un pas et la scruta des pieds à la tête.
« T'es du genre directe, toi ? »
Le type l'attrapa par la taille et l'attira soudain à lui. Il plongea le visage dans la longue chevelure et lui lécha le cou, juste derrière l'oreille.
Lamia ne s'attendait pas tout à fait à cette réaction, mais après tout pourquoi pas. Les grands timides sont aussi les plus extravertis une fois qu'ils sont lancés. C'est en tout cas ce qu'internet lui avait enseigné dans les blogs féminins. Elle agrippa ses fesses pour l'encourager et lui indiquer qu'ils étaient sur la même longueur d'onde. Le coursier lui passa à son tour une main sur les fesses et l'autre derrière la cuisse, l'invitant à la redresser. Lamia s'empressa de soulever sa jupe trop serrée par la position. Il la plaqua alors contre la montagne de cartons et appuya sa queue durcie contre l'entre-jambe de la jeune femme. Ses lèvres gonflées formaient un coussin tendre sous la braguette tendue. Lamia sentit leurs désirs monter en quelques secondes. Elle était déjà humide et prête à l'accueillir. Elle le pressa du mieux qu'elle put contre elle et chercha sa bouche pour l'embrasser. Le livreur s'éloigna d'elle au moment où la langue léchait le vide où il s'était tenu la seconde précédente. Il la lâcha assez brutalement pour attraper la glissière de son pantalon d'uniforme.
« Putain de zip à la con ! Bouge pas, beauté, j'en ai pour deux secondes. »
Lamia en profita pour défaire totalement son gilet et remonter le mieux possible les balconnets de son soutien-gorge. Le garçon peinait à se dépêtrer de sa braguette, trop pressé pour s'y prendre correctement. Il siffla un « yes ! » victorieux et ridicule lorsque sa queue émergea enfin de l'ouverture. Lamia eut à peine le temps d'entrevoir le sexe dressé, que son partenaire se jetait à nouveau sur elle.
« T'as un préservatif, au fait ?
— Pas le temps, beauté ! »
Le type se frotta frénétiquement quelques secondes contre ses collants avant de gémir de satisfaction. Il expira brièvement et s'essuya vaguement dans une peau de chamois qu'il venait d'attraper entre deux cordes élastiques du fourgon. Il remballa son engin maigrichon, se pencha vers elle et la gratifia d'un bisous sur la joue et d'une petite tape sur le cul.
« Merci beaucoup, c'était sympa. Par contre je suis désolé, mais là je suis à la bourre et j'ai encore deux tonnes de colis à livrer avant dix-huit heures. Laisse-moi ton numéro : on se refera une vraie baise quand on aura plus de temps. Tu fais quoi ce week-end ? J'ai une livraison à faire demain matin à Saint-Malo. On peut passer le samedi là-bas : je connais un petit hôtel mignon avec vue sur les murailles. »
Lamia ausculta son entrejambe frustré. Le mec s'était lâché sur ses collants et elle n'avait rien sentit du tout. Elle le regarda, un peu absente, lui tendre un bon de commande et un stylo pour recueillir son numéro.
« Euh. Mon numéro de poste c'est le dix-huit dix-neuf. Appelle-moi quand tu as d'autres colis pour moi.
— Ok, on fait ça. T'es sûre pour Saint-Malo ? Ça te dit vraiment pas ?
— Non, merci. J'aime pas trop les huîtres en fait.
— Ouais, je comprends. Pas grave. On se revoit à la prochaine livraison.
— Ok.
— Bon, là par contre, faut vraiment que je file.
— Ok. Laisse-moi juste trente secondes pour... »
Lamia émergeait peu à peu, encore étourdit par la scène navrante à laquelle elle venait de participer. Elle enleva précautionneusement ses chaussures et fit rouler son collant trempé du bout des doigts espérant ne pas sentir le foutre du précoce sur ses genoux. Elle jeta la boule de nylon près de la peau de chamois abandonnée au sol et déguerpit du baisodrome ambulant.
« Salut » entendit-elle juste avant le claquement du hayon qui se refermait derrière elle. Elle eut un dernier geste de la main qu'elle adressa à son livreur.
« C'est ça : salut. » souffla-t-elle a mi-voix alors qu'elle franchissait les portes automatiques du hall de sa boîte.
Dépitée, la jeune femme alla retirer le colis resté sur le stand d'accueil et évita le regard de l'hôtesse.
Lamia esquiva également le reflet du miroir quand elle avança sur les marches de l'escalier principal. Elle souffla, contrite, et réajusta son gilet et sa jupe avant de retourner vers son bureau. Elle se sentait bête. En lissant ses cheveux elle se rappela qu'elle portait toujours un chaton pirate sur le côté du crâne.
« Mauvaise pioche ! » relativisa-t-elle.
Elle eut le réflexe de l'enlever, mais se rappela les mots réconfortants de la lettre. Elle se raccrocha à cet espoir absurde, que d'ici ce soir, un chic type lui ferait oublier cette mésaventure grotesque.
N'empêche que ce saligaud de livreur lui avait bien retournée la tête. Elle ressentait tout le poids de la soudaine excitation retombée brusquement : sa chatte encore mouillée par l'espoir d'être rassasiée et ses seins déçus d'avoir pointés pour rien.
Elle se rassit à son bureau. Ses collègues absorbés par leurs écrans ne remarquèrent pas la durée exceptionnelle de son absence, pas plus que la subite disparition de ses collants.
Incapable de se remettre au boulot, la jolie brune comptait les minutes avant de s'échapper de l'établissement. Elle avait l'impression de sentir la sueur et le sexe. C'en était trop. Elle ne pensait plus qu'à une chose : se faire défoncer correctement avec un minimum de savoir-faire. Elle se retint de chercher le numéro de Lambert dans l'annuaire d'entreprise. Pourtant, un petit rendez-vous d'un quart d'heure dans l'infirmerie n'aurait pas été pour lui déplaire. Non, l'agent technique n'était pas du genre à écrire des lettres et acheter des barrettes kawaii.
Un mail urgent vint la distraire de ses fantasmes impérieux et elle se força à traiter la demande avec ce qui lui restait de conscience professionnelle. L'opération fut délicate, car chacune de ses réflexions était parasitée par d'autres pensées bien plus grivoises. Quoi qu'il arrive cette fin d'après-midi, elle ne finirait pas son week-end sans une queue à se mettre sous la dent. Elle s'en fit le serment au moment où elle valida l'envoi de son mail de réponse.
Un coup d'œil à l'horloge et elle décida que la journée de travail avait bien trop duré. Elle éteignit son poste et enfila son manteau avant de quitter ses collègues ennuyeux. En passant devant les toilettes, elle marqua une pause et sembla réfléchir.
« Oh, et puis zut ! » s'exclama-t-elle avant de s'engouffrer chez les dames. Lamia baissa la lunette du WC et y posa son sac pour mieux le fouiller. Elle agrippa son vibro et l'épousseta avant de se contorsionner pour le mettre en place. Elle mit la télécommande dans sa poche et quitta les lieux d'un pas joyeux.
Comme elle était partie un peu en avance, elle en profita pour se rendre jusqu'à la gare à pieds. Sa démarche souple et rapide lui rappelait à chaque pas la présence coquine de son jouet au creux de son ventre. La sensation était plaisante et elle impulsait de temps à autres, de petits coups secs aux muscles de son périnée. La chaleur irradiait sa culotte et elle profitait de la balade dans les rues de la ville. Ainsi équipée, elle se sentait un peu honteuse et terriblement excitée, un peu comme si elle se serait promenée presque nue aux yeux de tous. Elle remarqua plus que d'habitude, les regards des hommes sur elle, peut-être encouragés par le sourire mutin qui ne la quittait plus. Sa marche rapide la conduisit jusqu'à son car qui attendait déjà, porte ouverte, les premiers passagers.
En regagnant sa place attitrée, elle passa la main dans sa poche et caressa du bout de l'ongle le petit boîtier électronique. Elle prit son temps avant de l'enclencher. Elle voulait profiter du moment, savourer les quelques secondes d'impatience avant de se laisser complètement aller. Elle chercha d'abord la meilleure position pour s'installer, les pieds fermement appuyés contre le marche-pied et les genoux légèrement écartés et enfoncés contre le dossier du siège devant elle. Elle releva un peu sa jupe puis étala du mieux possible son manteau sur le bas de son corps, pour que personne ne puisse deviner les prochains mouvements de son bassin, bien qu'aucun passager n'était en vis à vis. Enfin, elle attendit, fiévreuse, le vrombissement du moteur et le départ de l'express régional.
Elle passa les mains sous la couverture de son trench : la gauche contre sa cuisse tenait la télécommande, tandis que la droite se glissait sous la dentelle de sa culotte et cherchait déjà son clitoris.
Dès les premières vibrations du jouet elle fut parcourut par une première décharge de plaisir. Elle gémit faiblement, se retenant de s'exprimer trop fort. Elle eut un rictus de satisfaction sauvage et tourna son visage vers la vitre pour mieux cacher ses grimaces de délectation. Le ronronnement constant de l'autocar sous ses fesses venait accentuer celui du sextoy. Elle monta la puissance par une pression de l'ongle sur la commande et affermit la pression sur son clitoris. Elle le frotta de plus en plus fort entre son majeur et la surface dure de l'œuf qui vibrait juste en-dessous. Ses aisselles étaient trempées, ses seins durs et dressés frottaient contre le soutien-gorge rembourré. Elle aurait voulu cueillir un de ses seins pour se pincer un téton et ainsi accompagner cet orgasme naissant qui s'apprêtait à la terrasser.
Elle bascula le crâne contre l'appuie-tête, de moins en moins attentive à sa lourde respiration. Elle avait fermé les yeux, trop concentrée sur le nid brûlant de son extase, là où ses doigts humides de cyprine roulaient sur sa chatte. Elle se pressait toute entière autour de l'œuf, bandant tous les muscles de son bassin, mise au supplice par le silence qu'elle cherchait encore à imposer à son plaisir.
Elle jouit dans un instant de surprise et de libération lorsqu'elle sentit une vive pression sur son bras. Elle paniqua, haletante, le front tiède de transpiration et ne comprenait pas ce que le garçon lui disait. Elle resta le regarder, terrifiée et toujours sous l'emprise de l'orgasme, ne sachant comment réagir, comme au sortir d'un rêve trop brusquement interrompu.
« Ça va ? Vous allez bien, Mademoiselle ?
— Que... Oui ! Oui, ça va, merci. Je...
— Vous aviez l'air de faire un cauchemar. On aurait dit que vous gémissiez dans votre sommeil, comme si...
— Hein ? Non, non. Je vais bien je vous assure. C'est gentil.
— Je peux m'asseoir près de vous ? »
Lamia, une mèche de cheveux en travers du front pris conscience du ridicule de la situation. Elle se releva d'un coup, vérifia que son manteau la couvrait toujours et le tira de justesse alors que le garçon s'asseyait sans attendre sa réponse.
« Comme vous aviez le visage tourné vers la vitre, je n'avais pas vu la barrette. Je n'étais pas sûr que vous la portiez, alors je me suis rapproché pour vérifier. »
La brunette se souvint de la lettre au bout de quatre secondes durant lesquelles elle était demeurée interloquée, encore sous le choc de la surprise. Au creux de son ventre, le jouet vibrait toujours sur un rythme irrégulier. Elle avait lancé le programme aléatoire du mécanisme dans un geste incontrôlé. En se redressant un peu plus elle provoqua une pression irrésistible sur la paroi de son vagin.
« Ah ! s'écria-t-elle dans un hoquet incontrôlé.
— Oh pardon ! Je me suis assis sur votre main ? s'inquiéta le jeune homme.
— Non. Pas du tout. Ah ! »
Lamia n'en pouvait plus. Elle avait lâché la télécommande et tentait de la retrouver désespérément en fouillant sous son manteau.
Le garçon souleva le trench coat sous les yeux horrifiés de la jeune femme. Il passa sa main sous lui et en sortit le boîtier.
« C'est à vous ?
— Non ! mentit-elle par réflexe.
— On dirait un baladeur MP3, mais il n'y a pas d'écouteurs. C'est peut-être un modèle sans fil. »
Le jeune homme se mit à tester chaque bouton de l'appareil, déclenchant sans le savoir une succession violente de décharges dans la vulve de sa voisine. Lamia regardait fascinée les doigts pianoter au hasard sur les touches. Elle se mordit les lèvres et cacha son visage sous ses longs cheveux, incapable de surmonter son regain de plaisir. Elle voulait supplier le jeune homme de continuer, de la guider vers de nouveaux délices. Elle attrapa l'avant-bras de son voisin et le serra aussi fort que les contractions qu'elle sentait dans sa chatte électrisée. Elle aurait voulu lui saisir la queue et le branler sans autre forme de procès, pour partager le moment incroyable qu'elle vivait et lui communiquer son plaisir.
Le garçon ne broncha pas ; il se contentait de jouer distraitement avec les boutons de la télécommande mais ne comprenait pas le sens des ondes qui se dessinaient sur le petit écran à chaque fois qu'il passait d'un programme à un autre. Il s'en lassa au bout de quelques temps et trouva le bouton d'arrêt. Lamia fut aussi soulagée que déçue.
« Donne-moi ça. En fait, je crois que c'est bien mon MP3. »
Lamia le lui arracha des mains et le jeta dans son sac à main sous ses pieds.
« Voilà, c'est moi. Je suppose que tu as lu ma lettre ? »
Lamia sourit enfin, repue et apaisée. Elle avait reconnu le jeune geek de l'autocar aperçu le matin même derrière un magasine.
« En fait, je crois que j'espérais très fort que ça soit toi, lui avoua-t-elle. — Je m'appelle Lamia. Et toi ?
— Dan. Enchanté. »
Il lui tendit une main en signe de salutation. Elle hésita un instant avant de la saisir et de la serrer délicatement contre ses doigts encore parfumés et mouillés de sa propre intimité.
« Tu fais quoi ce soir ? demanda Lamia, aguicheuse.
— Euh... J'ai rien de prévu. Pourquoi ?
— Parce que j'ai beaucoup pensé à toi aujourd'hui. »
Elle jeta un coup d'œil à son téléphone pour vérifier l'heure. Elle était en retard, comme d'habitude. Elle s'arracha avec regret à l'atmosphère tiède et réconfortante de la salle de bain saturée de vapeur. Elle attrapa dans sa chambre quelques fringues éparpillés qu'elle enfila sans trop de conviction. Lamia devait se dépêcher de quitter son appartement sous peine de rater son car et d'attendre le suivant, une heure plus tard. Elle vida dans son sac à main d'un geste nerveux, le tas d'effets personnels qui jonchaient la surface de son chevet. Elle n'avait pas le temps de faire le tri, mais l'essentiel devait s'y trouver : poudrier, liseuse, rouge à lèvre, portefeuille, chargeur de téléphone...
Elle manqua la dernière marche des escaliers et se rattrapa de justesse à l'étagère de boîtes aux lettres. Elle franchit le portail de l'immeuble et aperçut le bus qui devait la conduire à la gare routière. Elle sprinta jusqu'à l'arrêt de bus et fit de grands signes à la conductrice qui accepta de l'attendre pour l'embarquer. Lamia lui adressa un sourire désolé et fouilla dans les poches de son trench à la recherche de sa carte magnétique. Elle passa la carte sur la borne électronique et se fraya un chemin jusqu'à une place assise.
La pluie ruisselait le long des vitres et le trajet matinal lui sembla aussi morne que les jours précédents. Assis devant elle, un jeune couple d'étudiants se bécotaient sans la moindre gêne. Elle observa, envieuse, la main du jeune homme courir doucement sur la nuque de la fille. Elle remarqua la chair de poule que provoquaient ces doigts délicats sur la peau de l'étudiante. Elle frissonna involontairement en imaginant ces mêmes mains sur son propre cou. Elle adorait ce genre de petites attentions et la sensation de caresses chaudes sur elle lui manquait de plus en plus. Elle était partagée entre jalousie et fascination. Sa rêverie fut interrompue lorsque le bus amorça la courbe serrée qui annonçait l'arrivée sur le parking de la gare routière.
Elle s'arracha à la banquette et fut projetée contre le dos d'un grand type aux cheveux grisonnants. Elle n'avait pas anticipé le freinage trop brusque du véhicule. Le grand type l'avait saisi alors qu'elle avait perdu l'équilibre. L'avait-il un peu tripotée au passage ? Non ! Son regard était trop aimable et son sourire trop sincère quand il l'aida à se redresser. Dommage ; elle n'avait rien contre l'idée de se frotter aux vieux beaux quand ils avaient l'air de gentlemen.
À peine descendue sur le quai, elle tira une cigarette d'un paquet froissé au fond de sa poche. Son train-train quotidien n'avait jamais échappé au rituel qu'elle avait mis en place dès le premier jour où elle avait été embauchée dans cette boîte à l'autre bout du département, trois ans auparavant. Elle se levait beaucoup trop tôt, n'avait vraiment pas le temps pour un petit-déjeuner et fumait sa menthol avant de monter à bord du car régional.
Elle ressortit sa carte magnétique et valida son entrée à bord. Elle avait vite compris que la plupart des gens qui empruntait ce type de transports en commun avait chacun ses petites habitudes : place favorite, biscuits ou fruits en en-cas, lecture ou musique comme passe-temps. Mais presque tous finissaient par s'endormir au bout de quelques kilomètres dans l'ambiance feutrée et le ronronnement de l'autocar. C'était surtout un moment idéal pour profiter d'une dernière heure de sommeil avant de commencer la journée.
Pour satisfaire à la tradition, elle s'était trouvée elle aussi une place habituelle : sur la droite, au deuxième rang après la porte centrale. Elle avait essayé plusieurs fauteuils avant de jeter son dévolu sur celui-ci. Par un caprice inexplicable du constructeur, cet emplacement était un peu plus large que les autres et elle pouvait donc allonger un tout petit peu plus ses longues jambes. De plus, un radiateur se situait juste en dessous le siège, ce qui lui réchauffait volontiers les chevilles et les mollets. Lamia portait presque exclusivement des jupes et des ballerines. Elle n'aimait ni les pantalons qui lui serraient les fesses, ni les talons qui lui donnait l'air trop grande.
Comme chaque matin, elle ouvrit son sac pour en sortir la liseuse une fois installée. Elle éprouva quelques difficultés à fourrager au fond de sa besace. Ses doigts vernis tâtonnèrent les surfaces aveugles de son bric-à-brac. Elle émit un petit gémissement de surprise en découvrant son œuf vibrant là où elle se s'attendait certainement pas à le trouver. Elle rougit instantanément et eut l'étrange impression que tous les autres passagers savaient ce qu'elle tenait en ce moment au creux de sa main. Elle éprouva un étrange mélange de honte et d'excitation. Elle lança un regard circulaire et se rendit compte qu'elle ne pouvait être vue de quiconque ; il n'y avait aucun occupant en face d'elle de l'autre côté de l'allée centrale. Elle aurait très bien pu relever sa jupe et baisser ses collants en toute discrétion sans que personne ne s'aperçût du méfait. L'idée lui plût et elle se demanda si elle oserait un jour se masturber en secret dans l'intimité toute relative de sa place favorite. Elle se dit que l'idée était aussi irraisonnable qu'indécente, ce qui finit de la convaincre. Elle fut saisit d'un doute : avait-elle aussi enfournée la télécommande du jouet dans sa précipitation ? Elle ouvrit grand son sac sur ses genoux et découvrir le petit boîtier dans un recoin. Elle avait de plus en plus chaud. Elle réfléchit de plus belle, pesant le pour et le contre, émoustillée par son envie soudaine. Était-ce trop risqué ? Un voyageur pouvait-il la surprendre ? Non. C'était parfaitement improbable que quelqu'un décide de changer de place pour venir s'asseoir près d'elle. Après tout, il s'agissait d'un trajet express, sans aucun arrêt entre le départ et le terminus. D'autant plus qu'un vendredi, avec les RTT de fin de semaine, l'habitacle était presque désert. Pourquoi hésiter dans ce cas ?
Elle pinça délicatement les courbes arrondies du sextoy et se délecta de son toucher soyeux comme si elle le découvrait pour la première fois. Un homme toussa à quelques fauteuils derrière elle. Elle lâcha immédiatement sa proie et fit mine d'être une grande fille sage. Elle sortit la liseuse et l'alluma. L'écran s'alluma sur la page où elle avait interrompue sa lecture, entre deux nouvelles d'un recueil érotique. Elle soupira d'exaspération. Lamia en vint à la conclusion qu'elle était vraiment en manque et qu'il fallait absolument que cela cesse. Non pas qu'elle voulait mettre un terme à des années de célibat – qu'elle gérait très bien selon elle – mais il devenait urgent de s'envoyer en l'air. Elle pensa à sa copine Mylène qui lui racontait régulièrement ses aventures et lui vantait les mérites d'avoir à disposition deux ou trois plans cul toujours à portée de griffes. Lamia ne s'était jamais trop sentie de cumuler plusieurs relations à la fois. Elle trouvait le principe trop compliqué. Ou bien peut-être n'aimait-elle pas ce vilain préjugé : passer pour une salope dès lors qu'on agissait sur le même terrain que les mecs. Des plans cul, elle en avait pourtant entretenus. Des coups d'un soir, des amants réguliers... mais jamais deux en même temps. Elle regretta de se découvrir encore quelques barrières moralisatrices pour la maintenir dans le patriarcat ambiant.
Elle éteignit son livre électronique, le rangea et contempla les talus qui défilaient à vive allure de l'autre côté de la glace.
Elle décida de passer en revue mentalement tous les mecs avec qui elle pourrait tenter de coucher dans son entourage. Il ne fallait pas qu'elle s'adresse à ses quelques amis garçons : l'expérience se montrait invariablement décevante et elle avait eu à chaque fois une impression de terrible gâchis. En plus, parmi ceux qu'il lui restait, tous étaient maqués au dernier degré.
Les collègues de boulot étaient aussi un terrain miné. Une histoire qui tourne mal et c'était une ambiance pourrie pendant des mois. À moins qu'il ne s'agisse d'un « vague » collègue de boulot, du genre qu'elle n'avait pas à croiser souvent. Elle pensa immédiatement à Lambert, le seul gars du service technique à peu près jeune, propre sur lui et capable de dire autre chose que des blagues salaces de mauvais goût. Malheureusement, elle avait remarqué son alliance dès la première semaine de boulot.
Ou alors un stagiaire ? Un jeune qui ne resterait pas longtemps dans ses pattes ? Celui de la comptabilité ferait parfaitement l'affaire. Lamia sourit : du haut de ses vingt-neuf ans elle ne se sentait pas encore l'âme d'une cougar.
Que lui restait-il dans ce cas ? Elle en avait eu sa dose des mecs rencontrés dans les bars le vendredi soir. Et surtout, elle n'avait plus vraiment l'occasion de sortir entre filles depuis que Mylène avait déménagé et que les autres s'étaient toutes casées durablement. Aller seule au bar pour se faire draguer : de quoi se faire estampiller là encore la réputation de salope sur le front.
Qui ? Quel mec restait-il donc pour passer un bon moment au lit et pourquoi pas au restau et au cinoche de temps en temps ? Elle se redressa et jeta un nouveau coup d'œil par dessus le dossier face à elle. Trop vieux, trop moche, trop jeune, trop jeune, trop bedonnant, trop dégarni, trop... oh ! Qu'est-ce qu'il pue celui-là ! Et lui ? Le type d'une jeune trentaine d'année se sentit observé et leva le nez de son magazine d'informatique. Il baissa très vite le regard, visiblement gêné de ce contact trop frontal. Un geek. Dommage ! Passablement mignon, mais sans doute trop timoré.
Lamia se renfonça au fond de son siège, plia les genoux et les rabattit contre elle dans la position de petite fille boudeuse qu'elle empruntait lorsqu'elle se sentait chagrine.
Peu à peu le bourdonnement apaisant du long véhicule recueillit sa fatigue et elle s'assoupit, les cheveux rabattus sur son visage.
« Salut, Lamia, l'amie à ma bite, ah ah ! ». Lourds, comme à leur habitude. Lamia passa la tête haute devant les trois techniciens en bleus qui s'affairaient autour de la cabine d'ascenseur en panne. En frôlant Lambert, elle lui lança un sourire complice auquel il ne répondit pas, trop occupé à bidouiller un gros boîtier électrique. Voilà qui avait au moins le mérite de conforter ses doutes : malgré les longues jambes et son déhanché, Lambert resterait à tout jamais insensible à ses pathétiques approches. Elle se dirigea vers le grand escalier du hall d'accueil et en profita pour examiner sa silhouette dans le grand miroir. On ne pouvait pas dire qu'elle avait un gros cul ou qu'elle était mal gaulée. Elle compensait même son petit bonnet par une collection de push up qui donnaient le change.
Non, jusqu'ici personne ne lui avait fait comprendre qu'elle était repoussante, et généralement ses amants la complimentaient sur sa plastique. Elle se considérait elle-même juste assez jolie pour ne pas être passe-partout.
« Bonjour, Lamia. Vous allez bien ? ». Marie-Céline, l'assistante de direction du boss. En voilà une qui, elle, avait du mal à cacher son attirance pour Lamia. Celle-ci l'avait bien compris lorsqu'en plusieurs occasions Marie-Céline avait essayé de se rapprocher d'elle pendant les « sorties de cohésion » comme la DRH appelait ces petites sauteries à la brasserie et aux spectacles en fin de semestre. Marie-Céline : la trentaine avancée, frustrée, bien coiffée. Elle était toutefois bien trop awkward pour que Lamia se laisse tenter par une expérience entre filles. Et puis le potentiel d'emmerdes affectives était beaucoup trop élevé pour ne serait-ce que répondre à ses avances par jeu. Tant pis, dans d'autres circonstances et avec un peu plus de stabilité émotionnelle, Lamia aurait très bien pu se laisser aller à la curiosité.
La journée se passa exactement comme prévue : morne, sans intérêt même malgré la tension de fin de semaine et les dossiers en retard. Un de ses collègues lui indiqua simplement qu'elle avait manqué de peu le livreur qui devait repasser plus tard dans l'après-midi.
À midi, Lamia accompagna quelques collègues au restaurant administratif. Elle lorgna sur la table des contractuels. Certaines des filles embauchées en contrat précaire avaient son âge, pourtant leur tablée « de jeunes » riait dans une véritable connivence. Assise sagement sur son bout de table, Lamia se trouvait vieille et désemparée. Même en étant la benjamine de son service, on ne la traitait plus comme une gamine depuis longtemps. Quelque part ça lui manquait : ces petites attentions bienveillantes et paternalistes qu'on réservait aux stagiaires ou aux toutes jeunes salariées. Elle trempait sa cuillère au fond de son pot de yaourt, incapable de chercher la volonté nécessaire pour l'avaler. Désemparée, elle se leva brusquement et abandonna ses camarades qui ne s'en étonnèrent même pas.
Elle avait besoin de sa demie heure de calme pour se recentrer. Elle attrapa son sac à main dans son bureau et gagna le dernier étage. Elle avait repéré là-haut un endroit parfait pour se mettre au calme pendant la pose méridienne. Face à la baie vitrée qui ouvrait sur les toits du quartier, elle aimait se déchausser et se lover sur les canapés de velours qui ornaient le couloir de la direction. Là, elle lisait sagement en attendant l'heure de la reprise. Les cadres n'avaient jamais signifié une quelconque désapprobation : elle faisait désormais partie du paysage.
Lorsqu'elle ouvrit sa besace, Lamia découvrit une enveloppe vierge et fermée. Elle s'en étonna car elle ne se souvenait pas l'y avoir vu depuis le début de la journée. Intriguée elle la décacheta et en sortit un feuillet plié en quatre. Elle arqua un sourcil, étonnée. Elle relut le billet anonyme.
Bonjour, Mademoiselle. Je n'ai pas l'habitude de telles folies, mais je souhaitais tout de même vous écrire ces quelques lignes.
Voilà de nombreuses semaines que je vous croise régulièrement et à chaque fois mon cœur s'emballe à votre vue. Vous êtes la femme la plus charmante qu'il m'ait été donné de rencontrer. Je conçois très bien qu'une telle déclaration puisse vous gêner, et donc, pour ne pas vous tourmenter, je vous propose de me faire un petit signe si vous souhaitez me parler. Vous trouverez dans cette enveloppe une barrette à cheveux ornée d'un motif qui je crois vous plaît. Je vous en prie, mettez-la pour m'indiquer que vous êtes d'accord de faire ma connaissance. Si je ne vous vois pas la porter aujourd'hui, alors j'en déduirai que je ne mérite pas votre attention et je ne vous embêterai plus jamais. Sachez juste que malgré ma naïveté et mon extrême timidité, je suis un garçon attentionné et tout sauf un salaud qui vous décevrait. Je vous trouve magnifique et j'espère de tout cœur pouvoir bientôt vous parler. Je pense que vous ne serez peut-être pas étonnée lorsque vous comprendrez qu'il s'agit de moi, si toutefois vous acceptez.
Un inconnu qui vous admire.
PS : si cette lettre vous a mis trop mal à l'aise, oubliez ce que vous venez de lire : je me morfondrai de honte, mais au moins je ne vous ferai pas subir le spectacle de ma déception.
Lamia sourit. Elle n'en revenait pas. C'était à la fois la lettre la plus touchante et la plus surprenante qu'elle avait jamais lue. Elle secoua l'enveloppe pour en faire sortir la pince à cheveux. Elle éclata de rire en découvrant l'objet. Il s'agissait du visage d'Hello Kitty coiffée d'un chapeau de pirate. Le même qui ornait la coque de protection de son téléphone. Le « pauvre garçon timide » devait l'avoir observé depuis quelques temps déjà. Elle ne pouvait croire qu'un pervers ait eu l'idée d'aller lui acheter une barrette de môme dans un magasin de filles. Quoique, avec certains énergumènes masculins, il fallait s'attendre à tout. Elle inspira profondément. Le message maladroit et inattendu avait un effet inespéré sur elle : elle se sentit désirable et se trouvait fière de s'être découvert un admirateur secret. Elle agrafa la petite épingle bien en évidence sur le côté de sa tête. Tant pis si elle passait pour une cruche pour le reste de la journée ; le jeu en valait la chandelle. Au pire, s'il s'agissait d'un gros dégueulasse, elle saurait très bien comment l'éconduire. En matière de râteau, elle avait eu plus de la moitié de sa vie pour s'entraîner.
Le couloir s'anima peu à peu et elle comprit qu'elle devait retourner à ses laborieuses occupations du vendredi après-midi. Elle descendit les étages, satisfaite et émoustillée, s'attendant à voir se présenter d'un instant à l'autre son mystérieux inconnu. De sa lecture elle avais compris qu'elle reconnaîtrait son visage. Il ne restait plus qu'à patienter.
Lamia eut un mal fou à se concentrer durant ces dernières heures devant l'écran de son ordinateur. Elle scrutait sans arrêt le coin où la petite horloge la narguait. Son téléphone fixe sonna. L'hôtesse d'accueil lui indiquait que son livreur était revenu. Au moment où la secrétaire lui annonçait qu'elle faisait monter le porteur de colis, Lamia bafouilla et lui expliqua avec empressement qu'elle préférait descendre elle-même. La fille à l'autre bout du fil n'insista pas. Lamia se leva se son fauteuil et s'assura que l'épingle était toujours en place. S'il s'agissait bien du coursier habituel, celui-ci avait toutes les chances de correspondre au profil de son amoureux transis. Un joli petit brun aux yeux brillants et à la mine enjouée. Elle n'aurait jamais pensé qu'un type aussi dynamique se montrât en réalité un grand timide. Elle s'arrêta une nouvelle fois devant le large miroir du hall et inspecta sa mise. Elle déboutonna un tout petit peu son gilet et vérifia que ses rondeurs pigeonnantes étaient suffisamment visibles. Elle trottina jusqu'au stand d'accueil où l'attendait le charmant jeune homme qui lui sourit en la reconnaissant.
Il fut lamentablement professionnel durant toute l'opération de délivrance du paquet : de la vérification de son nom jusqu'à la signature au stylet sur son pad. Elle resta debout face à lui, lui lançant de petits sourires insistants pour l'inviter à révéler son identité secrète. Comprenant qu'il était vraiment trop timide pour oser faire le premier pas, Lamia décida de prendre les choses en mains.
« Oh ! Mais il manque un paquet, non ? Vous devez l'avoir oublié dans votre fourgon.
— Euh... Non. Tout est là, je vous assure.
— Vous en êtes certains ? Il vaut mieux aller vérifier sur place, non ?
— Euh... »
Lamia s'empressa de s'agripper à son coude et le traîna vers l'extérieur, où le camion attendait, le hayon grand ouvert. Lamia, amusée par le désarrois de son admirateur empoté, se sentit pousser des ailes. Elle escalada maladroitement le plateau du fourgon, avec une cambrure excessive, s'assurant que le jeune homme ait une vue imprenable sur son bassin tendu. Elle se releva en relevant le plus possible sa jupe moulante et se dirigea vers le fond du compartiment faisant mine de s'intéresser aux cartons empaquetés. Le livreur resta quelques secondes l'observer, incapable de se décider. Il enjamba enfin la marche que Lamia avait ignorée quelques secondes plus tôt et la rejoignit à l'abri des regards de la rue.
La jolie brunette se tourna vers lui, prête à l'écouter. Mais les mots ne vinrent pas ; le garçon demeurait interdit.
« Voilà. On est seuls. Je t'écoute » l'encouragea-t-elle.
Le livreur, embarrassé, recula d'un pas et la scruta des pieds à la tête.
« T'es du genre directe, toi ? »
Le type l'attrapa par la taille et l'attira soudain à lui. Il plongea le visage dans la longue chevelure et lui lécha le cou, juste derrière l'oreille.
Lamia ne s'attendait pas tout à fait à cette réaction, mais après tout pourquoi pas. Les grands timides sont aussi les plus extravertis une fois qu'ils sont lancés. C'est en tout cas ce qu'internet lui avait enseigné dans les blogs féminins. Elle agrippa ses fesses pour l'encourager et lui indiquer qu'ils étaient sur la même longueur d'onde. Le coursier lui passa à son tour une main sur les fesses et l'autre derrière la cuisse, l'invitant à la redresser. Lamia s'empressa de soulever sa jupe trop serrée par la position. Il la plaqua alors contre la montagne de cartons et appuya sa queue durcie contre l'entre-jambe de la jeune femme. Ses lèvres gonflées formaient un coussin tendre sous la braguette tendue. Lamia sentit leurs désirs monter en quelques secondes. Elle était déjà humide et prête à l'accueillir. Elle le pressa du mieux qu'elle put contre elle et chercha sa bouche pour l'embrasser. Le livreur s'éloigna d'elle au moment où la langue léchait le vide où il s'était tenu la seconde précédente. Il la lâcha assez brutalement pour attraper la glissière de son pantalon d'uniforme.
« Putain de zip à la con ! Bouge pas, beauté, j'en ai pour deux secondes. »
Lamia en profita pour défaire totalement son gilet et remonter le mieux possible les balconnets de son soutien-gorge. Le garçon peinait à se dépêtrer de sa braguette, trop pressé pour s'y prendre correctement. Il siffla un « yes ! » victorieux et ridicule lorsque sa queue émergea enfin de l'ouverture. Lamia eut à peine le temps d'entrevoir le sexe dressé, que son partenaire se jetait à nouveau sur elle.
« T'as un préservatif, au fait ?
— Pas le temps, beauté ! »
Le type se frotta frénétiquement quelques secondes contre ses collants avant de gémir de satisfaction. Il expira brièvement et s'essuya vaguement dans une peau de chamois qu'il venait d'attraper entre deux cordes élastiques du fourgon. Il remballa son engin maigrichon, se pencha vers elle et la gratifia d'un bisous sur la joue et d'une petite tape sur le cul.
« Merci beaucoup, c'était sympa. Par contre je suis désolé, mais là je suis à la bourre et j'ai encore deux tonnes de colis à livrer avant dix-huit heures. Laisse-moi ton numéro : on se refera une vraie baise quand on aura plus de temps. Tu fais quoi ce week-end ? J'ai une livraison à faire demain matin à Saint-Malo. On peut passer le samedi là-bas : je connais un petit hôtel mignon avec vue sur les murailles. »
Lamia ausculta son entrejambe frustré. Le mec s'était lâché sur ses collants et elle n'avait rien sentit du tout. Elle le regarda, un peu absente, lui tendre un bon de commande et un stylo pour recueillir son numéro.
« Euh. Mon numéro de poste c'est le dix-huit dix-neuf. Appelle-moi quand tu as d'autres colis pour moi.
— Ok, on fait ça. T'es sûre pour Saint-Malo ? Ça te dit vraiment pas ?
— Non, merci. J'aime pas trop les huîtres en fait.
— Ouais, je comprends. Pas grave. On se revoit à la prochaine livraison.
— Ok.
— Bon, là par contre, faut vraiment que je file.
— Ok. Laisse-moi juste trente secondes pour... »
Lamia émergeait peu à peu, encore étourdit par la scène navrante à laquelle elle venait de participer. Elle enleva précautionneusement ses chaussures et fit rouler son collant trempé du bout des doigts espérant ne pas sentir le foutre du précoce sur ses genoux. Elle jeta la boule de nylon près de la peau de chamois abandonnée au sol et déguerpit du baisodrome ambulant.
« Salut » entendit-elle juste avant le claquement du hayon qui se refermait derrière elle. Elle eut un dernier geste de la main qu'elle adressa à son livreur.
« C'est ça : salut. » souffla-t-elle a mi-voix alors qu'elle franchissait les portes automatiques du hall de sa boîte.
Dépitée, la jeune femme alla retirer le colis resté sur le stand d'accueil et évita le regard de l'hôtesse.
Lamia esquiva également le reflet du miroir quand elle avança sur les marches de l'escalier principal. Elle souffla, contrite, et réajusta son gilet et sa jupe avant de retourner vers son bureau. Elle se sentait bête. En lissant ses cheveux elle se rappela qu'elle portait toujours un chaton pirate sur le côté du crâne.
« Mauvaise pioche ! » relativisa-t-elle.
Elle eut le réflexe de l'enlever, mais se rappela les mots réconfortants de la lettre. Elle se raccrocha à cet espoir absurde, que d'ici ce soir, un chic type lui ferait oublier cette mésaventure grotesque.
N'empêche que ce saligaud de livreur lui avait bien retournée la tête. Elle ressentait tout le poids de la soudaine excitation retombée brusquement : sa chatte encore mouillée par l'espoir d'être rassasiée et ses seins déçus d'avoir pointés pour rien.
Elle se rassit à son bureau. Ses collègues absorbés par leurs écrans ne remarquèrent pas la durée exceptionnelle de son absence, pas plus que la subite disparition de ses collants.
Incapable de se remettre au boulot, la jolie brune comptait les minutes avant de s'échapper de l'établissement. Elle avait l'impression de sentir la sueur et le sexe. C'en était trop. Elle ne pensait plus qu'à une chose : se faire défoncer correctement avec un minimum de savoir-faire. Elle se retint de chercher le numéro de Lambert dans l'annuaire d'entreprise. Pourtant, un petit rendez-vous d'un quart d'heure dans l'infirmerie n'aurait pas été pour lui déplaire. Non, l'agent technique n'était pas du genre à écrire des lettres et acheter des barrettes kawaii.
Un mail urgent vint la distraire de ses fantasmes impérieux et elle se força à traiter la demande avec ce qui lui restait de conscience professionnelle. L'opération fut délicate, car chacune de ses réflexions était parasitée par d'autres pensées bien plus grivoises. Quoi qu'il arrive cette fin d'après-midi, elle ne finirait pas son week-end sans une queue à se mettre sous la dent. Elle s'en fit le serment au moment où elle valida l'envoi de son mail de réponse.
Un coup d'œil à l'horloge et elle décida que la journée de travail avait bien trop duré. Elle éteignit son poste et enfila son manteau avant de quitter ses collègues ennuyeux. En passant devant les toilettes, elle marqua une pause et sembla réfléchir.
« Oh, et puis zut ! » s'exclama-t-elle avant de s'engouffrer chez les dames. Lamia baissa la lunette du WC et y posa son sac pour mieux le fouiller. Elle agrippa son vibro et l'épousseta avant de se contorsionner pour le mettre en place. Elle mit la télécommande dans sa poche et quitta les lieux d'un pas joyeux.
Comme elle était partie un peu en avance, elle en profita pour se rendre jusqu'à la gare à pieds. Sa démarche souple et rapide lui rappelait à chaque pas la présence coquine de son jouet au creux de son ventre. La sensation était plaisante et elle impulsait de temps à autres, de petits coups secs aux muscles de son périnée. La chaleur irradiait sa culotte et elle profitait de la balade dans les rues de la ville. Ainsi équipée, elle se sentait un peu honteuse et terriblement excitée, un peu comme si elle se serait promenée presque nue aux yeux de tous. Elle remarqua plus que d'habitude, les regards des hommes sur elle, peut-être encouragés par le sourire mutin qui ne la quittait plus. Sa marche rapide la conduisit jusqu'à son car qui attendait déjà, porte ouverte, les premiers passagers.
En regagnant sa place attitrée, elle passa la main dans sa poche et caressa du bout de l'ongle le petit boîtier électronique. Elle prit son temps avant de l'enclencher. Elle voulait profiter du moment, savourer les quelques secondes d'impatience avant de se laisser complètement aller. Elle chercha d'abord la meilleure position pour s'installer, les pieds fermement appuyés contre le marche-pied et les genoux légèrement écartés et enfoncés contre le dossier du siège devant elle. Elle releva un peu sa jupe puis étala du mieux possible son manteau sur le bas de son corps, pour que personne ne puisse deviner les prochains mouvements de son bassin, bien qu'aucun passager n'était en vis à vis. Enfin, elle attendit, fiévreuse, le vrombissement du moteur et le départ de l'express régional.
Elle passa les mains sous la couverture de son trench : la gauche contre sa cuisse tenait la télécommande, tandis que la droite se glissait sous la dentelle de sa culotte et cherchait déjà son clitoris.
Dès les premières vibrations du jouet elle fut parcourut par une première décharge de plaisir. Elle gémit faiblement, se retenant de s'exprimer trop fort. Elle eut un rictus de satisfaction sauvage et tourna son visage vers la vitre pour mieux cacher ses grimaces de délectation. Le ronronnement constant de l'autocar sous ses fesses venait accentuer celui du sextoy. Elle monta la puissance par une pression de l'ongle sur la commande et affermit la pression sur son clitoris. Elle le frotta de plus en plus fort entre son majeur et la surface dure de l'œuf qui vibrait juste en-dessous. Ses aisselles étaient trempées, ses seins durs et dressés frottaient contre le soutien-gorge rembourré. Elle aurait voulu cueillir un de ses seins pour se pincer un téton et ainsi accompagner cet orgasme naissant qui s'apprêtait à la terrasser.
Elle bascula le crâne contre l'appuie-tête, de moins en moins attentive à sa lourde respiration. Elle avait fermé les yeux, trop concentrée sur le nid brûlant de son extase, là où ses doigts humides de cyprine roulaient sur sa chatte. Elle se pressait toute entière autour de l'œuf, bandant tous les muscles de son bassin, mise au supplice par le silence qu'elle cherchait encore à imposer à son plaisir.
Elle jouit dans un instant de surprise et de libération lorsqu'elle sentit une vive pression sur son bras. Elle paniqua, haletante, le front tiède de transpiration et ne comprenait pas ce que le garçon lui disait. Elle resta le regarder, terrifiée et toujours sous l'emprise de l'orgasme, ne sachant comment réagir, comme au sortir d'un rêve trop brusquement interrompu.
« Ça va ? Vous allez bien, Mademoiselle ?
— Que... Oui ! Oui, ça va, merci. Je...
— Vous aviez l'air de faire un cauchemar. On aurait dit que vous gémissiez dans votre sommeil, comme si...
— Hein ? Non, non. Je vais bien je vous assure. C'est gentil.
— Je peux m'asseoir près de vous ? »
Lamia, une mèche de cheveux en travers du front pris conscience du ridicule de la situation. Elle se releva d'un coup, vérifia que son manteau la couvrait toujours et le tira de justesse alors que le garçon s'asseyait sans attendre sa réponse.
« Comme vous aviez le visage tourné vers la vitre, je n'avais pas vu la barrette. Je n'étais pas sûr que vous la portiez, alors je me suis rapproché pour vérifier. »
La brunette se souvint de la lettre au bout de quatre secondes durant lesquelles elle était demeurée interloquée, encore sous le choc de la surprise. Au creux de son ventre, le jouet vibrait toujours sur un rythme irrégulier. Elle avait lancé le programme aléatoire du mécanisme dans un geste incontrôlé. En se redressant un peu plus elle provoqua une pression irrésistible sur la paroi de son vagin.
« Ah ! s'écria-t-elle dans un hoquet incontrôlé.
— Oh pardon ! Je me suis assis sur votre main ? s'inquiéta le jeune homme.
— Non. Pas du tout. Ah ! »
Lamia n'en pouvait plus. Elle avait lâché la télécommande et tentait de la retrouver désespérément en fouillant sous son manteau.
Le garçon souleva le trench coat sous les yeux horrifiés de la jeune femme. Il passa sa main sous lui et en sortit le boîtier.
« C'est à vous ?
— Non ! mentit-elle par réflexe.
— On dirait un baladeur MP3, mais il n'y a pas d'écouteurs. C'est peut-être un modèle sans fil. »
Le jeune homme se mit à tester chaque bouton de l'appareil, déclenchant sans le savoir une succession violente de décharges dans la vulve de sa voisine. Lamia regardait fascinée les doigts pianoter au hasard sur les touches. Elle se mordit les lèvres et cacha son visage sous ses longs cheveux, incapable de surmonter son regain de plaisir. Elle voulait supplier le jeune homme de continuer, de la guider vers de nouveaux délices. Elle attrapa l'avant-bras de son voisin et le serra aussi fort que les contractions qu'elle sentait dans sa chatte électrisée. Elle aurait voulu lui saisir la queue et le branler sans autre forme de procès, pour partager le moment incroyable qu'elle vivait et lui communiquer son plaisir.
Le garçon ne broncha pas ; il se contentait de jouer distraitement avec les boutons de la télécommande mais ne comprenait pas le sens des ondes qui se dessinaient sur le petit écran à chaque fois qu'il passait d'un programme à un autre. Il s'en lassa au bout de quelques temps et trouva le bouton d'arrêt. Lamia fut aussi soulagée que déçue.
« Donne-moi ça. En fait, je crois que c'est bien mon MP3. »
Lamia le lui arracha des mains et le jeta dans son sac à main sous ses pieds.
« Voilà, c'est moi. Je suppose que tu as lu ma lettre ? »
Lamia sourit enfin, repue et apaisée. Elle avait reconnu le jeune geek de l'autocar aperçu le matin même derrière un magasine.
« En fait, je crois que j'espérais très fort que ça soit toi, lui avoua-t-elle. — Je m'appelle Lamia. Et toi ?
— Dan. Enchanté. »
Il lui tendit une main en signe de salutation. Elle hésita un instant avant de la saisir et de la serrer délicatement contre ses doigts encore parfumés et mouillés de sa propre intimité.
« Tu fais quoi ce soir ? demanda Lamia, aguicheuse.
— Euh... J'ai rien de prévu. Pourquoi ?
— Parce que j'ai beaucoup pensé à toi aujourd'hui. »
19:29 - 23 janv. 2016
A bientôt dvb (j'allais dire dale, je ne sais pas pourquoi c'est resté, mais maintenant que j'ai regardé intégralement la série Twin Peaks ça me fait d'autant plus drôle.)
22:53 - 24 janv. 2016
Encore un texte bien écrit de ce cher DVB.
Félicitation.
Cependant, je préfère lorsque tes textes ressortent un peu plus sombre.
Et puis, celui ci est vraiment bien écrit certes, et je ne m'attendais pas vraiment à cette fin.
En faite je pense que ce qui me gène, c'est juste qu'il manque un rebondissement, un truc original, qui ressorte un peu quoi.
Enfin bref, à côté de ça c'est plutôt sympa. :)
21:24 - 1 mars 2016
Du neuf, dvb ? Les commentaires ont aidé ?
22:53 - 1 mars 2016
Ouais !
D'ailleurs j'ai pas pris le temps de répondre.
Je vais reprendre ça dans les prochaines semaines (modifications, corrections, réponses aux commentaires et aux questions des membres).
Ce texte n'est pas dans mes priorités du moment, mais je ne l'abandonne pas pour autant :)
"J'ai une âme solitaire"
13:52 - 9 août 2016
Je sais que tu es pris par d'autres projets, que devient celui-ci du coup (et pour « Sheridan » au passage) ?
08:22 - 10 août 2016
Archivage ?
Parce que là, j'ai pas vraiment envie de le reprendre. C'était juste un exercice technique :)
"J'ai une âme solitaire"
12:13 - 10 août 2016
Passage en biblio donc.